Audi Q8 e-tron 55, Courant ascendant

A l’occasion de son premier restylage, le SUV électrique e-tron n’a pas seulement changé de nom. Plus aérodynamique, il embarque aussi une batterie de plus grande capacité, augmentant sensiblement son rayon d’action…

Par Thomas Riaud, photos Tibo

En bref

Commercialisation « e-tron » Mk1 en 2018
Version restylée (nouvelle calandre, nouveau logo…)
Version essayée 55 e-tron quattro
Puissance : 300 kW (408 ch)
Prix (à partir de) : 86 700 € (89 300 € en Sportback)

 

Que le temps passe vite ! S’il est cruel pour nous, pauvres mortels, il l’est tout autant pour les voitures électriques qui, à peine sorties, se trouvent bien vite dépassées technologiquement parlant. Ce constat vaut pour l’e-tron, le pionnier des SUV électriques premium, arrivés bien avant les Mercedes et BMW concurrents. S’il a eu l’avantage de « faire son trou », en séduisant 175 000 amateurs à travers le monde (principalement dans les pays scandinaves et aux USA), il s’est également vite retrouvé « à la ramasse » derrière ses rivaux directs plus jeunes, offrant davantage d’autonomie. D’où l’importance pour Audi de réagir, chose faite avec ce restylage qui est plus important qu’il n’y paraît. Passons rapidement sur la forme, l’e-tron n’ayant pas vraiment vieilli sur ce point. Bien né, et particulièrement bien dessiné, il ne tombe pas dans l’écueil de vouloir à tout prix se distinguer des autos « normales » en adoptant un design singulier, quitte à devenir clivant. C’est même tout le contraire, l’e-tron s’apparentant plus à un grand break surélevé, façon A6 Allroad, du moins sur notre version d’essai, plus classique de forme que la déclinaison « coupé » Sportback.

Le restylage, assez discret, porte principalement sur la face avant, qui reçoit une nouvelle calandre singleframe comportant, en option, une barrette rétroéclairée sur sa partie supérieure. Une manière de bien mettre en évidence, la nuit tombée, le nouveau logo en 2 dimensions. Les plus observateurs noteront que le bouclier a lui aussi pas mal changé, notamment sur les parties latérales basses, qui comportent des ouvertures pour optimiser les flux d’air. D’ailleurs, l’essentiel du travail effectué par Audi ne se voit pas, puisque les aérodynamiciens se sont évertués à rendre ce colosse de 4m91 (pour 2,5 t minimum !) aussi efficient que possible. Avec des résultats probants à la clé, puisque le Cx est passé de 0,28 à 0,27 pour le SUV, et même de 0,26 à 0,24 pour le dérivé Sportback. Rien n’a été laissé au hasard, des soubassements entièrement carénés, aux jantes profilées (de 20 à 22 pouces), sans oublier les rétrocaméras (optionnelles à 1950 €), forcément bien mieux profilées que des rétroviseurs classiques. Selon nous, elles restent difficiles à appréhender, notamment lors de manœuvres, mais elles permettent à elles seules de gagner 7 km d’autonomie. L’autonomie, voilà bien le nerf de la guerre sur les autos électriques, et de ce point de vue, l’e-tron n’a jamais été convaincant. D’où l’importance de ce restylage, qui le transforme d’un coup de baguette magique (orchestrée par le marketing) de simple e-tron en en Q8 e-tron. Un changement qui s’accompagne par l’adoption de batteries bien plus importantes, changeant quelque peu la donne…

De l’e-tron au Q8 e-tron

Donc, vous l’aurez compris, vous avez désormais affaire au Q8 e-tron… qui cohabite avec un Q8 thermique qui n’a strictement rien à voir ! Certains vont avoir mal à la tête pour s’y retrouver, mais les choses vont se clarifier dans les mois et années à venir. Audi a en effet décidé d’attribuer les chiffres pairs aux modèles électriques, et impairs aux thermiques. Ainsi, la future A4 devrait se nommer A5, et l’A6 « normale » deviendrait A7… aux côtés d’une A6 e-tron bien spécifique. Et quand, à l’horizon 2033, Audi ne commercialisera plus que des modèles 100% électriques, tout sera parfaitement limpide… avec la probable disparition conjointe de l’appellation « e-tron », qui n’aura plus de raison d’être. Vous suivez ? Je sens que j’ai peut-être perdu certains d’entre vous, aussi recentrons-nous sur ce Q8 e-tron.

A l’intérieur, rien de neuf sous le soleil du Portugal, lieu de notre essai. On retrouve un environnement véritablement premium, où il fait bon vivre… et voyager ! Les habitués de la marque aux Anneaux ne seront pas dépaysés en retrouvant le cockpit virtuel en guise de compteurs paramétrables, et les deux grandes dalles tactiles sur la console centrale, pour gérer l’infodivertissement (en haut) et la ventilation (en bas). Mais la plus grande modification ne se voit pas, puisqu’elle est intégrée dans le plancher de la voiture. Les batteries montées initialement dans l’e-tron, de trop faibles capacités, ont été remplacées par des versions bien plus importantes, figurant parmi les plus importantes du marché, en fournissant 95 kW sur la « petite » version e-tron 50 d’entrée de gamme, et même jusqu’à 114 kW sur notre version haut de gamme e-tron 55, équipée de 2 moteurs (un par essieu) ! De quoi faire bondir l’autonomie, celle-ci étant annoncée à 552 km en cycle WLTP sur le Sportback, mieux profilé que le SUV (532 km). Un cycle très largement optimiste, mais retenez seulement que, « dans la vraie vie », ce grand SUV à vocation familiale offre un rayon d’action plus adéquate avec ses tarifs. Dommage en revanche que la charge soit plafonnée à 170 kW (recharge à 80% en 30 minutes). La concurrence fait mieux, y compris les coréens Kia et Hyundai.

Voyage VIP

Grâce aux multiples réglages électriques offerts tant par le siège que le volant, chacun trouvera une position de conduite idéale. Dès les premiers kilomètres, l’engin se laisse très facilement apprivoiser, exception faite de ces satanées caméras faisant office de rétroviseur, très perturbantes ! D’après nous, elles tiennent plus du gadget et de la fausse bonne idée : voilà une option à oublier ! Vous serez séduit par la finition au cordeau, mais aussi par l’excellente habitabilité, y compris aux places arrière, la place centrale étant débarrassée de l’encombrant tunnel de transmission, un miracle de l’architecture électrique. Les aspects pratiques sont également bien pensés, avec un vrai coffre large et profond (569 litres sous tablette), auquel on peut ajouter un petit espace de rangement supplémentaire de 62 litres sous le capot avant, prévu pour déposer les câbles de recharge.

Je sens d’ailleurs que je vais en avoir besoin lors de ma prochaine étape, tant ce mastodonte de 408 ch sait détaler comme un lapin ! Le couple, quasi-instantané de 664 Nm y contribue largement, permettant d’expédier le 0 à 100 km/h en seulement 5,6 secondes. Pas mal pour une enclume de 2585 kg ! Mais pour voyager « loin » (tout est relatif en électrique), il faudra éviter de renouveler trop souvent cet exercice, car le Q8 e-tron est du genre glouton. Il consomme plus de 33 kWh en « tartinant »,  et en roulant comme un « papy », il est difficile de tomber sous les 27 kWh. Autrement dit, les 532 km annoncés sont du fake, et il faudra plutôt tabler sur 430 km au mieux, voire moins si vous ne faites que de l’autoroute. Cela représente un net progrès par rapport au premier e-tron, incapable de faire plus de 300 km en conduite normale, mais cette performance reste décevante comparé à l’efficience proposée par la concurrence, Tesla bien sûr, mais aussi BMW et Mercedes.

On appréciera tout de même la direction directe et précise, l’excellente filtration offerte par l’amortissement, y compris en off-road (malgré les jantes de 21 pouces de notre modèle d’essai), et l’attaque franche de la pédale de frein. De belles dispositions qui invitent quelque peu à s’encanailler, mais outre le problème de gestion de la batterie (et donc de l’autonomie), ce Q8 e-tron 55, sans doute trop lourd, n’apprécie que modérément cet exercice, et se trouve vite emporté par son poids dans les virages abordés à vive allure. Il faudra donc réduire la voilure, et apprécier la quiétude offerte par ce pullman très silencieux et confortable, toujours partant pour offrir un voyage en classe VIP…

L’avis d’Avus

Le temps a été cruel pour l’e-tron, complètement dépassé sur le plan technique au niveau des batteries. Et il en est déjà de même de ce Q8 e-tron, bien plus convaincant, certes, mais moins toutefois que les récents BMW iX ou Mercedes EQE, rivaux directs tout désignés. Et le prix rondelet revu à la hausse, fixé à partir de 96 200 € pour cette version « 55 », ne plaide pas non plus en sa faveur. En clair, ce Q8 e-tron n’est pas un cancre, mais sur son bulletin il récolterait la mention « des progrès mais peut mieux faire ». Seules consolations : l’absence de TVS pour les entreprises, et de malus pour tout le monde. Pas assez pour nous faire oublier un bon bloc thermique signé Audi, essence ou diesel…

On aime

Ligne sobre et agréable
Qualité de fabrication
Agrément de conduite
Habitacle vaste et bien équipé
Autonomie en hausse mais…

On aime moins

… encore insuffisante !
Poids et consommation trop élevés
Prix encore plus dissuasif
Rétrocaméras inutiles

Caractéristiques techniques : Audi Q8 e-tron 55 quattro                      

Moteur : 2 moteurs électriques asynchrones (1 à l’avant, 1 à l’arrière)
Batterie : lithium-ion 104 kWh utiles
Puissance (ch) : 408
Couple (Nm) : 664
Transmission : aux 4 roues (quattro)
Boîte : boîte auto
Freins : 4 disques ventilés
Pneumatiques (AV/AR) : 265/45 R 21
L x l x h (m) : 4,91 x 1,98 x 1,63
Coffre (litres) : 569
Poids à vide (kg) : 2585
0 à 100 km/h (sec) : 5,6
Vitesse maxi (km/h) : 200
Rejets de CO2 (g/km) : 0