Il faudra s’y faire : la R8 va prendre sa retraite cette année et ne sera pas remplacée. Un crève-cœur pour tous les passionnés d’automobile, surtout que la R8 occupe une place bien à part dans la gamme Audi, en faisant figure de vitrine. Nous avons pu prendre le volant de l’ultime version R8 GT, pour un dernier round…
Texte et photos Thomas Riaud
En bref
R8 GT, dernière R8 produite, 333 exemplaires pour le monde
Moteur V10 5.2 de 620 ch
Stricte propulsion, en carrosserie coupé seulement
Prix (hors malus de 60 000 €) : 245 000 €
Née en 2006, la R8 – du nom du prototype victorieux au Mans – est le rêve grandiose de Ferdinand Piëch, un capitaine d’industrie comme il n’en n’existe plus, à la fois brillant ingénieur (il est à l’origine du Flat 6 Porsche notamment) et même fin volant à ses heures (il tenait à essayer toutes les nouveautés du groupe VW avant leur sortie). Avec la R8, Piëch faisait coup double en amortissant le châssis et le moteur de la petite Lamborghini Gallardo (la marque ayant été rachetée par Audi à la fin des années 90), tout en donnant au constructeur aux Anneaux sa première supercar, une vraie voiture de sport excellente pour hisser la marque vers des sommets, tout en assurant de fortes marges. La première génération a connu plus qu’un succès d’estime, sans doute grâce à la présence de 2 versions, une « petite » V8 de 420 ch (dotée du bloc de la RS4 du moment) en ticket d’entrée, déjà très convaincante, et la grosse V10 reprenant à son compte le moteur Lamborghini, chacune étant déclinée en coupé et en roadster.
› La très exclusive version GT, limitée à 333 exemplaires pour le monde, marque la fin de la belle aventure de la R8. La première supercar d’Audi nous aura fait rêver durant 16 années.
La seconde mouture, commercialisée en 2015, a sans doute vu, par excès de confiance, bien trop haut, en offrant ses services exclusivement avec le moteur V10. Un rêve de grandeur qui s’est évidemment répercuté sur les prix, en hausse sensible, et qui a sans aucun doute coupé la R8 d’une partie de sa clientèle. Pour un modèle qui se voulait un concurrent direct de la Porsche 911, qui offre une vaste gamme, c’est ballot. Mais l’année 2015 restera aussi une date funeste qui a révélé le fameux « dieselgate ». Une occasion trop belle pour tous les détracteurs de l’automobile, très présents à la Commission Européenne, qui en ont bassement profité pour graver dans le marbre des décisions aussi stupides que dogmatiques, visant à interdire purement et simplement les moteurs thermiques en 2035. Désolé de plomber l’ambiance… C’est dans ce contexte pour le moins pesant que je m’installe, probablement une dernière fois, au volant de la R8 en version GT.
› Outre un look bien à part, reconnaissable à ses nombreux appendices aérodynamiques, la R8 GT a droit à quelques spécificités techniques, dont un châssis « sport », des jantes forgées de 20 pouces et le V10 dans sa meilleure définition avec 620 ch au menu.
Signes extérieurs de vitesse
La R8 GT est donc bien plus menacée que l’ours polaire et se pose donc comme la toute dernière représentante de son espèce. Sur le plan du style, celle-ci ne fait pas vraiment dans la finesse en héritant de multiples appendices aérodynamiques bien spécifiques, moulés dans du carbone. C’est le cas des jupes latérales, mais aussi des petits flaps fixés sur le flanc du bouclier avant, et surtout du gros aileron fixe. Je sais bien que tout ceci permet d’offrir davantage d’appui, mais je trouve que cet ensemble casse la pureté de la ligne originale et fait un peu au final « voiture de footballeur ». Ca y est, je sens que je vais me faire des ennemis ! Comprenez par là que cette surenchère ne va pas dans le sens du beau, comme Aston Martin sait si bien le faire par exemple. Allégée de 20 kg par rapport à une R8 RWD (Rear Wheel Drive – donc propulsion), la GT n’est pourtant en rien dépouillée. L’intérieur, toujours aussi bien fini et agréable à vivre, a su préserver de nombreux équipements de confort, tout en se réservant quelques éléments là encore exclusifs. Outre de sublimes et fins baquets en cuir et alcantara à dossiers fixes (mais réglables électriquement en hauteur), installés au plus bas pour faire corps avec la machine, la GT se distingue par une finition somptueuse, majoritairement constituée de carbone. Il y en a notamment partout autour du tunnel de transmission, où est gravé le numéro de notre exemplaire d’essai, 100 sur 333.
› L’intérieur joue lui aussi la carte de l’exclusivité en recevant des baquets spécifiques et une profusion d’éléments en carbone. La finition est somptueuse.
Parfaitement installé derrière le volant multifonctions à méplat inspiré de la F1 (comportant un bouton inédit « torque rear » permettant de régler l’antipatinage), j’appuie sur le bouton rouge actionnant le démarreur. Le V10 atmosphérique, un dernier du genre, s’ébroue puis explose dans un concert de décibels, une musique divine mise en sourdine un peu rapidement dès que le starter automatique se coupe. Clairement, comparé aux premières R8 V10, celle-ci se fait plus discrète sur ce point, les catalyseurs imposés par les dernières normes antipollution ayant fait leur œuvre. Rassurez-vous, une fois à bonne température, il sait encore vous prendre par les sentiments ce V10 ! Le compte-tours à affichage numérique à l’intelligence de limiter à froid le régime moteur en jouant au diesel, en bridant la zone rouge à seulement 5000 tr/mn. Après quelques kilomètres parcourus à allure raisonnable, la R8 devient enfin une vraie sportive, le compte-tours relevant la limite à 8700 tr/mn… ce qui change tout ! La R8 GT est chaude, et moi aussi : gaz !
› Afin de privilégier le « fun » et un plaisir de conduite authentique, la R8 GT est allégée au maximum et distribue sa puissance sur ses seules roues arrière.
Le meilleur pour la fin ?
La route étant libre et déserte face à moi (et sèche !), c’est avec un plaisir teinté d’une certaine appréhension que, pied sur le frein, j’écrase l’accélérateur. Le moteur prend les tours, se cale vers 5000 tr/mn et attend fébrilement mon signal. Dès que je lève le pied des freins la R8 se cabre immédiatement puis semble mordre le bitume qui s’offre à elle, en effectuant un léger déhanchement du train arrière, signe que nous sommes bien en présence d’une propulsion. Après une légère inertie, la poussée se fait alors irrésistible passé le cap des 4500 tr/mn – et ce jusqu’à près de 9000 tr/mn – me donnant l’impression d’allonger mes bras tant elle est forte et constante (0 à 100 km/h en 3,7 sec). Sans aucun répit, la transmission automatique à 7 rapports joue à la boîte à rythme, engageant sans temps mort la vitesse supérieure, à la limite de la zone rouge. Je plonge dans un horizon qui me paraissait pourtant bien lointain, et il me faut rééduquer ma vision, en apprenant à voir loin pour me préparer à négocier chaque courbe et virage qui me saute à la figure.
Même, il convient de garder de la marge, cette propulsion pouvant se montrer joueuse du train arrière et n’offrant pas le même grip qu’une version quattro. Parfois, la vitesse d’approche est telle qu’il est donc nécessaire de ralentir, domaine où la R8 GT se montre tout aussi convaincante, les étriers à 6 pistons venant mordre avec gourmandise les énormes disques en carbone-céramique. Ce n’est qu’en sortie de virage, en débraquant les roues avant, que je remets franchement « godasse ». Et pan ! Ça repart de plus belle, façon manège diabolique de la Foire du Trône ! C’est vrai qu’un tour de « grand Huit » en R8 GT, ça a le mérite d’éveiller tous vos sens. Mais forcément, à ce rythme endiablé, les 81 litres de contenance de carburant sont vite brûlés si bien qu’il me faut faire un « arrêt au stand » au bout de seulement 350 km. Je sais, en autonomie, ce n’est guère mieux qu’une voiture électrique, mais au moins, la « recharge » se fait en moins de 10 minutes, pause-pipi comprise.
› Avec 3,7 sec pour abattre le 0 à 100 km/h et 320 km/h en pointe, la R8 GT promet des sensations fortes, mais les concurrentes directes font désormais bien mieux !
Et une fois le plein refait, c’est avec le même plaisir que je me réinstalle à bord de cette centrifugeuse. Mais ce plaisir a un prix, que je trouve plutôt salé : pas moins de 245 000 €, hors malus délirant porté désormais à 60 000 €. Question cruciale : vaut-elle ce prix ? De mon point de vue non, car à cette altitude tarifaire hors-sol pour la plupart d’entre-nous, on trouve des Porsche, Ferrari, Lamborghini ou McLaren qui font aussi bien (voire mieux), tout en offrant un blason bien plus prestigieux. Ceci étant posé, l’Audi R8 demeure une supercar exceptionnelle à plus d’un titre, et son fabuleux V10 atmosphérique est le dernier des Mohicans, car plus jamais on n’en verra des comme ça. Et pour les amateurs d’exclusivité, cette version GT limitée rappelons-le à 333 exemplaires apporte ce qu’il faut pour se démarquer des autres R8 V10…
› La R8 aura donné à Audi une incontestable image sportive et prestigieuse. La prochaine mouture sera électrifiée. Espérons que ce ne soit que partiellement !
L’avis d’Avus
En 16 ans de carrière, la R8 s’est écoulée à plus de 42 000 unités dans le monde, dont 835 rien qu’en France, auxquels il faudra ajouter 26 exemplaires de cette rarissime version GT qui a tout d’un futur collector. Certes, ces chiffres sont insignifiants à l’échelle de la production automobile, mais ce qui ne se quantifie pas c’est l’immense apport en image généré pour le constructeur par ce modèle d’exception. Dommage, mille fois dommage, qu’Audi abandonne cette R8 devenue emblématique, qui devrait revenir un jour au catalogue, mais sous une forme électrique. Autant dire une autre voiture, diamétralement différente, qui aura du mal à séduire les authentiques passionnés pour qui rien ne remplacera les bonnes vibrations d’un V8 ou V10. C’est d’autant plus regrettable qu’il n’est absolument pas sûr que l’Europe, dans un sursaut de lucidité, arrondisse finalement les angles quant à l’interdiction des moteurs thermiques en 2035. Et même si cette folie devait se faire, force est de constater que la plupart des grosses cylindrées se vendent désormais surtout aux USA, en Chine, en Asie et au Moyen-Orient, des marchés où Audi est bien implanté. Comme on dit, « seuls les imbéciles ne changent pas d’avis » !
« Le point fort de la R8 est son fantastique V10 5.2 atmosphérique de 620 ch. Il trône à l’arrière sous un capot translucide, comme un bijou dans son écrin. »
On aime :
• Exclusivité
• Moteur fabuleux
• Présentation intérieure
• Supercar facile à vivre
• Comportement joueur !
On aime moins :
• Tarif exagéré
• Look trop caricatural ?
• Malus dissuasif
• Comportement
parfois délicat !
Fiche technique Audi R8 GT :
Moteur : 10 cylindres en V, 5204 cm3
Puissance (ch à tr/mn) : 620 à 7000
Couple (Nm à tr/mn) : 565 de 6400 à 7000
Transmission : intégrale, quattro
Boîte : BVA 7 S-tronic
Freins : 4 disques ventilés
Pneumatiques : 245/30 ZR 20 (AV) – 305/30 ZR 20 (AR)
L x l x h.(m) : 4,42 x 1,94 x 1,23
Réservoir (litres) : 81
Poids à vide (kg) : à partir de 1570
Conso mixte (l/100 km) : 13,1
Rejet de CO2 (g/km) : 340
0 à 100 km/h (sec) : 3,4
Vitesse maxi (km/h) : 320