Audi 80 quattro, Seule au monde.

Dès le milieu des années 80, à travers la seconde génération d’Audi 80, la firme aux Anneaux commence à décliner sa technologie quattro. Une fois nantie de cette transmission intégrale magique, l’Audi 80 quattro offre des prestations encore jamais vues dans la catégorie et se retrouve seule au monde…

Par Jack Seller, photos Thomas Riaud

En bref
Seconde génération d’Audi 80 (type B2)
Version quattro de 1984
Moteur : 5 cylindres 2.2 de 136 ch
Cote 2023 : 12 000 € en parfait état

Lorsqu’après avoir été débarqué de Porsche Motorsport Ferdinand Piëch arrive au bureau d’études de la jeune marque Audi au beau milieu des années 70, il trouve une entreprise en devenir où tout reste à faire. Mais la dynamique est bonne, portée par le succès de la grosse berline 100 – premier modèle conçu et développé par Audi – mais surtout par la nouvelle petite 80, pétrie de qualités. Assez pour glaner le titre envié de « voiture de l’année 1973 ». Pour tirer Audi vers le haut, Piëch travaille simultanément sur plusieurs projets d’envergure, avec notamment la mise au point d’un 5 cylindres inédit, un moteur combinant les atouts d’un 4 cylindres (compacité et sobriété), mais aussi la noblesse d’un 6 cylindres (rondeur, sonorité et puissance). Ce moteur est la clef de voûte de son programme phare, visant à concurrencer directement BMW et Mercedes. Ce bloc fait ainsi son entrée sur la berline 100 de seconde génération, mais gagne clairement en intérêt lorsqu’il se trouve sous le capot de la plus élitiste 200 (une 100 plus cossue à l’avant et l’arrière remaniés), équipée pour les circonstances d’un turbo, portant la puissance à 170 ch.

Cela fait de l’Audi 200 turbo l’une des routières les plus rapides de son temps. Nous sommes en 1979, soit tout juste un an avant le lancement d’un autre modèle clé dans son plan : la fameuse Audi quattro. Non seulement elle hérite de ce fameux 5 cylindres turbo porté pour les circonstances à 200 ch – ce qui augmente encore les performances – mais elle adopte en plus une innovante transmission intégrale, du jamais vu sur une auto de série. Et Piëch aura la bonne idée de faire connaître au monde entier cette jeune marque pleine d’audace et d’avenir, en engageant avec le succès que l’on sait l’Audi quattro en rallye. Rapidement, les gens découvrent ce constructeur aux 4 anneaux encore largement méconnu, apparaissant comme une alternative crédible à la concurrence. Mais comme en rugby, marquer un essai c’est bien, confirmer et gagner le match c’est mieux. Plutôt que de réserver la transmission intégrale quattro a son élitiste coupé, Piëch aura l’excellente idée d’étendre cette technologie révolutionnaire, vraie signature d’Audi, aux autres modèles. Y compris la modeste berline 80, du moins à partir de la seconde génération présentée dans ces pages…

› Avec son 5 cylindres mélodieux emprunté à l’Audi Coupé GT, la 80 GTE quattro dispense des performances très correctes, encore d’actualité.

Le quattro pour tous

C’est en 1978 qu’est lancée l’Audi 80 de seconde génération. Si elle demeure d’un gabarit sensiblement proche de sa devancière, donc assez compacte (4m38), elle s’en démarque par son aspect bien plus moderne. Cela est dû à l’adoption de blocs optiques rectangulaires, tant à lavant qu’à l’arrière, et à une carrosserie bien plus anguleuse signée Giugiaro pour Ital Design. Bon, pour le charme latin, on repassera, mais l’ensemble séduit par sa rigueur très… allemande, et sa modernité, le profil comportant désormais 3 glaces latérales. Pour se démarquer d’une certaine VW Passat, l’Audi 80 monte en gamme et gagne des boucliers plus épais. Mais c’est techniquement que la création d’Ingolstadt se démarque de son encombrante cousine de Wolfsburg. En plus de bénéficier du fameux 5 cylindres maison – privé de turbo mais d’une puissance respectable de 136 ch – l’Audi 80 reçoit, dès l’année 1984, la fameuse transmission intégrale quattro, celle-là même qui a consacré Audi au Championnat du monde des Rallyes 1982 ! Sur la forme, excepté la présence de quelques badges « quattro » flanqués de la calandre à la malle du coffre, rien ou presque ne change. Sauf qu’en y regardant de plus près, on remarque une foule de détails qui font la différence. Ainsi cette version de pointe bénéficie de jolies jantes en alliage spécifiques de 14 pouces, mais aussi d’un discret aileron de coffre sans oublier une double sortie d’échappement ou des antibrouillards. Autant d’indices qui donnent quelques idées des prétentions sportives de cette petite berline. Voilà pour la forme.

Sur le fond, l’adoption de la transmission quattro ajoute 75 kg au poids du modèle initial, portant la masse totale à 1190 kg. Cela parait bien peu aujourd’hui, où le moindre déplaçoir électrifié dépasse allègrement les 1500 kg, mais c’était déjà conséquent en 1984, sur le créneau des berlines compactes. Pourtant, l’intérieur ne paraît pas bien riche ! Excepté des sièges sport livrés de série (pouvant se régler en hauteur pour le conducteur) et une instrumentation complète logée sous une casquette rectangulaire comportant un compte-tours, on cherche les équipements de confort. Ah si, il y a le dégivrage et les vitres avant électriques ! Il est vrai qu’à 128 250 Francs à l’époque (soit 43 000 € environ selon l’Insee), c’est bien la moindre des choses ! Surtout qu’à l’époque, Audi ne fait pas encore figure de référence en matière de finition. Certes, les assemblages sont rigoureux, mais l’ensemble du mobilier fait très « plastique » et n’atteint pas encore le niveau feutré offert par une BMW ou Mercedes de l’époque. Mais une fois lâchée sur route, de préférence sinueuse, la 80 quattro fait une démonstration éclatante de son talent qui n’appartient qu’à elle…

› Discrète d’apparence, la 80 quattro cache bien son jeu, en étant capable de rouler vite et fort… même sous la pluie !

Les 4 fantastiques

Plus puissante que la GTE dotée du bloc de la Golf GTI, cette version quattro équipée du 5 cylindres de 136 ch du coupé GT ne rechigne pas à la tâche, même s’il faut la bousculer un peu, faute de bénéficier d’un couple important à bas-régime (176 Nm à 4500 tr/mn). En sollicitant la mécanique, par ailleurs très agréable à l’oreille, la 80 quattro parvient à prodiguer de franches accélérations (0 à 100 km/h en 9,1 sec), l’ensemble étant bien servi par une boîte manuelle à 5 rapports très agréable à manipuler. Voilà qui permet de rouler vite, très vite même, les 193 km/h chrono étant à sa portée, une valeur plus qu’honorable à l’époque pour cette catégorie. Surtout que cette petite Audi sait tenir cette cadence sans faiblir, même lorsque les conditions routières se dégradent.

› Légère et habitable, la 80 GTE adopte une robe tendue et anguleuse, très typée eighties, qui doit beaucoup à l’école italienne.

La présence de l’arbre de transmission ayant imposé de redessiner l’épure du train arrière, cette 80 quattro se voit du coup mieux servie que les versions normales, en bénéficiant ainsi réellement de 4 roues indépendantes, toutes dotées de surcroît de freins à disques. Et avec un avant qui tire et un arrière qui pousse, autant vous dire que cette berline a tout d’une sangsue du bitume. En restant dans les limites du raisonnable bien sûr, le moteur étant placé en porte-à-faux sur le train avant, ce qui peut générer du survirage en rentrant fort dans un virage serré. Heureusement, le conducteur peut aussi compter sur une direction précise et informative, permettant de corriger le cap en un tour de main. Et si cette Audi prend du roulis lors des phases d’appui, elle sait tenir sa trajectoire sans s’en écarter. J’imagine que peut de voitures à l’époque pouvaient en offrir autant. Logique, car mine de rien, cette Audi 80 quattro est elle aussi une pionnière dans son genre : la première familiale à transmission intégrale !

› A l’image de la carrosserie, tout est net et sans fioritures, mais l’ensemble respire le sérieux et s’avère agréable à vivre.

L’avis d’Avus

Clairement, voilà une petite familiale de tempérament qui mérite d’être redécouverte. A défaut d’exhiber la panoplie sécuritaire des berlines modernes, elle se révèle en effet particulièrement polyvalente, efficace, équilibrée et facile à vivre au quotidien. Sa ligne en coin, basse et longiligne, détonne dans un univers automobile toujours plus édulcoré et uniforme. Et surtout, sa remarquable légèreté, sa position de conduite basse et sa présentation sans fioritures, presque spartiate, éveillent une douce nostalgie de l’époque encore récente où le plaisir de conduite s’accommodait d’une puissance modeste et se passait de régulateur. C’était au millénaire dernier : c’était en 1984 !

› Produite à plus de 1 600 000 exemplaires de 1978 à 1986, toutes versions confondues, cette Audi 80 est un best-seller à redécouvrir aujourd’hui d’urgence… et à réhabiliter !

« Mine de rien, cette Audi 80 est une pionnière : la première familiale à transmission intégrale ! »

On aime
• Première berline 4 roues motrices
• Agrément de conduite
• Construction sérieuse
• Cote encore attractive

On aime
• Ensemble austère
• Pièces spécifiques chères… et introuvables !

Fiche technique Audi 80 quattro, 1984
Moteur : 5 cylindres en ligne essence, position longitudinale AV, 2 144 cm3
Alimentation : Injection Bosch K Jetronic
Puissance (ch à tr/mn) : 136 à 5900
Couple (Nm à tr/mn) : 176 à 4500
Transmission : Transmission intégrale quattro, boîte mécanique à 5 rapports
Suspension AV : Roues indépendantes, Mac Pherson
Suspension AR : Roues indépendantes, triangles superposés
Freins AV-AR : Disques
Direction : Hydraulique non assistée
Dimensions (L x l x h) en m : 4,38 x 1,68 x 1,37
Taille des pneus : 175/70R14
Poids (kg): 1190
0 à 100 km/h (s) : 9,1
Vitesse maximale (km/h) : 193

Avus:
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