Audi e-tron quattro 55
A contre-courant
Faire de l’électrique est aujourd’hui tendance, une démarche surtout « encouragée » par Bruxelles qui menace de fortes amendes les constructeurs les moins vertueux. D’où le lancement de cet e-tron quattro ! Mais proposer cette technologie dans un gros SUV familial, à vocation routière, n’est-ce pas aller à contre-courant de la logique élémentaire ?
Par Thomas Riaud, photos Clément Choulot
En bref
Essai de la première Audi électrique
Version « e-tron 55 », batteries de 95 kWh, autonomie de 417 km
Performances : 0 à 100 km/h en 6,6 sec – 200 km/h maxi
Prix : de 82 600 à 107 140 € hors bonus de 6000 €
« Mieux vaut tard que jamais » ! L’adage vaut pour Audi AG, qui se lance enfin dans la bataille de l’électrique avec cet e-tron quattro, mais aussi et surtout pour son importateur français, qui se décide à nous inviter à l’essayer, « juste » 5 mois après « la grande presse ».
Cette dernière a eu droit au grand jeu, avec une prise en main sous le soleil d’Abu Dhabi, mais pour nous, ce sera une journée sous le ciel gris d’Angers, le temps de rapatrier la voiture au centre Audi de Vélizy, en région parisienne.
Forcément, c’est moins motivant et glamour comme présentation, mais nous laisserons de côté nos états d’âme pour nous concentrer sur l’essai de ce mixeur, pardon, de cette voiture ! Car oui, ceci est bien une voiture, et fort heureusement, cela se voit ! Car contrairement à de trop nombreux déplaçoirs électriques qui poussent à se sauver, l’e-tron quattro a, au contraire, un design valorisant qui fait envie.
Long de 4m90, ce dernier est d’ailleurs plus proche en apparences d’un cross-over de type A6 Allroad, que d’un gros SUV, ce qui est plutôt un compliment.
Son style altier et élancé est une incontestable réussite et, à quelques détails près (calandre pleine à volets amovibles, absence de sorties d’échappement, flap aérodynamique sur bas de caisse…) il est impossible de déceler que cet e-tron quattro, à l’allure finalement très classique avec son long capot, est doté d’un moteur électrique.
En fait de deux moteurs pour être exact, un par essieu pour assurer la fonction quattro, l’ensemble développant de concert jusqu’à 300 kW en mode « boost » limité à 8 secondes, soit l’équivalent de 408 ch. Le plus savoureux est le couple produit de 561 Nm (664 Nm en « boost »), délivré immédiatement, sans inertie contrairement à un bloc thermique.
Une prouesse rendue possible par l’intégration entre les essieux d’une puissante batterie de 95 kWh, autorisant hautes performances et bonne autonomie. Celle-ci est annoncée à 417 km en cycle WLTP, même si Audi concède que les 300 km sont plus proches de la réalité. Une promesse que nous allons nous empresser de vérifier…
Le poids, voilà l’ennemi !
En prenant place à bord, nous retrouvons un univers qui commence à nous devenir familier, puisque calqué sur les derniers haut de gammes A6, A7, A8 et Q8. En clair, presque tous les boutons « physiques » ont disparu, remplacés par des écrans multifonctions dotés de touches tactiles à retour haptique.
En comptant le désormais classique « cockpit virtuel », adapté bien sûr à un usage électrique pour visualiser par exemple les flux d’énergie, cela fait désormais 3 écrans à bord, et même 5 si l’on compte les petits écrans OLED inédits, logés dans chaque contre-porte.
Ces derniers, qui offrent une définition parfaite, servent à renvoyer l’image… filmée par de petites caméras, fixées en lieu et place des rétroviseurs ! Une première mondiale sur une voiture de série (une de plus signée Audi !), facturée quand même 1800 € en option, qui permettrait de gagner un petit point au niveau du Cx (coefficient de pénétration dans l’air), ramenant ce dernier à un très flatteur 0,27, notamment grâce à l’adoption d’un fond plat.
Car la bataille de l’autonomie, en thermique comme en électrique, se joue sur l’aéro, mais aussi sur le poids. Dans ce dernier domaine, l’e-tron quattro est mauvais élève, plombé par l’emport de ses encombrantes batteries, celle-ci pesant un âne mort (700 kg !), la masse totale s’envolant alors à 2490 kg à vide
C’est ballot, dans la mesure où ce grand crossover, doué naturellement d’une vraie vocation familiale avec ses 5 vraies places et son grand coffre (660 dm3), devrait logiquement être amené à voyager régulièrement à pleine charge, quitte à flirter avec les 3 tonnes ! S’il nous paraît plus judicieux d’implanter une unité électrique dans une citadine, qui fera par définition de courts trajets péri-urbains, on comprend néanmoins le choix d’Audi de se porter vers un imposant SUV.
En effet, il est plus facile de noyer cette technologie lourde, encombrante et encore très coûteuse dans un grand véhicule premium, que dans une petite auto abordable. Passé ce postulat, c’est dans un silence de cathédrale que nous filons sur l’autoroute, en direction du Mans.
Silence, ça roule !
Ce silence à bord est à peine troublé par les bruits de roulement et aérodynamiques, tant Audi a bien travaillé sur l’insonorisation. Presque trop d’ailleurs, au point de se sentir vite déconnecté des réalités. En l’absence de vibrations et de régime-moteur, on perd ses repères, et ce d’autant plus que l’e-tron quattro, qui bénéficie de série d’une suspension pneumatique à hauteur variable, se montre très confortable, en gommant les aspérités de la chaussée.
Du coup, entre deux radars, on se retrouve vite sans forcer au-delà des 130 km/h réglementaires, surtout que les relances sont du genre vigoureuses (0 à 100 km/h en 6,6 sec) et les performances honnêtes (200 km/h maxi). Ceci est mal pour le permis, et plus encore pour l’autonomie qui en prend alors un sacré coup.
Clairement, l’autoroute n’est pas le terrain de jeu favori d’un tel engin (et encore moins l’Autobahn !), malgré sa vocation routière ! Audi annonce une consommation moyenne de 22,5 kWh/km, et sans prendre il est vrai la moindre précaution durant cet essai, nous sommes montés à 36 kWh/km. Cela ne vous parle pas ? Pour résumer et faire simple, sachez qu’au bout de 230 km, il NE nous restait PLUS que… 2 km d’autonomie.
C’est donc à l’agonie en mode dégradé (la voiture désacouple le train avant pour se mettre par défaut en « propulsion » et limite en plus la vitesse à 147 km/h), que nous sommes tout de même parvenus à rallier une borne Ionity, dans les environs de Chartres. Il s’agit d’un réseau de charge ultra-performant de 150 kWh, mis en place en collaboration avec tous les autres constructeurs allemands.
Ce réseau compte pour l’heure… 9 bornes en France, l’objectif de 80 points de recharge étant prévu dans l’hexagone à l’horizon 2020. Cela permet une charge en 50 min (facturée 25 € environ), ce qui dans le cas présent peut être qualifié de rapide.
Car sur une borne publique de 22 kW comptez 4h30, et près de 8h30 sur une wallbox de 11 kW installée à votre domicile. Bon, quand on dit « rapide » tout est relatif, car tout cela ne va pas franchement, selon nous, dans le sens du progrès, une bête plein de carburant réclamant moins de 10 min, arrêt pipi compris !
L’avis d’Avus
Bien sûr, conduire cet e-tron quattro présente bien des avantages : silence de fonctionnement, mais aussi confort royal procuré par la suspension pneumatique, ou relances instantanées et vigoureuses (561 Nm de couple !) dont on profite sans crainte grâce à l’excellent comportement routier (centre de gravité bas) sont de la partie. Ajoutons à cela de nombreux avantages fiscaux (ce qui est paradoxal sur une auto de luxe !), comme un bonus maxi de 6000 €, une TVS inexistante, une carte grise gratuite…
Mais ce SUV a aussi les défauts de ses qualités. Trop d’après nous, ce qui lui fait perdre en intérêt. Déjà, les amoureux de belles mécaniques (dont nous faisons partie) lui reprocheront, à raison, d’avoir autant de saveur qu’un yaourt nature 0%.
Et le plus préjudiciable est cette sensation désagréable d’avoir en permanence un fil à la patte, imposant une conduite douce et une gestion sans faille de ses déplacements, en les limitant au maximum.
Fâcheux pour une routière à vocation familiale flirtant avec les 100 000 € (de 82 600 à 107 140 € selon finition), soit un prix comparable à celui d’une excellente A6 Allroad biTDI ou d’un Q8. Car que l’on aime ou pas l’e-tron quattro, le vrai pouvoir de l’argent n’est-il pas de s’affranchir des contraintes ?
Alors à moins d’être maso, ou de vouloir profiter d’une niche fiscale pour défiscaliser au niveau de son entreprise, cette auto n’a, d’après nous, aucun autre intérêt que de faire plaisir aux technocrates de Bruxelles.
Fiche Technique
On aime | On aime moins |
Ligne valorisante | Autonomie insuffisante |
Habitacle vaste, high-tech et bien construit | Temps de recharge bien long |
Silence de fonctionnement, reprises | Réseau de charge rapide inexistant |
Comportement sûr et dynamique | Usage routier limité |
Avantages fiscaux | Conduite sans émotion |
Prix dissuasif | |
Q8, Q7 ou A6 plus intéressants à l’usage ! |
- Moteurs : 2 moteurs élec (1 par essieu), puissance maxi de 300 kW (408 ch) en mode « boost » temporaire (8 secondes)
- Couple : 561 Nm (664 Nm en mode boost temporaire)
- Consommation moyenne (kWh/100 km) : 22,5
- Autonomie (WLTP) : 417 km
- Dimensions (L x l x h) : 4m90 x 1m94 x 1m63
- Empattement : 2m93
- Coffre : 660 dm3
- Transmission : rapport unique, sur les 4 roues (quattro)
- Poids à vide : 2490 kg
- Pneus : 255/55 R 19
- Rejets de CO2 : 0 g/km, bonus de 6000 €