Pas sportives ni excitantes à conduire les voitures électriques ? Faut voir… Sûr du pouvoir d’attraction de ses modèles « à piles », Audi nous a conviés à une grande première : une course d’endurance au volant de la belle e-tron GT. Une expérience électrifiante génératrice de grosses tensions !
Texte et photos Thomas Riaud
Si vous êtes un fidèle lecteur d’Avus – et accessoirement un bon client de la marque aux Anneaux – sans doute avez-vous déjà entendu parler, ou même participé, aux précédentes éditions des « Audi endurance expérience ». Il s’agit de véritables courses d’endurance, présidées sous l’égide de la très officielle FFSA (Fédération Française du Sport Automobile), se déroulant sur de prestigieux circuits de F1 (Magny-Cours et Le Castellet notamment). Les premières éditions, que j’ai eu le privilège de vivre de l’intérieur (en finissant à chaque fois second), mettaient en vedette la première A1, puis l’ancienne génération de l’A3. C’était il n’y a pas si longtemps, mais le « plan-produit » d’Audi a depuis bien changé, et c’est l’électrique qui est désormais son cheval de bataille. D’où la création de ce nouvel événement, mettant cette fois à l’honneur l’une des autos électriques les plus belles du marché : la berline surbaissée e-tron GT (vendue la modique somme de 133 621 €), qui partage sa base technique avec la cousine Porsche Taycan. L’une comme l’autre doivent prochainement évoluer techniquement (en recevant un châssis inédit comportant des batteries plus performantes), mais c’est avec la génération actuelle qu’Audi a choisi de réaliser cette course d’un genre nouveau.
Personnellement, en tant que « bagnolard » indécrottable j’aime bien participer à des compétitions automobiles où la consigne principale tient sur un post-it en se bornant à « pas plus vite qu’à fond ». Une consigne qu’il ne faudra en l’espèce… absolument pas suivre ! Car évidemment, voiture électrique oblige, ravitailler réclamant toujours près de 30 minutes, le format imposé se limitait à une course de régularité en équipage de 4 pilotes sur 3 heures, se déroulant sur le superbe circuit du Castellet. Un tracé rapide et technique réduit à 3,8 km pour les circonstances (fidèle à la configuration des années 80), sur lequel il fallait effectuer le maximum de tours sur cette durée impartie, mais sans effectuer une seule recharge. Donc, pas question de rouler à « fond de cale » et de faire cracher à « mon » e-tron GT son numéro de série ! Le plateau, constitué de 21 voitures, se trouvait divisé en deux catégories : l’une réservée aux médias (avec tous mes copains et confrères de Sport Auto, l’Auto Journal et autres titres spécialisés), et une autre dédiée aux clients, certains inscrits au programme de fidélisation « my Audi » ayant été généreusement invités par leur concessionnaire préféré. Une fois n’est pas coutume, afin de m’immerger au plus près de la clientèle qui fait vivre la marque (et Avus !), je me suis inscrit en « client », et j’ai fait la connaissance de 3 amis, tous invités par Audi Jeannin à Troyes. On ne se connaissait pas, mais entre nous, une fois la glace vite rompue, le courant est bien passé !
› C’est un peu le calme avant la tempête. Il fait beau, l’ambiance est détendue et les équipages font connaissance. Demain sera très différent !
Quand le courant passe
Evidemment, vous vous en doutez, le coût d’une telle opération est conséquent, et seuls les meilleurs clients sont invités à ce genre d’événement XXL. Donc, si vous venez d’acheter une A1 d’occasion et que vous êtes inscrit au programme « my Audi », il faudra la prochaine fois viser un peu plus haut pour espérer être convié à ce type d’événement. Ce qui était le cas des membres de ma « dream-team », avec tout d’abord Alexandre, un « épicier » comme il se plaît à se définir (en fait plutôt gérant d’un hyper-marché !), un gros client de la marque aux Anneaux depuis 2005. A 47 ans, il a déjà un beau parcours à son actif après avoir roulé en A6, puis en Allroad V6 BiTDI (deux modèles), en Q3, en SQ5 (deux autres modèles) et même avec un SQ7 qu’il regrette chaudement. Aujourd’hui, il se console depuis 2020 avec une RS6 gris Daytona qu’il utilise en « loisir » et – fiscalité oblige – avec un Q7 TFSIe (hybride rechargeable) d’entreprise, plus indiqué pour aller travailler. Un beau parcours, et Alexandre ne regrette à aucun moment ses choix, même s’il aimerait que sa RS6 offre davantage d’autonomie en pouvant embarquer un plus gros réservoir.
Quant à Jules, à la tête d’une société de peinture en bâtiment, il a, à seulement 39 ans, déjà effectué un joli parcours chez Audi. S’il roule en SQ5 au quotidien et que sa femme utilise une A3, il a du lourd dans son garage avec une rarissime RS4 V8 cabriolet et une RS6 gris Daytona mat. Un véritable « pousse au crime » selon lui, et il sait de quoi il parle puisqu’il vient de récupérer son permis ! Jules est pourtant un « fin volant », puisqu’il a déjà participé aux précédentes « Audi endurance expérience » et même terminé en finale, en Laponie. Vient enfin le troisième larron de cette joyeuse bande, Thomas, un orthodontiste de 46 ans qui se plaît à se définir, avec humour, comme « un créateur de sourire, un carrossier des dents » ! Lui aussi a déjà de « la bouteille » chez Audi, puisqu’en 25 ans il a usé des A3, A6 Compétition, plusieurs A7 et Q7. Et depuis 2 ans, Thomas qui parcourt près de 250 km par jour roule désormais en e-tron GT. Un choix qu’il ne regrette nullement, même s’il avoue qu’il aimerait une RS7, mais son important kilométrage annuel l’en dissuade. Outre le fait d’aimer et de rouler en Audi, ces 3 compères de longue date saluent le lien fort qu’ils entretiennent chacun avec leur concessionnaire du réseau Jeannin, qui est devenu au fil des ans un ami. Voilà donc pour les forces en présence, et je mesure la chance que j’ai d’intégrer une équipe où il y a déjà une cohésion forte. Reste à voir ce que cela va donner en piste…
En piste !
Après un inévitable briefing à l’attention des pilotes et même un discours de Marc Ouayoun, directeur d’Audi France, chaque team se voit attribuer par l’organisateur Oreca un coach, autrement dit un pilote professionnel qui va évaluer les forces et faiblesses de chacun et établir une stratégie. Pour espérer tenir 3 heures sans recharger, un temps au tour de référence de 2mn10s a été établi, et le but du jeu sera de s’en approcher au maximum, en consommant le moins possible… mais sans se traîner pour autant. Une vraie course de régularité ! Autant dire qu’il va falloir rouler avec une main de fer dans un gant de velours, en soignant à mort chaque trajectoire. Mais il faudra aussi accélérer à 50% seulement des capacités de la voiture (vérifiable en observant le « power meter ») et tenter de récupérer sur chaque faux-plat de l’énergie au freinage, pour régénérer dès que possible la batterie. Et cela passe d’abord par couper la clim et autres équipements de confort. Dès les essais et qualifications effectués sous un soleil radieux, Josse, notre coach, est plutôt serein quant à la suite des événements en constatant que notre groupe est homogène et parvient à tourner de 2m07 à 2m14 au tour selon les pilotes, ce qui constitue une moyenne proche des 2m10 requises. C’est bien, mais certains feront mieux, car en dépit de nos efforts collectifs, nous nous retrouvons malgré tout relégués en milieu de grille pour le départ donné le lendemain matin. Il s’agit d’un départ arrêté par ligne de 2 voitures, chacune s’élançant toutes les 5 secondes pour laisser de l’espace entre les concurrents et éviter ainsi de fâcheuses touchettes.
C’est sous une pluie battante que le départ est donné, l’incroyable S1 quattro Hoonitron du regretté Ken Block servant d’ouvreuse, avec le pilote Audi Rinaldo Capello au volant (3 victoires au Mans). La pluie n’arrange les affaires de personne, car en plus de réduire naturellement l’adhérence dans les courbes et virages, chose fâcheuse puisqu’une bonne « éco-conduite » impose de perdre le moins de vitesse possible pour éviter d’avoir à se relancer, cela implique d’actionner les essuie-glaces et – à minima – la ventilation, la clim étant jugée trop énergivore. Les tours s’enchaînent à bon rythme, proches des fameux 2mn10s requis, et c’est Jules qui assure le départ en gérant parfaitement bien le trafic. Pour respecter les 11 arrêts au stand imposés par le règlement (devant faire au moins 2 minutes chacun, tout en respectant une vitesse maxi de 45 km/h dans la ligne droite des stands), chacun part effectuer un run de 5 tours. Dans la savante stratégie concoctée par Josse, ma bonne régularité fait qu’il décide de m’utiliser en « variable d’ajustement », soit pour augmenter la cadence, ou au contraire pour abaisser la consommation moyenne, et m’octroie ainsi la troisième place à chaque relais. Consciencieux, je fais le job et m’astreins à ne pas dépasser les 50% de puissance disponible, tout en tentant de récupérer un maximum d’énergie à l’approche des virages en appliquant des freinages progressifs, et non dégressifs, comme on le ferait lors d’une compétition habituelle. Une stratégie payante dans la courbe de Signes et le très technique double droit du Beausset, mais je dois ronger mon frein dans l’interminable ligne droite de Mistral, en essayant de ne jamais dépasser les 140 km/h, en imaginant que j’ai un œuf calé sous l’accélérateur. Plus facile à dire qu’à faire avec cette e-tron GT bourrée de couple, développant quelques 476 ch, et même 530 ch en « mode boost » !
Le lièvre et la tortue
Si je suis propre et rapide dans les virages, je me rends vite compte que, dans cette stratégie du lièvre et de la tortue, de nombreux autres concurrents roulent plus vite que moi dès qu’une ligne droite se présente. Un constat partagé par mes équipiers qui s’astreignent, eux-aussi, à jouer à fond la carte de l’efficience, même si en regardant l’écran de contrôle validant les temps de chaque team, nous nous retrouvons vite en milieu de peloton. Mais ces sacrifices ne sont pas du luxe et ces efforts finiront par payer ! Selon les savants calculs de Josse, nous devrions à ce rythme avoir à peine 0% de batterie au bout de la troisième heure fatidique, autant dire… aucune marge ! Confiant dans notre plan, nous imaginons que le dernier quart d’heure de course va être plein de rebondissements, et que nombreux vont être nos concurrents à devoir jeter l’éponge, faute d’autonomie suffisante. Mais il n’en sera rien… Excepté un adversaire qui finira effectivement sur le bas-côté lors du dernier run, batterie complètement à plat, tous franchiront la ligne d’arrivée. Et nous découvrirons alors, à nos dépends, qu’il est possible de rouler encore quelques kilomètres lorsque l’ordinateur de bord affiche « 0% » sur l’écran de bord, si bien que certains lièvres nous colleront près de 2 tours dans la vue à l’arrivée ! Au final, nous terminons à la 5ème position, après avoir bouclé 64 tours et parcouru un peu plus de 243 km, les vainqueurs ayant couvert près de 249 km dans le même délai. Les instruments de bord indiquent bien que notre batterie est à zéro, mais notre voiture roule encore !
› Si tout le monde s’est prix au jeu dans ce remake du lièvre et de la tortue, on aurait aimé mettre les watts à fond, pour que le pilotage pur fasse la différence, ce qui implique de repenser cette course. En prévoyant par exemple un arrêt pour recharger ?
Contrairement aux fois précédentes, un rien amer, nous ne montrerons donc pas sur le podium. Et je n’aurai pas l’indélicatesse de jeter la faute sur mes camarades – ou sur notre coach – chacun ayant parfaitement joué son rôle avec précision et rigueur, sans aucune fausse note. Certains estimeront que « l’essentiel est de participer », mais nous laisserons cette philosophie aux loosers. Fort de nos expériences respectives, nous étions venus pour faire un bon résultat, en caressant le désir secret de monter sur la plus haute marche. Certes, notre déconvenue n’arrêtera pas la terre de tourner et, au final, nous nous sommes tous pris au jeu et avons passé un super-moment, ce qui est bien là l’essentiel. Mais un tel challenge, vraiment inédit, met en exergue les contraintes réelles liées à l’usage d’une auto électrique. Et cela doit peut-être inciter Audi à réfléchir à l’avenir à une formule différente, plus courte, ou en intégrant au moins une recharge en course, de manière à pouvoir vraiment piloter à nos limites, exploiter à fond la voiture, et faire la différence en étant juste les plus rapides, les meilleurs, les plus performants. Car rappelez-vous, en électrique ou en thermique, l’idéal en compétition est lorsque la consigne principale tient sur un post-it et indique « pas plus vite qu’à fond » !