Dans le jargon auto, dire qu’on va « se faire une toile » désigne un cabriolet à capote souple. Une configuration très traditionnelle qui sied à merveille à l’A5 décapotable. Un modèle plein de charme, essayé ici en version S5, amené hélas à disparaître. L’occasion de lui rendre un dernier hommage…
Texte et photos Thomas Riaud
En bref
Deuxième génération d’A5
Version cabriolet, en S5
Moteur V6 biturbo de 354 ch
Prix : 87 750 (à partir de, hors malus)
A défaut de lancer de nombreux futurs modèles, Audi va, à court terme, faire le ménage dans sa gamme. Et pas qu’un peu ! Cela va, hélas, entraîner la disparition de modèles iconiques, à commencer par le TT, mais aussi la R8. Et, il va falloir s’y faire, la transition énergétique amenant le constructeur à remanier intégralement la gamme. Il a été décidé que les voitures comportant un chiffre pair seraient désormais réservées aux motorisations électriques, et celles comportant un numéro impair aux thermiques. Un changement profond de nomenclature qui va impacter directement notre A5, qui ne sera pas renouvelée sous la forme actuelle que l’on connaît depuis deux générations maintenant. La faute à une baisse des ventes, au niveau mondial, des coupés et cabriolets, les SUV devenant tendance sur tous les segments. Espérons que cette mode (comme toutes les modes) passe, et que l’on retrouve de vraies voitures plaisir. En attendant, à venir une prochaine A4 100% électrique, mais pas avant 2025, tandis que la future A5, qui sera donc thermique, aura droit à une carrosserie de break de chasse à 5 portes, sorte d’évolution de la version Sportback. Pour l’heure, restons encore quelques mois dans « le monde d’avant », et c’est toujours avec un immense plaisir que je retrouve cette bonne vieille A5.
› L’A5 cabriolet reste fidèle dans les grandes lignes au style posé par Walter De Silva. Son dernier chef d’œuvre…
Si, par goût personnel, j’avoue avoir une préférence pour le coupé, je dois reconnaître que la déclinaison cabriolet ne manque pas d’allure. Cette seconde génération a su brillamment faire perdurer les lignes de force imaginées par Walter De Silva, auteur du premier opus de l’A5. Son « chef d’œuvre » de ses propres aveux, et on ne va pas le contredire. C’est simple, cette voiture, c’est 4m69 d’élégance. Et ce bel héritage se retrouve principalement à travers les proportions très classiques de cette A5, avec un long capot avant musclé comme il faut qui file de la calandre gourmande à des montants de pare-brise très inclinés, signe qu’elle est taillée pour la vitesse. Et l’élément le plus remarquable demeure ce pli ondulant parcourant tout le profil, souligné sur cette version S5 par un badge spécifique chromé intégré à l’aile avant. Et signe de la justesse de ce dessin, le restylage réalisé en septembre 2019 n’a quasiment rien retouché. Logique : iriez-vous redessiner une toile de maître ?
Toile de maître
Il est vrai que cette définition sied à merveille à notre A5 cabriolet, dotée comme il se doit d’une très chic capote à triple épaisseur, garantissant une isolation phonique exceptionnelle. Faut-il le préciser ? Celle-ci est entièrement électrique, et reste actionnable dans la limite des 50 km/h. Aujourd’hui, il fait encore beau, et nous ne nous privons pas d’ôter ce grâcieux couvre-chef qui part en une quinzaine de seconde se cacher sous le couvre-tonneau. Une opération qui ampute sérieusement la capacité du coffre, passant de 370 litres (ce qui est déjà peu) à 310 litres. Chauffage à fond et vitres relevées, nous restons ainsi parfaitement à l’abri des frimas de l’hiver. Et le fait de rouler à l’air libre permet de profiter pleinement des borborygmes émis par le double échappement, une coquetterie réservée à cette version de pointe mue par un fabuleux V6 3.0 biturbo à injection directe, un bloc condamné à disparaître pour satisfaire aux petits caprices des bobos-écolos de Bruxelles. Pour sûr, on le regrettera bien plus que « Pustula Fonder la Hyène », parfaite incarnation de cette incompétence européenne !
› L’arrière exhibe deux doubles sorties d’échappement, des signes extérieurs de vitesse !
Bien installé dans un siège électrique habillé de cuir, je me prends à réapprécier la « simplicité » de ce cockpit qui n’a pas encore basculé dans le « tout tactile ». De nombreux boutons physiques restent à portée de main, et il y a ce qu’il faut en technologies de pointe, via le cockpit virtuel, toujours aussi précis, fluide et agréable à l’œil. Une innovation Audi inaugurée en 2014 sur le TT de troisième génération qui va pourtant gentiment sur ses 10 ans ! Bien sûr, vous vous en doutez, avec pas moins de 354 ch sous le capot, soit un peu plus que sur une RS2 qui n’a pas la réputation de se traîner, ce cabriolet a ce qu’il faut pour donner un vrai sens à la notion de plaisir de conduite. Grâce à l’efficacité de la transmission intégrale quattro toute la puissance passe sans aucune perte au sol. Pourtant, il y a du monde dans la salle des machines, avec 550 Nm de couple distillé de 1370 à 4500 tr/mn. Ça ne vous parle pas ? Disons pour faire simple que ça pousse velu dès le démarrage sur une large plage, assez grande pour rendre la conduite dynamique juste comme il faut. Mais si cette S5 cabriolet décoiffe, assez pour accrocher 250 km/h chrono, n’allez pas croire pour autant que nous sommes en présence d’une sportive.
› Faute de ventes suffisantes, les coupés et cabriolets A5 vont être arrêtés en 2025. On les regrette déjà…
Le Grand Tourisme pour art de vivre
Pas sportive, certes, mais pas manche non plus ! Outre son puissant V6, qui autorise des performances intéressantes dont à peine 5,1 secondes pour expédier l’exercice du 0 à 100 km/h, cette S5, en tant que digne Audi, propose de nombreuses options fortes intéressantes, permettant de sublimer la conduite. J’en aurais bien une dizaine à proposer, mais je retiendrai la direction dynamique, permettant de gagner en précision et en ressenti, les suspensions sport, idéalement calibrées pour verrouiller la voiture à la route, et surtout le différentiel quattro sport, permettant d’enrouler encore fidèlement chaque virage tout en ressortant plus vite. Evidemment, si vous évoluez plutôt sur les lignes droites des autoroutes, tout ceci n’a guère d’intérêt, mais dans le cas contraire, on valide ces choix !
› D’une pression sur la pédale de droite, et cette S5 de 354 ch efface prestement tout ce qui se trouve dans votre ligne de mire. Du grand art !
Assez spacieuse pour naviguer à 4 adultes (à condition de ne pas avoir tout de même de trop grandes jambes pour s’installer confortablement à l’arrière), cette S5 est une voyageuse infatigable hors pair. A son bord, les longues distances paraissent plus courtes, et si on n’abuse pas trop de la fougue de son V6, il est possible de couvrir 600 km à allure stabilisée avant de s’arrêter ravitailler. Une opération qui, contrairement à la plus perfectionnée des voitures électriques, ne prend que 5 minutes ! Puis c’est reparti pour un tour, à effectuer en « mode cruising » entre amis, ou de façon bien plus sportive en roulant seul sur une petite route sinueuse. Cette S5 sait se plier à toutes vos humeurs ! Avec elle, plus que la destination, c’est d’abord le voyage qui compte, assez pour ériger le Grand Tourisme en art de vivre. Sans doute Audi devrait prêter durant une bonne semaine à chaque ponte de Bruxelles un exemplaire de S5 pour sauver et réhabiliter cette auto fantastique, à la polyvalence rare. Et tellement plaisante à conduire !
› L’intérieur séduit tant par sa finition que sa présentation, mais l’espace aux places arrière dépend étroitement de la manière dont on règle les sièges avant !
L’avis d’Avus
Nous ne dirons pas merci aux technocrates de Bruxelles qui, à coup de malus et d’interdictions, condamnent les voitures plaisir de ce calibre. Quelle honte ! Car dans les faits, cela revient à jeter à la poubelle plus d’un siècle de progrès technologiques dans le domaine du moteur à explosion, pour aujourd’hui atteindre une forme de perfection, un aboutissement. Et vu le niveau de prix d’une telle auto – près de 90 000 € – on ne peut pas dire qu’on en croise tous les jours, pas assez je pense pour menacer les ours polaires et la calotte glaciaire. Il faudra donc se jeter sur les derniers exemplaires disponibles, car Audi va cesser de produire ce petit bijou courant 2024. Un crève-cœur pour nous (et tous les passionnés de belles autos), qui méritait bien cet ultime hommage…
« Chez Audi, depuis le début des années 80, le cabriolet reste un étendard du savoir bien vivre, avec classe et distinction. Ici, pas question de mettre un toit en dur rétractable ou un disgracieux arceau…»
On aime :
• Ligne classique
et élégante
• Habitacle cossu
et ergonomique
• Agrément moteur-boite
• Performances intéressantes
On aime moins :
• Prix élevés
• Options encore nombreuses… et chères !
• Coffre étriqué
• Malus décourageant
• Bientôt arrêtée…
Fiche technique Audi S5 Cabriolet :
Moteur : 6 cylindres en V biturbo, longitudinal, 2995 cm3
Puissance (ch à tr/mn) : 354 à 5400
Couple (Nm à tr/mn) : 500 à 1750
Transmission : aux 4 roues (quattro avec Torsen)
Boîte : automatique à 8 rapports
L x l x h (en m) : 4,69 x 1,85 x 1,38
Pneumatiques : 245/40 R 18 (AV et AR)
Poids à vide (kg) : 1915
0 à 100 km/h (sec) : 5,1
Vitesse maxi (km/h) : 250
Rejets de CO2 : 206 g/km (selon configuration)