Contact Audi RS3 Sportback : Un dernier pour la route

Contre vents et marées, Audi s’accroche à raison à ce qu’il a de meilleur à offrir, notamment son fameux « 5 cylindres turbo », un bloc d’exception qui a fait sa renommée depuis 1980, aujourd’hui unique au monde. Il trouve comme écrin l’ultime RS3, qui sera sans doute la dernière à en profiter…

Par Jack Seller, photos Joseph Bonabaud

En bref
Version Sportback de la RS3
Moteur 5 cylindres 2,5 turbo de 400 ch, 500 Nm
Perf : 0 à 100 km/h en 3,8 sec – 290 km/h
Prix (à partir de) : 75 600 € hors malus de 70 000 €

Je le confesse, je ne suis plus tout jeune. J’ai connu les premières classes dans le métro, le périph’ à 90 km/h (et cette même limite apposée sur le dos de ma première voiture en tant que jeune permis !), les nationales à 3 voies – celle médiane servant dans les deux sens à dépasser ! – la carte orange, le minitel, les flippers dans les cafés où l’on fumait et une belle France forte et indépendante qui n’était pas encore inféodée à une Europe de technocrates qui n’ont d’autre considération que défendre leurs propres intérêts. Lorsque j’ai débuté comme jeune journaliste automobile, le choix se limitait à essence ou diesel, voire GPL pour les plus originaux. Et les constructeurs ne nous vendaient pas des grammages de CO2 mais de la vitesse et des chevaux. Et puis est arrivée la première hybride (Toyota Prius), puis les premières électriques à l’autonomie ridicule (Citroën Saxo), mais aussi la déferlante des SUV, les hybrides rechargeables, etc… Autant dire que, rien qu’en automobile, j’en ai vu des bouleversements ! Et il est parfois rassurant de constater que certaines choses, des valeurs sûres, sont immuables. Comme le fameux 5 cylindres « turbo » de chez Audi, un bloc devenu mythique qui a fait ses débuts en 1980 avec l’Ur quattro. Depuis, certains ont par la suite adopté cette architecture (notamment Ford et Volvo), mais aujourd’hui, seul Audi continue de défendre ce moteur pour le moins singulier, imaginé par un certain Ferdinand Piëch.

› La RS3 nous adresse un baroud d’honneur en terminant sa carrière en beauté à travers cette version restylée…

Car un 5 cylindres a, pour avantages, de présenter une compacité et une consommation proches d’un 4 cylindres, mais aussi d’offrir une allonge supplémentaire à bas-régime, à la manière d’un 6 cylindres. Le meilleur des deux mondes si vous voulez en un seul moteur, et on peut dire qu’Audi a su le faire sérieusement évoluer. D’une puissance et cylindrée originelle de 200 ch pour 2,1 litres, il développe désormais 400 ch (et 500 Nm) pour une cylindrée à peine plus généreuse (2,5 litres). Et même 407 ch dans la très confidentielle version « Performance Edition » limitée à 300 exemplaires pour le monde. Qu’il développe 400 ou 407 ch, peu importe, on salue la… performance justement, mais notre joie risque d’être de courte durée car, de nos jours, l’Europe toute puissante ne laisse plus le choix au consommateur que nous sommes. Aujourd’hui, pour en bénéficier, il faudra vous acquitter d’un malus monstrueux, équivalent presque au prix de la voiture, porté par Bercy à 70 000 €. Dépêchez-vous, c’est paraît-il une bonne promo, car il sera majoré à 80 000 € en 2026 et même 90 000 € en 2027. Heureusement (ou dommage !) que le ridicule ne tue pas ! Vous me direz, autant interdire ces voitures, ce serait plus cohérent. Ne vous inquiétez pas, car ce sera bientôt chose faite dans le cas qui nous intéresse. Cette fois, Bercy n’y est pour rien, mais c’est l’Europe qui, à force d’empiler des normes anti-pollution toujours plus drastiques (et contre-productives), va avoir la peau du 5 cylindres Audi. Ce sera donc pour nous l’occasion ici d’entendre chanter une dernière fois ce fabuleux moteur. Le chant du cygne…

Chant du cygne

Audi, conscient que son moteur d’anthologie vit là ses dernières heures, a voulu marquer le coup en offrant à sa RS3 Performance un léger restylage fin 2024. Outre des jantes de 19 pouces au dessin particulier, cette RS3 dispose de boucliers encore plus évasés, celui situé derrière recevant un diffuseur d’air retravaillé, comportant en son centre un catadioptre vertical, façon feu de F1. La calandre singleframe, légèrement plus large, perd en revanche son logo caractéristique « RS3 » fixé habituellement sur le côté. Dommage. A noter que des éléments en carbone optionnels peuvent venir habiller quelques éléments distinctifs, à l’image des coques des rétroviseurs. Dans tous les cas cette RS3 donne la part belle à des coloris inédits comme le Gris Kémora ou Gris Daytona, le vert Kyalami, le rouge Progressive ou le bleu Asacari. Sur notre véhicule d’essai, digne d’un « citron pressé », elle a droit à un singulier « jaune Python » pour le moins voyant. De quoi mettre en valeur une plastique toujours plus agressive, de mon point de vue plus spectaculaire que vraiment élégante, toujours déclinée en berline à coffre. La dotation de série est archi-complète, avec des phares Matrix LED (affichant un damier sur les côtés) tandis que l’intérieur dispose de beaux baquets en cuir Nappa, chauffants, mais à réglages manuels. Pour être exhaustif, citons que l’écran tactile de 10,1 pouces met en avant la séquence d’allumage caractéristique du 5 cylindres (1-2-4-5-3). Sympa !

Bien sûr, le morceau de choix justifiant à lui seul l’achat de cette voiture, reste bien son moteur, le 2,5 TFSI. Audi Sport s’est décarcassé pour le faire évoluer, sa puissance passant de 367 ch sur la génération précédente de 2015, à 400 ch. Le couple maximal, phénoménal, est de l’ordre de 500 Nm disponibles entre 2250 et 5600 tr/mn, une plage d’utilisation optimale que l’on utilise quasi-quotidiennement. Le tableau serait idyllique si le moteur offrait davantage de couple avant 2250 tr/mn, ce dernier apparaissant un peu « creux » en dessous. Serait-ce un effet de la perfide norme « Euro6full » impactant notre monture ? Peut-être bien… Ce qui est sûr, c’est que cette norme, qui impose notamment d’intégrer des FAP dans les échappements, est parvenue à castrer la mélodie enivrante du 5 cylindres. Pas complètement, bien sûr, mais ça chante moins fort et bien que sur les RS3 précédentes, et même le sorcier Akrapovic n’est pas arrivé à lui octroyer quelques octaves de plus malgré l’emploi de silencieux optionnel en titane (+ 5000 € !). Quant à la vitesse de pointe, elle vise haut en étant de l’ordre de 290 km/h. Pour viser encore (un peu) plus haut, il vous faudra dénicher une Performance Edition (facturée plus de 96 000 € !), qui relève la bride à 300 km/h. Du jamais vu sur une berline compacte !

› Depuis 2012, la RS3 aura su séduire plus de 80 000 amateurs à travers le monde, tous tombés amoureux du fantastique 5 cylindres « turbo » Audi et de ses performances de dingue !

Le meilleur pour la fin

Si cette RS3 chante moins bien que ses devancières, elle compense cette lacune en offrant un comportement bien plus « fun » qu’auparavant. Pour passer sans coup férir toute la puissance au sol la transmission intégrale quattro est bien sûr toujours du voyage, mais oubliez l’antique système Haldex, qui laissait sous-virer la voiture à la limite d’adhérence. Cette fois, Audi Sport a travaillé en nous livrant un nouveau « RS Torque Splitter » utilisant deux embrayages multidisques à commande électronique. Celui-ci permet de répartir le couple de façon variable entre les roues arrière, de façon à offrir plus de mobilité, comme sur une propulsion… mais en gardant quand même l’ensemble sous surveillance, afin d’éviter que l’arrière ne passe devant ! Un bonheur n’arrivant jamais seul, sachez que l’auto reçoit à l’avant des disques en céramique à 6 pistons de 375 mm de diamètres, allégés de 10 kg par rapport aux classiques disques en acier.

› La RS3 renferme un habitacle plus sobre que ne le laisse supposer sa robe, de plus en plus agressive au fil des générations.

Si je reste réservé sur l’utilité d’un tel dispositif (très cher à remplacer !), je suis en revanche bien plus séduit par la finesse de cette transmission plus permissive. Celle-ci apporte vraiment le « fun » qui manquait trop souvent aux Audi RS, mais tout en conservant une vraie marge de sécurité. Avec, il faut le préciser, l’excellent travail des pneus Pirelli P Zero R présents sur notre modèle d’essai. C’est tant mieux, car il faut avouer qu’en naviguant dans la bonne plage du couple disponible, cette RS3 sait vous envoyer des uppercuts dignes de Mike Tyson ! Les accélérations et les relances sont spectaculaires (0 à 100 km/h en 3,8 sec !), du niveau d’une R8 V10 de 540 ch, ce qui permet de situer cette berline compacte à des altitudes vraiment élevées, du niveau de son régime maximum (7000 tr/mn !). Même la transmission S-tronic à 7 rapports sait se mettre au diapason en jouant à la « boîte à rythme », en passant à la volée chaque vitesse. Elle le fait fort bien toute seule en « mode auto », mais en activant la touche « RS » solidaire du volant, on bascule en mode manuel, et il faudra alors passer les rapports via les palettes avant de buter sur le rupteur. Mieux, contrairement aux premières RS3, celle-ci a moins peur des hauts régimes et accepte enfin de rétrograder plus facilement, ce qui permet de soulager un peu les freins, au demeurant toujours pleins de mordant. Du grand art !

› Sûre, efficace, mais aussi agile, cette RS3 marque un aboutissement de cette fantastique lignée apparue en 2012.

L’avis d’Avus

On a adoré la dernière S3, mais franchement, quitte à se faire racketter plein pot par l’Etat (malus maximum désormais porté à 70 000 € !), autant choisir si vous le pouvez cette incroyable RS3, certes plus chère qu’une « simple S », mais vraiment plus démonstrative et performante. Autant dire que cette compacte endiablée, qui sera très probablement l’ultime RS3 à bénéficier du 5 cylindres Audi, a déjà tout pour devenir un futur collector. En ce qui me concerne, je la regrette déjà…

« Cette RS3 sait vous envoyer des uppercuts dignes de Mike Tyson, avec des accélérations et des relances spectaculaires, du niveau d’une R8 V10 de 540 ch ! »

On aime :
• Performances uniques pour la catégorie
• Agrément de conduite – efficacité
• Polyvalence générale

On aime moins :
• Look trop tape-à-l’œil ?
• Moteur creux sous 2500 tr/mn
• Prix très élevé
• Malus délirant !

Fiche technique Audi RS3 Sportback :
Moteur : 5 cyl. en ligne essence turbo, 20v, 2480 cm3
Puissance (ch à tr/mn) : 400 de 5600 à 7000
Couple (Nm à tr/mn) : 500 Nm de 2250 à 5600
Transmission : boîte S-tronic à 7 rapport,
aux 4 roues (quattro)
Dimensions (L x l x h en m) : 4,38 x 1,85, x 1,43
Capacité du réservoir (en litres) : 55
Pneus AV-AR : 265/30 ZR 19 – 245/35 ZR 19
Poids à vide (kg) : 1640
0 à 100 km/h (sec) : 3,8
Vitesse maxi (km/h) : 290
Rejets de CO2 (g/km) : de 205 à 216