Audi RS6 GT, Le break « poly-violent » !
A priori, un grand break familial séduit la clientèle grâce à sa polyvalence, moins par ses performances. Un précepte qui vole en éclat chez Audi, notamment avec la sportive RS6. Un modèle carrément extrémiste à travers sa rare et méchante déclinaison GT…
Texte et photos Thomas Riaud
En bref
Ultime série spéciale de la RS6
Version GT limitée à 660 exemplaires pour le monde
Moteur V8 4.0 biturbo de 630 ch
Perf : 0 à 100 km/h en 3,3 sec – 305 km/h
Prix (hors malus de 60 000 €) : 230 000 €
Depuis son apparition en 2002, la surprenante RS6 est devenue LA référence en matière de grand break sportif. En quatre générations, cela ne s’est jamais démenti, bien au contraire, puisqu’elle osera pousser le bouchon jusqu’à adopter un… V10 d’origine Lamborghini. La RS6 actuelle est revenue à un peu plus de « sagesse », en se contentant d’un V8 4.0 biturbo, que l’on trouve sous le capot de certaines Porsche et Bentley. Un sublime moteur presque responsable, puisqu’il bénéficie d’une hybridation légère 48V, permettant d’effacer tout temps mort au démarrage, avant que les turbos ne prennent le relais. Mieux, ce bloc renferme également la technologie « Cylinder On Demand », permettant de couper automatiquement 4 cylindres lorsque l’on roule tranquillement.
Une débauche de technologie brillante et efficace qui ne semble pas avoir eu la moindre considération auprès de nos technocrates, qui s’échignent toujours à surtaxer à hauteur de 60 000 € ce break d’exception pour d’obscurs motifs écologiques. Malgré cette punition fiscale, les amateurs du genre ne semblent pas effrayés, puisque la dizaine d’exemplaires de RS6 GT réservée à la France est déjà vendue. Et encore, comme chez Ferrari, c’est sur dossier que la marque aux Anneaux s’est permise de sélectionner les heureux clients ! Ont-ils fait une bonne affaire, où est-ce que cette sulfureuse RS6 GT tient plus du « coup marketing » ? Un peu des deux à vrai dire ! On vous dit pourquoi…
› La RS6 GT, c’est un look bien à part, mais pas que : ses performances sont diaboliques ! Seuls 660 exemplaires seront produits pour le monde.
La gueule de l’emploi
Bon, clairement, la discrétion n’est pas la qualité première de cette RS6 très spéciale que l’on repère de loin. Attention, par beau temps, vous deviendrez la cible privilégiée des pandores équipés de traitres jumelles ! La faute à ses peintures de guerre très voyantes aux couleurs historiques d’Audi Sport, évoquant clairement la redoutable et mythique 90 quattro IMSA GTO. On valide la démarche, mais on aurait aimé qu’à ce niveau de prix Audi se fende d’une peinture spécifique, plutôt que de se limiter à de simples stickers. Pour trouver de l’exclusivité, de la vraie, on peut néanmoins se consoler avec les sublimes jantes blanches forgées de 22 pouces (abritant des disques en carbone-céramique), mais aussi avec de nombreux éléments de carrosserie revus et travaillés pour les circonstances. Outre les boucliers, c’est notamment le cas du capot avant ajouré, tout en carbone pour gagner du poids, comme des ailes avant élargies garnies d’écopes fonctionnelles. L’arrière n’est pas en reste, avec un diffuseur modifié, intégrant en son centre un catadioptre vertical évoquant l’univers de la F1. Et il y a aussi ce qui ne se voit pas, comme les ressorts hélicoïdaux réglables, comme sur une vraie voiture de course, sur 3 niveaux. Bref, sur ce point, Audi fait un sans-faute, cette version GT parvenant sans peine à se démarquer d’une RS6 « standard ». Et accessoirement, à économiser une trentaine de kilos, ce qui n’est pas un luxe, ce beau bébé pesant tout de même encore 2060 kg à vide. Dommage en revanche que l’habitacle ne bénéficie pas d’un traitement tout aussi spectaculaire.
› La RS6 bénéficie de nombreux éléments de carrosserie spécifiques, tout en carbone, avec un capot ajouré des ailes avant évasées.
Certes, il y a du carbone à foison, une inscription indiquant le numéro de la voiture (limitée à 660 exemplaires), et outre de sublimes sièges baquet dotés d’une coque (en carbone également), quelques détails font mouche comme le seuil de porte ou les tapis de sol estampillés « RS6 GT » ou les ceintures de sécurité rouges. Mais Audi aurait pu aller plus loin encore, en ôtant par exemple la banquette arrière, au profit de 2 autres baquets individuels. Cela aurait permis de réduire encore le poids, tout en apportant une touche supplémentaire d’exclusivité. Mieux encore, imaginez cette RS6 limitée à seulement… 2 places, l’arrière se contentant d’embarquer un arceau, avec une vraie roue de secours sanglée à même le plancher ! Une bonne manière simple et efficace d’alléger encore un peu plus la voiture, tout en marquant davantage son aspect « racing ». Et accessoirement de pouvoir vendre en catégorie « utilitaire » cette « camionnette 2 places », permettant de faire un beau pied de nez parfaitement légal à notre chère administration fiscale ! A Avus, on n’a pas de pétrole mais de bonnes idées, et on devrait être consultants pour Audi !
Un dernier pour la route
C’est avec un petit pincement au cœur que je m’installe derrière le volant « sport » multifonctions à la prise en main parfaite. N’y voyez pas une forme d’appréhension, mais surtout la profonde déception de me dire que c’est la dernière fois que la RS6 sera thermique. Cette version GT signe pour moi la fin d’une belle époque, la fin d’un monde, la fin des « vraies bagnoles ». Dommage, mille fois dommage, et ceci est encore plus criant de vérité lorsque je m’apprête à lancer le moteur en appuyant sur le bouton magique « start ». C’est le calme avant la tempête, car dès que le V8 s’anime, on comprend mieux d’où vient l’expression « moteur à explosion ». Ce déluge de décibels craché par les 2 échappements ovales sera de courte durée, le temps que le starter automatique régule le débit d’essence, faisant retomber le régime moteur. J’empoigne le levier de vitesses, le fait coulisser sur « drive », et c’est au ralenti que je m’élance, en quittant au pas mon village.
› L’intérieur, luxueusement traité, aurait pu être plus radical et dépouillé d’après nous. De nombreux éléments sont estampillés « RS6 GT ».
Le temps de faire chauffer la mécanique, cela me permet d’apprécier la finition, remarquable, mais aussi de percevoir la fermeté inhabituelle de l’amortissement, assez sec sur les raccords de chaussée, qui n’a plus rien à voir avec celui d’une RS6 normale, y compris en mode « confort ». A la décharge de « ma » RS6, on m’avait averti qu’elle avait été réglée avant mon prêt pour une cession « circuit » et est restée en l’état, ceci expliquant cela. Quelques kilomètres plus loin, le V8 est enfin à bonne température comme le suggère le compte-tours numérique, qui a relevé automatiquement la limite de la zone rouge 5000 à 7000 tr/mn. La route étant lisse, large, sèche et bien dégagée, j’écrase sans retenue l’accélérateur et là, c’est l’extase ! Dans un barouf du diable, la RS6 GT plante, tel un chat ses griffes dans la moquette, ses 4 roues dans le bitume. Clairement, ça pousse fort, mais ça tire aussi en même temps, assez pour vous coller sans ménagement au fond des sièges. Sur le fameux exercice du 0 à 100 km/h, la RS6 GT ne réclame que 3,3 secondes, soit des temps comparables à une Porsche 911 Carrera. Pas mal du tout pour une enclume de plus de 2 tonnes ! Le mieux, est que passé le cap des 100 km/h, la RS6 GT continue d’envoyer tout aussi fort. Un délire qui se poursuit sur les belles routes de Bulkavie de mon essai – libres, comme chacun sait, de toute limitation de vitesse castratrice – de façon aussi probante au-delà des 200 km/h, et même bien plus si affinités ! Cette voiture est dingue, mais à dire vrai, est-ce encore un break ? Oui, car, petit « détail » qui a son importance, nous étions 4 adultes à bord lors de cet essai, une particularité qui échappe à toute sportive de ce calibre, limitée le plus souvent à 2 places.
Donc, on s’en doutait, cette RS6 GT accélère aussi fort qu’une fusée d’Elon Musk. Fort bien. Mais qu’en est-il du comportement ? Il va bien, merci. Du moins sur route ouverte, où même en arsouillant, il y a toujours ce qu’il faut en freins pour ralentir l’équipage, donnant l’impression de jeter l’ancre. Mention « très bien » également pour la direction, précise et informative, bien aidée par ailleurs par des roues arrière directrices, permettant de transformer en centrifugeuse ce gros break de 5 mètres de long dans les virages, la transmission intégrale quattro faisant des miracles pour distribuer avec efficacité la puissance sur les quatre roues. Et puis il y a cet amortissement ferme, qui se révèle un avantage à vive allure lorsqu’il est réglé pour faire de la piste, la RS6 GT virant alors presque à plat, se jetant avec gourmandise sur chaque point de corde. Les seuls bémols sont à mettre au crédit du poids, qui se fait parfois sentir lors des appuis, mais aussi du gabarit XXL (1m95 de large !), à prendre en compte pour bien placer la voiture, surtout sur une petite route étroite. Mais bon, on n’a rien sans rien : la RS6 GT n’est pas une petite ballerine façon Lotus Elise, mais un grand break familial avec un coffre généreux de 565 litres, et c’est précisément cette particularité qui la rend si singulière et attachante. Et unique !
L’avis d’Avus
Que tous les pisse-froids, khmers-verts et autres détracteurs de la belle automobile soient, ici, cloués au pilori, car c’est notamment à cause d’eux que la fantastique RS6 – et toutes les grosses cylindrées – se voient condamnées en Europe, à court ou à moyen terme. Chez Audi, cette transition est déjà actée, car la prochaine A6 sera une e-tron, donc un modèle 100% électrique. Je ne doute pas un seul instant que cette future A6 « écolo » sera bien sous tous rapports, et même agréable à conduire, mais elle sera incapable d’offrir cette dimension passionnelle, que seules les voitures thermiques peuvent offrir. Là où certains n’entendent que du « bruit », je perçois au contraire une douce musique, et ceux qui s’offusquent des performances élevées d’une telle voiture, devraient au contraire voir le sens du progrès, le tout mâtiné d’un réel plaisir. Cette RS6 GT a beau être une nouveauté et déjà un collector, j’avoue qu’elle me manque déjà.
« Cette RS6 GT a beau être une nouveauté et déjà un collector, j’avoue qu’elle me manque déjà »
On aime:
• Look d’enfer !
• Performances d’enfer !
• Comportement d’enfer !
• Prix… d’enfer !
On aime moins:
• Modèle en voie d’extinction
• Que 660 exemplaires
• Aurait pu être encore plus radicale
Fiche technique Audi RS6 GT:
Moteur : 8 cylindres en V biturbo de 3996 cm3, 32 soupapes, mild hybride 48V
Puissance : 630 ch à 6000 tr/mn
Couple : 850 Nm
Transmission : quattro, bva à 8 rapports
Dimensions (L x l x h) en m : 5m00 x 1m95 x 1m46
Poids : 2060 kg
0 à 100 km/h (sec) : 3,3
Vitesse maxi (km/h) : 305
Conso moyenne (WLTP) : 12,3 l/100 km
Rejets de CO2 : 280 g/km