Audi 80 RS2 Avant : Coup de foudre à Paris

La chance sourit parfois à certains. C’est le cas de Jimmy, heureux propriétaire d’une Audi 80 RS2 Avant depuis de nombreuses années, un modèle « culte » qui fête ses 30 ans cette année. Un coup de foudre qui s’est propagé au-delà de la famille, car cette auto ne laisse pas indifférent celui qui a le privilège de la conduire…

Par Michaël Guimard, photos Jimmy Meloni

Spécialiste et passionné du constructeur Audi, Jimmy est un habitué des modèles de la marque aux Anneaux. « J’ai été attiré par Audi dès les années 80, notamment avec l’arrivée de l’Audi Ur quattro, une reine incontestable des rallyes à l’époque », se souvient-il avec nostalgie. L’histoire remonte même à son père, qui possédait déjà une Audi quattro GT cinq cylindres de 136 chevaux. À cette époque, la marque aux Anneaux ne faisait pas forcément rêver les puristes habitués à BMW ou Mercedes. Malgré cela, Audi a démontré à la fin des années 1980 un potentiel énorme, notamment au travers du coupé S2 animé par le fantastique 5 cylindres turbo de 230 chevaux Audi. Il faut dire que Jimmy suit depuis son enfance l’actualité auto à travers les revues spécialisées. Son père l’a initié tout petit à s’émouvoir des prouesses des pilotes de rallyes dans sa région natale, dans l’arrière-pays niçois et ailleurs. Après avoir roulé pendant des années avec l’Audi coupé GT, le père de Jimmy, Serge, a voulu aller plus loin. Bien plus loin…

› Sous des airs presque sages, ce paisible break cache en fait une Audi déjantée : la première siglée RS, et à savourer en famille !

Invités en 1994 par leur concessionnaire Audi de l’époque, pour essayer la nouvelle A8 (type D2), les deux passionnés se rendent au Salon automobile de Paris, Porte de Versailles. Mais à côté de la grosse berline allemande, trône un break Audi 80 Avant bien spécial, dont l’aspect général ne semble pas ressembler tout à fait à l’original. Plusieurs détails, parfois discrets, laissent à penser que cette auto siglée « RS » pour la première fois chez Audi a été modifiée dans un but précis : la performance ! Le père et le fils sont à cet instant en train d’admirer la nouvelle RS2. Il s’agit d’un mixte improbable entre un break classique et… une sportive. Du jamais vu à l’époque ! « Je me souviens très bien de ce moment. C’était un modèle d’essai gris argent dont nous avions pu découvrir une fraction de son incroyable potentiel au départ du Pavillon Royal, dans le Bois de Boulogne. Ce fut un véritable coup de foudre », se rappelle-t-il.

Le compromis idéal

Conçu en 1994 en série limitée, ce break, véritable boulet de canon, abrite sous son capot le moteur 5 cylindres de la S2 de 230 chevaux boosté grâce à la contribution prestigieuse de Porsche. Ce dernier lui greffe un gros turbo KKK de 2,4 bars, modifie l’injection, installe des freins ventilés surdimensionnés, et ajoute quelques touches esthétiques qui font la différence comme les pare-chocs et les rétroviseurs Cup empruntés aux Porsche 911 « type 964 » de l’époque. Un châssis ferme, des jantes de Porsche Carrera et un système quattro déjà éprouvé complètent le dispositif. Ainsi est née la fantastique RS2 et il n’y a rien à jeter. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, assez incroyables pour l’époque, surtout pour une auto familiale : 315 chevaux et un exercice du 0 à 100 km/h expédié en seulement 5,4 secondes !

Jimmy poursuit… « Cette auto nous faisait rêver. Nos regards complices avaient capté le plaisir que nous avions eu à la découvrir et à l’essayer brièvement, le temps d’un salon », ajoute Jimmy, ému lorsqu’il évoque ce souvenir fort, gravé dans sa mémoire. Le père et le fils sont persuadés qu’il faudra, un jour, acquérir d’occasion un pareil engin dont la totalité des 108 exemplaires dédiés à la France avaient déjà trouvé preneur.

Le rêve éveillé

Les années passent, les modèles se succèdent à la maison, mais point de RS2, même si elle reste dans leur cœur. Puis, un jour de 1999, le père de Jimmy passe le portail de la maison familiale avec un break gris anthracite. « Je vois arriver dans la cour de la propriété une RS2, avec mon père au volant, un grand sourire aux lèvres. Ce fut un moment d’excitation intense. La voiture était là, devant moi en vrai, alors que j’avais l’habitude de voir cet oiseau rare uniquement en photo, sur les pages glacées des magazines spécialisés », se remémore-t-il avec émotion. Le rêve est enfin devenu réalité ! « Je me rappelle parfaitement de ce moment fort, qui marque la vie d’un passionné. J’ai eu à ce moment l’occasion de la prendre en main et j’ai compris instantanément pourquoi mon père avait été conquis par cet engin fabuleux. C’était en réalité une auto qui procurait une intense jubilation. Rapide, sûre, et ce coup de fouet au déclenchement du turbo dont on a l’impression qu’il n’allait jamais s’arrêter, étaient autant de sensations extraordinaires que l’on voulait reproduire à l’infini. A mon tour, je fus conquis et plusieurs années plus tard j’ai également vécu un rêve éveillé en devenant propriétaire à mon tour d’une Audi RS2 ».

› L’Audi RS2 a été conçue en partenariat avec Porsche et hérite de nombreux éléments techniques pris aux modèles du moment. Seuls 2891 exemplaires seront assemblés jusqu’en 1995.

La triste réalité

Malheureusement, la voiture suscite des convoitises et lors d’un déplacement à Bordeaux, elle est volée sans jamais être retrouvée. « Il y avait comme un sentiment d’inachevé et beaucoup d’amertume », confia-t-il. Depuis cet incident, Jimmy n’a cessé de rechercher la trace de cette voiture exceptionnelle. Lors d’un essai « presse » à Ingolstadt en 2010, pour l’émission Direct Auto sur C8 où Jimmy a collaboré, l’idée d’en racheter une deuxième fait son chemin. Et puis, la bonne occasion se présente. Et comme pour effacer le premier affront, ce vol qui a ruiné ce rêve éveillé, Jimmy déniche une RS2 à vendre du côté de Bordeaux, de surcroît dans la même couleur et le même millésime que la première. C’était comme si le destin lui avait adressé un petit message. Sans hésiter, Jimmy craque et en fait l’acquisition, à un moment où la cote était encore très raisonnable. Cette RS2 n’est pas parfaite, mais après une révision complète et un voile de peinture sur les boucliers, le véhicule a retrouvé son lustre d’antan et comble de bonheur son nouveau propriétaire qui a retrouvé derrière le volant ces sensations fortes, véritables « Madeleine de Proust ». « Il est vrai qu’esthétiquement, comparée aux Audi les plus récentes, la RS2 a pris un coup de vieux », concède-t-il. Mais outre cet aspect « youngtimer » sympathique, du côté du moteur, l’efficacité est toujours au rendez-vous.

Presque indémodable

La force tranquille diffusée par le 5 cylindres « turbo » peut céder instantanément place à une véritable fureur sportive. Capable d’emmener ses passagers à plus de 260 km/h chrono dans un confort très acceptable, la RS2 reste, encore aujourd’hui, un jalon dans le monde de l’automobile sportive. « C’est très certainement une référence qui se défend bien malgré son âge avancé », précise Jimmy. Cependant, « il faut bien suivre l’entretien, notamment celui des trains roulants, les suspensions, ou encore les pneumatiques », souligne-t-il. Un suivi qui a un coût financier important, car les pièces sont désormais beaucoup plus difficiles à trouver, et chères de surcroît. Mais cet investissement reste plus que valable ! Cette voiture, toujours aussi impressionnante sur la route, fascine encore son propriétaire et les connaisseurs. Certains hommes politiques et du show-business, comme Catherine Deneuve, ont roulé en RS2, ce break élitiste sachant rester malgré tout assez discret et polyvalent.

Mais la bipolaire RS2 ne renie à aucun moment son côté sombre, plus racé, plus brutal. « Vous le ressentez lorsque l’aiguille du compte-tours dépasse les 3500 tours/min. Là, vous avez une accélération fulgurante qui projette littéralement la voiture en avant et vous écrase au fond du cuir des sièges Recaro », raconte son propriétaire. C’est une sensation grisante qui permet à cette voiture révolutionnaire pour l’époque de tenir tête à de nombreux bolides bien plus récents. « Infatigable, elle ne vous lâchera pas. C’est une machine à sensations fortes et de pur plaisir, qui sait se faire discrète en profitant à toute la famille », conclut-il. Alors pourquoi s’en priver ?

« La force tranquille diffusée par le 5 cylindres « turbo » peut céder instantanément place à une véritable fureur sportive »

On aime:
• Accélération
• Polyvalence rare
• Bruit 5 cylindres
• Sensations
• Mythique !

On aime moins:
• Pièces rares et coûteuses
• Rare en bel état d’origine
• Convoitée des voleurs

Avus:
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