Audi Q8 : Grand Huit !
Audi s’aventure sur la niche très rentable des SUV-coupés, ces étranges engins premium mariant un style sportif à la polyvalence d’un tout-chemin. Audi arrive derrière BMW et Mercedes mais a pris le temps de la réflexion pour accoucher d’un inédit Q8, un SUV racé et bien pensé,qui voit les choses en grand…
En bref
SUV inédit, coiffant la gamme « Q » d’Audi
Moteur disponible : V6 3.0 TDI 286 ch(50 TDI)
Performances : 0 à 100 km/h en 6,3 sec – 232 km/h
Prix : 78 300 € (à partir de)
Parfois, la vraie bonne idée en automobile, c’est d’associer deux visions fortes pour créer un concept inédit, et d’arriver le premier, pour prendre de court la concurrence. Ce fut le cas du Renault Espace (imaginé par Matra en 1984), sorte de minivan à la sauce européenne qui créa le marché (aujourd’hui en chute libre) du monospace. Toyota a eu du nez également, en lançant au début des années 90 le Fun Cruiser, rapidement rebaptisé RAV4. Vous connaissez la suite : ce véhicule de niche a carrément créé le marché du SUV compact ! Et puis citons Mercedes, pionnier sur le segment des coupés-berlines avec sa sublime CLS de première génération. C’est à elle que nous devons, notamment, la Porsche Panamera ou l’Audi A7 Sportback.
Enfin, terminons par BMW, qui s’est risqué à commercialiser l’improbable X6, un X5 en fait doté d’un toit fast-back, comme un coupé. Personnellement, je trouve cela grotesque, et même de mauvais goût avec ce look façon engin de la « mafia russe », mais la formule plaît. Signe qui ne trompe pas, Mercedes applique depuis 2 ans exactement la même recette (avec le même goût douteux), avec son GLE Coupé. Et le filon semble tellement juteux que ces 2 constructeurs font de même, sur la gamme inférieure, avec respectivement leurs X4 et GLC Coupés. Face à ces succès commerciaux, par ailleurs générateurs de très fortes marges, Audi ne pouvait rester plus longtemps en retrait. Le constructeur arrive donc bon dernier dans la bataille avec ce Q8, mais c’est pour siffler la fin de la partie. Car le Q8 possède en toute objectivité des arguments de poids, qui plaident vraiment en sa faveur…
Trop stylé !
En le voyant, un jeune dirait « trop stylé m’sieur votre 4×4 ! ». Du calme mon garçon, le Q8 mérite une analyse un peu plus subtile… Ainsi, à l’instar de ses concurrents directs, Audi est parti d’une base technique éprouvée, celle du dernier Q7 en l’occurrence. Bonne pioche, car en plus de réduire les coûts de développement, cette plate-forme allégée, de surcroît suffisamment vaste pour garantir une bonne habitabilité et accueillir de gros moteurs (secondés par une hybridation légère 48 V), a largement fait ses preuves en matière de qualités dynamiques, notamment avec l’incroyable SQ7. Malgré cet héritage, le Q8 a l’excellente idée d’aller plus loin, en proposant un design totalement exclusif, qui apporte vraiment du sang neuf dans la catégorie. Sur ce point, BMW et Mercedes ne peuvent en dire autant ! Un peu plus court qu’un Q7 (4m99), mais aussi moins haut (1m71) et tout aussi large, le Q8 est bien plus sportif d’aspect. Et impressionnant, avec son bouclier proéminent façon « masque » guerrier façon DarkVador, qui vient mordre la large calandre singleframeoctogonale en relief. Tout est travaillé dans le moindre détail, avec de fins phares à LED expressifs, des ailes musclées et un arrière fuyant juste comme il faut, qui marie un beau dynamisme, sans sacrifier pour autant le coffre (605 litres). Les amateurs de la marque aux anneaux apprécieront d’y retrouver un clin d’œil à la mythique Sport quattro, avec ce montant arrière épais et incliné, qui reçoit une lunette de hayon presque plane.
La poupe est elle aussi très convaincante, avec des feux qui se fondent dans un bandeau noir laqué du plus bel effet. Au final, le Q8 ne sombre pas dans la caricature trop facile d’un Q7 doté d’un toit de coupé. Son design est fort, vraiment personnel, et à ce niveau de prix (et d’exigence), le client appréciera de rouler dans une auto exclusive du bas de caisse au pavillon, qui a du sens. Et de la prestance, notamment lorsque ce gros SUV se chausse, comme notre modèle d’essai, de roues optionnelles de… 22 pouces (19’’ en série), une taille XXL que l’on n’avait pu voir jusqu’à présent que sur d’extravagants concept-cars ! Nous avions eu le privilège de découvrir le Q8 ainsi à l’abri des regards, à Ingolstadt, dès le mois de mars dernier… mais avec l’interdiction formelle d’en parler. Le voir dans un studio est une chose, mais l’admirer en vrai dans la rue,au milieu des autres voitures, en est une autre. Sur son passage, notre Q8 peint d’un singulier « orange dragon » aimante irrésistiblement les regards (option à 1240 €), et nul doute que certains vont souffrir de torticolis en le découvrant évoluer dans le trafic. Et encore, ils n’ont pas vu l’intérieur…
Beauté intérieure
Ce que le Q8 suggère de l’extérieur, se retrouve à l’intérieur. A l’ouverture des portes, toutes privées d’encadrement de vitre, comme sur un coupé, on découvre un univers high-tech, bourré des dernières technologies, mais aussi chaleureux et luxueux, grâce au recours massif de matériaux de qualité, placés à bon escient. Les designers ont fait un travail remarquable, de concert avec les ingénieurs, puisqu’à bord du Q8, la forme dicte la fonction. Lorsque tout est éteint, on est en présence d’un mobilier laqué en noir, comme un piano, qui prend vie en mettant le contact. Les fidèles lecteurs d’Avus ne seront pas surpris de constater que le Q8 reçoit, comme les récents haut de gammes A8, A7 Sportback et A6, un cockpit 100% numérique, dépourvu de boutons physiques.
Cela concerne bien sûr les compteurs, à affichage variable, mais aussi l’intégralité de la console centrale, qui accueille deux autres grands écrans couleur. Ceux-là sont tactiles, avec un retour haptique qui valide chaque pression par une vibration, avec à la clé un « clic » sonore. Selon une logique intuitive, l’écran du haut, à portée du regard, est réservé au GPS (et à l’infodivertissement), celui situé en bas se réservant les réglages des nombreux équipements de confort (clim, sièges…). Bien sûr, l’affichage tête haute, très pratique à l’usage en projetant les infos essentielles dans le pare-brise, peut venir en complément… contre supplément, cela va de soi ! Pour clore ce chapitre « techno », sachez que le Q8 dispose en plus de l’Audi drive select (à 7 modes dont un Off Road), permettant de paramétrer les réglages de conduite, mais aussi des toutes dernières aides à la sécurité (jusqu’à 39 assistances).
Face à cette débauche de technologie, les rivaux directs du Q8 semblent provenir de la décennie passée, et nul doute qu’Audi prend ici une sacrée longueur d’avance. Et même deux bonnes longueurs, car non content d’être élégant et au sommet sur le plan technologique, le Q8 cultive un vrai sens du pratique et de l’accueil même s’il se limite à 5 places. Là ou ses rivaux se bornent à tout miser sur le style, quitte à sacrifier la garde au toit arrière et le coffre, le Q8 offre au contraire une habitabilité étonnante à l’arrière. Et même une vraie modularité, avec une banquette coulissant sur 15 bons centimètres, comme sur les derniers Q3 et Q5. De quoi offrir des places « classe affaire » ou, selon la configuration choisie, un coffre digne d’une soute d’avion-cargo ! Enfin, si le Q8 commence « modestement » sa carrière en limitant le choix au lancement à un V6 3.0 TDI de 286 ch (50 TDI), sachez qu’Audi va diversifier progressivement l’offre (V6 3.0 TDI de 231 ch et V6 3.0 TFSI de 340 ch)… et la muscler sérieusement également. De très méchantes variantes SQ8 (V8 de 420 ch), et même RS Q8 à moteurs V8 biturbo (plus de 600 ch !), sont en gestation, histoire de rendre coup pour coup aux dérivés « M » et « AMG ».
Un scalpel sur coussins d’air
Logiquement, un scalpel et un coussin d’air ne font pas bon ménage, le premier étant un peu trop « intrusif » au dépend du second. Après essai, c’est pourtant cette étrange impression qui nous vient à l’esprit ! Nous n’avons pas eu, comme « la grande presse » auto, la chance d’essayer le Q8 en avant-première en juin dernier, dans les vastes espaces désertiques du Chili. Sans doute Avus ne parle assez des Audi à longueur d’année pour avoir ce privilège. Notre prise en mains se limitera donc aux départementales passionnantes des Alpes françaises… fraîchement limitées à 80 km/h ! Etonnamment, même à cette allure « réjouissante », le Q8 reste stable, silencieux et très sûr. Et sobre avec ça, en se contentant de seulement 9,5 l/100 km, chose remarquable avec un V6 3.0 TDI de 286ch sous le capot, la boîte Tiptronic à 8 rapports étant, il est vrai, un allié de poids pour faire de l’écoconduite. Bon, aller aux fraises, ça va bien 5 minutes, mais rassurez-vous, on va effectuer un véritable essai, quitte à jouer une fois de plus notre permis…
En écrasant franchement l’accélérateur entre deux virages, le Q8 détalle comme un lapin, bien épaulé par un couple de camion de 600 Nm dès 2250 tr/mn. Concrètement, en mode « dynamic » cela donne un 0 à 100 km/h effacé en seulement 6,3 secondes, ce qui est plutôt flatteur pour un engin haut perché affolant la balance à 2145 kg. Les mises en orbite sont rapides, et en vitesse de croisière, le TDI sait se faire oublier grâce à une excellente insonorisation (merci le double vitrage). Mais la vraie bonne surprise vient quand le Q8 plonge à la corde du premier virage, puis du second… et ainsi de suite. Malgré son encombrement, pénalisant sur un tel tracé étroit et sinueux, ce gros SUV fait preuve d’un dynamisme étonnant, bien aidé par une direction parfaitement calibrée et un amortissement pneumatique que l’on peut qualifier de remarquable, filtrant juste comme il faut les imperfections de la route, sans vous déconnecter des réalités du terrain. Ce dernier est optionnel, mais il est vital de le prendre pour plusieurs raisons. En plus de bien filtrer, il offre un niveau de confort remarquable, et ce, même avec des roues de 22 pouces. Enfin, il permet d’augmenter la garde au sol de 5 cm (dans la limite de 25,4 cm), ce qui est un atout considérable en hors-piste. Quant aux roues arrière directrices, elles apportent un gain de dynamisme évident, mais aussi une maniabilité étonnante en ville, avec un diamètre de braquage proche d’une A4. Ajoutez à tout cet arsenal un freinage puissant et constant, et une transmission intégrale quattro qui fait le « job » sans faillir, et vous avez bien là un scalpel de la route monté sur coussins d’air.
Bien sûr, dans ces conditions de roulage, la consommation moyenne grimpe facilement au-delà des 12 l/100 km, mais il faut bien donner de l’avoine aux chevaux si l’on veut avancer ! Notamment au démarrage, la boîte Tiptronic à 8 rapports faisant preuve d’une paresse inhabituelle. Un temps de réaction désagréable, préjudiciable même pour s’insérer promptement sur un rond-point, qu’Audi attribue à une recalibration imposée par la nouvelle norme WLTP. Espérons que le constructeur trouve, rapidement, un calibrage plus convaincant. Une fois lancé, ce désagrément disparaît, que ce soit sur route… ou sur piste. Car le Q8 peut ponctuellement jouer au 4×4, le temps de s’évader sur un chemin creux. Là encore, notre parcours d’essai n’était certainement pas aussi exigeant et varié que celui réservé à nos confrères dans la pampa chilienne, puisque sur le tracé sélectionné, nous aurions pu passer avec une modeste 4L. Mais malgré ses larges pneus à profil routier,le Q8 semble bien avoir quelques aisances en hors-piste, même s’il est peu probable de le croiser dans un tel environnement. Car à plus de 78 300 € « du bout » avec ce moteur en finition de base, hors option et gros malus qui fait mal (de 6810 à 8753 € selon les pneus !), on peut comprendre que le propriétaire d’un tel engin éprouve quelques réticences à aller jouer dans la boue.
L’avis d’Avus
En attendant de pouvoir l’essayer plus longuement, sur des parcours qui nous sont familiers, ce Q8 nous a paru pétri de qualités. Son design tout d’abord, critère déterminant sur cette niche où l’image compte plus que tout, est assurément son plus bel atout, en étant à la fois pertinent et sportif, sans tomber dans la caricature du « 4×4 au toit de coupé ». Son intérieur ensuite, concentre ce qui se fait de mieux en automobile, tant en technologies, qu’en ergonomie ou finition, sans renier les aspects pratiques. Enfin, sur la route, cet imposant SUV sait, comme par magie, faire oublier son poids et son gabarit, et offrant une conduite enjouée et incisive, à peine ternie par une boîte paresseuse au démarrage. Bref, voilà un sans-faute sur toute la ligne, mais c’est bien la moindre des choses vu les tarifs prohibitifs pratiqués…
Caractéristiques techniques Audi Q8 50 TDI
- Moteur : V6 turbo diesel avec rampe commune et micro-hybridation 48V, 2967 cm3
- Puissance (ch à tr/mn) : 286 de 3500 à 4000
- Couple (Nm à tr/mn) : 600 de 2250 à 3250
- Transmission : aux 4 roues (quattro)
- Boîte : Tiptronic à 7 vitesses
- Freins : 4 disques ventilés
- Pneumatiques : 285/40 R 22 (AV et AR)
- L x l x h (en m) : 4,99 x 1,71 x 2,00
- Poids à vide (kg) : 2145
- 0 à 100 km/h (sec) :6,3
- Vitesse maxi (km/h) : 232
- Rejets de CO2 (g/km) : de 172 à 179 selon taille des roues
On aime
- Style fort et élégant
- Intérieur high-tech, habitable et modulable
- Comportement sûr et agile
- Vraie polyvalence d’utilisation
- Agrément de conduite
On aime moins
- Prix et malus décourageants
- Trop d’options « obligatoires »
- Encombrement important
- Carrosserie vulnérable pour un SUV
- Gestion de la boîte trop lente au démarrage
Les alternatives
BMW X6
Le X6, c’est le pionnier du genre, si bien qu’on en est déjà à la seconde génération, lancée en 2014. Le X6 est étroitement dérivé du X5, et cela se voit, toute la carrosserie étant très proche sous la ceinture de caisse. Au-dessus, c’est la greffe d’un toit de coupé qui surprend, un effet de style qu’on aime… ou pas, cela se faisant en plus au détriment des aspects pratiques. A la traîne sur le plan des technologies embarquées, le X6 est en revanche très convaincant sur la route, en offrant des moteurs performants (de 258 à 575 ch) et un comportement agile très convaincant. A partir de 76 200 €
Range Rover Velar
On aurait pu prendre « bêtement » en rival direct le Mercedes GLE Coupé (ce qui est vrai), mais parler ici du Velar nous paraissait plus pertinent. Pourquoi ? Parce qu’il offre, comme le Q8, un style singulier emprunt d’une réelle élégance, et il sublime le tout en se dotant de poignées rétractables. La vraie classe anglaise ! Et l’intérieur est lui aussi un heureux mariage entre luxe et technologies de pointe, même si ces dernières sont moins élaborées qu’à bord du Q8. Enfin, si le Velar marque le pas sur la route, en étant clairement plus pataud qu’un Q8, il domine en revanche largement en hors-piste : c’est un vrai Land Rover ! Bref, le plus redoutable rival du Q8 est très certainement ce Range décalé qui offre un vrai « Velar de vivre » ! A partir de 57 500 €