Auto Union Type 52 « Schnellsportwagen » : Re-Naissance
Cette incroyable Auto Union a été révélée au grand public lors du dernier Festival of speed de Goodwood. Il s’agit de la « Schnellsportwagen », une supercar aux Anneaux avant l’heure qui a été imaginée en 1934, mais jamais construite. Une erreur réparée depuis par Audi Tradition…
Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud et DR
En bref
Modèle imaginé en 1934
Reconstruit selon les plans d’origine
Moteur V16 6.0 litres suralimenté de 520 ch
Modèle unique
Ca y est : je sais maintenant d’où est venue l’inspiration des designers Audi pour créer l’incroyable concept-car Rosemeyer ! Présenté en 2000, ce concept improbable de gros coupé à la peau d’aluminium, semblable à un scarabée croisé avec une Auto Union de course des années 30, m’a toujours fasciné, tant par son aspect, que par ses proportions hors-normes. C’est du moins ce que je me suis dit lorsque j’ai découvert éberlué, au détour d’une allée lors du dernier Festival of Speed de Goodwwod, l’incroyable Auto Union Type 52, plus connue sous le nom évocateur de « Schnellsportwagen », que l’on pourrait traduire par « voiture de sport rapide ». Pour sûr, étant donné que ce gros coupé embarque dans ses entrailles, en position centrale arrière, un énorme V16 6.0 de 520 ch, elle doit être diablement rapide ! Pourtant, cette Type 52 ne devrait pas être aussi puissante, ni même exister. Son histoire est à peine croyable.
› L’improbable Schnellsportwagen est un rêve inachevé conçu en 1934 par Ferdinand Porsche pour le compte d’Auto Union. En fait, il s’agit d’une Type 22 de course carrossée !
La Type 52 synthétise l’ambition d’Auto Union, au firmament de sa gloire au milieu des années 30, de proposer à ses plus riches clients une auto de route capable, le cas échéant, de disputer également les courses du moment les plus prestigieuses, comme les Mille Miglia ou les 24 H du Mans. Techniquement, elle doit beaucoup à la monoplace Auto Union Type C, même si elle a été entièrement repensée pour un usage routier, et embarquer, en plus du conducteur, deux passagers. En clair, cette improbable Type 52 se pose ni plus, ni moins, comme la première supercar Audi !
A l’instar de l’Auto Union Type C, fantastique flèche d’argent à l’architecture innovante avec son moteur central arrière, cette Type 52 a, elle aussi, été conçue et imaginée à l’époque par le bureau d’études de Ferdinand Porsche. Nous sommes en 1934, et il est prévu de dégonfler le V16 de la Type C à « seulement » 200 ch, ce qui pouvait assurer une vitesse de pointe déjà très confortable de 200 km/h sur les autobahn naissantes. Mais pour des raisons inconnues, cette sublime voiture est restée un rêve inachevé, fixé au crayon en 1936 sur du papier jauni par le temps. De précieux documents, très complets et exhumés des archives, qui vont servir de base de travail aux hommes de l’art de chez Audi Tradition pour mener à bien, 90 ans plus tard, ce projet inachevé…
› Il aura fallu patienter 90 ans pour que ce superbe projet inachevé, resté à l’état de plans, voie le jour grâce à Audi Tradition.
L’ombre de Ferdinand
Croyez-moi, pour avoir eu la chance d’approcher et d’observer en vrai cette Type 52, les photos ne lui rendent pas justice tant elle est belle à se damner dans la réalité. Très longue (5m39 !), large (1m78) et relativement basse (1m66), l’Auto Union Schnellsportwagen impressionne à plus d’un titre. Avec son avant bref, flanqué d’une calandre gourmande et d’ailes rebondies intégrant les phares circulaires, elle semble prête à bondir en happant votre regard pour le diriger vers cet arrière fuyant et musclé, paraissant interminable. Les roues arrière carénées, ainsi que le toit de type fast-back, ajoutent encore à la beauté de cette ligne profilée, taillée pour fendre les airs. Et les plus érudits ne pourront s’empêcher – à juste titre – de voir quelques frappantes similitudes avec certaines Tatra de l’époque (les avant-gardistes 77 et 87), des modèles d’une étonnante modernité pour l’époque qui ont sans aucun doute fortement influencé Ferdinand Porsche.
› En bonne Auto Union qui se respecte, cette Type 52 reçoit en position centrale arrière un gros V16 6.0 de 520 ch !
Mais, avec l’Auto Union, Porsche s’est heurté à d’autres contraintes, comme offrir un cockpit assez vaste pour accueillir 3 personnes, dans de très bonnes conditions comme en témoigne le luxe régnant à bord. A l’instar d’une McLaren F1, le pilote est installé idéalement au centre de l’habitacle, tandis que ses deux passagers sont placés légèrement en retrait, un siège étant fixé de chaque côté. Mais si la Type 52 dispose de 4 portes, celles situées à l’arrière servent surtout à accéder à un vaste espace dégagé servant de « coffre », notamment pour embarquer deux roues de secours et des outils. Car, juste derrière une cloison prend place, cette fois, l’imposante salle des machines renfermant le V16, visible et accessible grâce à un capot coulissant, à la manière d’un toit ouvrant. Pour répondre à un usage « routier », il était prévu à l’époque, rappelons-le, de ramener la cylindrée à 4,4 litres et d’abaisser la puissance à 200 ch, soit bien loin du 6.0 d’origine pour 520 ch.
› L’habitacle, presque luxueux et raffiné, tranche avec l’aspect de monstre de la route de cette Schnellsportwagen. Notez les 3 places, avec celle du conducteur placée au centre, en avant.
Archéologue des temps modernes
Mais les hommes d’Audi Tradition, chefs d’orchestre de ce fabuleux projet de reconstruction, en ont décidé autrement, pour implanter le V16 dans sa configuration la plus puissante, celle définie pour la course. Le chantier, étalé sur plusieurs années, a été confié aux hommes de l’art de l’atelier britannique Crosthwaite & Gardner, habitués à relever ce genre de défi. A partir des plans fournis par Audi Tradition, chaque pièce a été confectionnée à la main. Et face à certaines incertitudes – ou même quelques erreurs de calcul – il a fallu parfois improviser, puis trancher, en s’efforçant de rester toujours au plus près du projet d’origine. Des choix arbitrés – et assumés – par Stefan Trauf, responsable d’Audi Tradition, qui a dû résoudre de nombreux problèmes, comme définir la finition de l’habitacle, en restant dans l’esprit de ce qui existait à l’époque. Un vrai travail d’archéologue des temps modernes, et finalement, seule la livrée grise habituelle aux flèches d’argent est apparue comme sûre et logique ! Ainsi, comme pour tout prototype, les ingénieurs ont constaté que des ajustements techniques d’envergure s’imposaient pour faire tenir tous les composants.
› Cette Auto Union Type 52 unique a été construite à la main, pièce par pièce selon les plans fournis, par l’atelier britannique Crosthwaite & Gardner. Une référence !
L’empattement a ainsi été légèrement allongé jusqu’à 3m31 par rapport aux cotes initiales, une nécessité pour loger derrière l’habitacle l’énorme réservoir de 116 litres, puis le V16 en position longitudinale. Malgré ses dimensions hors-normes, la Schnellsportwagen demeure étonnamment légère, en n’accusant que 1450 kg à vide, soit dans les 1750 kg environ avec les pleins, 70 kg de bagages, 150 kg d’équipement et trois occupants à bord. Le mot de la fin sera celui de Hans-Joachim Stuck qui, avec Tom Kristensen, a eu le privilège de piloter la voiture lors du dernier Festival of Speed. « Ce fut un grand honneur de piloter l’Auto Union Type 52 à Goodwood pour la première fois. La Schnellsportwagen est tout simplement époustouflante : son bruit de moteur est incroyablement sonore, comme s’il provenait d’un orchestre. Et son design impressionne vraiment. C’est du génie ! ». Un génie, mis en sommeil par la seconde guerre mondiale, qui aura mis 90 ans à nous parvenir. Avouez que cela valait la peine d’attendre.
« L’improbable Schnellsportwagen est un rêve inachevé conçu en 1934 par Ferdinand Porsche pour le compte d’Auto Union. En fait, il s’agit d’une Type 22 de course carrossée ! »
On aime
• Ligne sublime
• Mécanique incroyable
• Histoire fabuleuse
On aime moins
• Exemplaire unique inabordable !
Fiche technique Auto Union Type 52 Schnellsportwagen, 1934
Moteur : 16 cylindres en V suralimenté, position longitudinale AR, 6 005 cm3
Alimentation : par carburateurs
Puissance maxi (ch. à tr/min) : 520 à 4500
Couple maxi (Nm à tr/min) : NC
Transmission : aux roues arrière, boîte mécanique à 5 rapports
Suspension AV : à ressorts de torsion longitudinaux, amortisseurs hydrauliques
Suspension AR : ressorts à lames transversaux et amortisseurs à friction
Freins AV-AR : disques
Direction : à billes, non assistée
Dimensions (L x l x h) en m : 5,39 x 1,78 x 1,66
Taille des pneus: NC
Poids (kg): 1450
0 à 100 km/h (s) : NC
Vitesse maximale (km/h) : plus de 200 km/h