En remplacement du fameux salon de Francfort, on a désormais droit tous les 2 ans au salon de Munich. Sans surprise, les allemands qui jouent à domicile y viennent en force. Tous… sauf Audi, qui a assuré cette année un service minimum, signe d’une profonde crise…
Texte Joseph Bonabaud, photos DR
J’ai le souvenir pas si lointain où il fallait chausser de bonnes baskets pour parcourir le salon de Francfort, un salon de la démesure où les grands constructeurs allemands s’accaparaient carrément un hall entier, ou faisaient ériger à l’extérieur des pavillons d’immenses structures éphémères, pour pouvoir présenter leurs nombreuses nouveautés. Mais ça c’était avant, dans « l’ancien monde », c’est-à-dire avant le scandale du dieselgate et la mainmise de Bruxelles sur les orientations européennes en matière automobile imposées aux constructeurs. Terminé la bonne époque où grosses cylindrées et carrosseries rutilantes faisaient rêver les foules. Désormais, pour sauver la planète, il faut rouler « plus blanc que blanc » et se plier, à marche forcée, aux diktats de la bonne fée électricité. Et tant pis si la production de batteries, ultrapolluante, détruit des écosystèmes à l’autre bout de la planète. Tant pis si ces mêmes batteries sont produites, en grande majorité en Asie (et en Chine), et qu’elles nous parviennent sur d’immenses bateaux fonctionnant au fioul lourd.
Tant pis également si la grande majorité de l’électricité produite en Europe n’a rien de « verte », puisque issue de centrales à charbon. Tant pis si nous sacrifions un savoir-faire unique en matière de moteurs à explosion – et les emplois directs et indirects qui vont avec – tout en déroulant le tapis rouge aux constructeurs chinois, devenus des experts en voitures électriques. Et encore une fois tant pis si cette révolution technologique majeure – la plus importante jamais vue en automobile depuis plus d’un siècle – ne s’adresse finalement qu’à une clientèle privilégiée, tant cette technologie reste encore chère à l’achat. Mille fois tant pis donc, on fonce pied au plancher dans le mur et il n’y a personne pour appuyer sur le frein !
› Seule vraie nouveauté mise en avant chez Audi, le Q6 e-tron, sous un camouflage qui ne masque pas grand-chose. Sa commercialisation ne cesse d’être reportée !
Les doigts dans la prise
En témoigne l’écrasante majorité de nouveautés électriques dévoilées dans ce dernier salon. BMW y a présenté sa future « Neue Klasse » à piles, d’un gabarit d’une Série 3 mais qui sera assurément vendue, une fois produite (en 2024), au prix d’une grosse Série 5. Et justement, la dernière Série 5 y faisait une apparition en version électrique, une routière « propre » qui sera vendue au prix d’une Série 7 (76 200 € en entrée de gamme !). Mercedes soufflait le chaud et le froid en dévoilant la nouvelle AMG GT, encore une vraie voiture comme on les aime (V8 4.0 biturbo de 476 ch ou 585 ch), mais aussi la CLA Concept, préfigurant une petite berline… 100% électrique. Quant à Volkswagen, outre une nouvelle Passat, proposée désormais uniquement en break, on pouvait découvrir un concept annonçant la future ID.2 GTI, une bombinette… électrique, qui va avoir du mal à nous faire regretter la bonne vieille Golf GTI !
Chez Audi, en revanche, rien de neuf sous le soleil, signe que le constructeur aux Anneaux a pris beaucoup de retard dans le développement des futurs modèles. Un gros « trou dans la raquette » qui a coûté, rappelons-le, sa place au dernier PDG de la firme, débarqué avant l’été. En attendant d’appuyer sur l’accélérateur pour proposer de vraies nouveautés, Audi a tenté de meubler au mieux. Ainsi, comme un air de déjà-vu, on nous a resservi le concept de l’A6 Avant e-tron, un très beau break 100% électrique, qui remplacera la bonne vieille A6 thermique que nous connaissons (et adorons !) d’ici 2 ans environ. La vraie seule grande nouveauté présente était partiellement camouflée par un covering, puisqu’il s’agissait – enfin – du prochain Q6 e-tron. Ne vous emballez pas trop, car comme son nom l’indique il s’agit d’un SUV de plus, et il viendra s’intercaler logiquement entre les Q4 et Q8 e-tron, ce qui veut dire que lui aussi est 100 % électrique. Vous en avez assez de tous ces SUV et mixeurs à piles ? Nous aussi, mais il va falloir s’y faire, puisqu’on vous dit que c’est pour notre bien !
Une télé sur les genoux !
Essayons donc d’accueillir ce nouveau venu avec un minimum d’enthousiasme – qui sera peut-être moins contraint après un premier essai – prévu pour début 2024. En masquant (légèrement) les lignes du Q6, Audi ne souhaite donc pas que l’on s’attarde sur le design qui, à première vue, s’inscrit en droite ligne de ce que l’on connaît déjà. En effet ce nouveau SUV de 4m76 de long (décliné en « break » et en « coupé » Sportback), reposant sur la nouvelle plateforme PPE commune à Porsche (Premium Plateform Electric), ressemble vaguement au récent Q4. Ce qui est plutôt un compliment, les gammes électriques des concurrents n’étant pas toujours très sexy, avec même un concours de laideur et de lourdeur chez BMW. Rien de tout cela sur le Q6. Optiques affinées, calandre singleframe gourmande et ailes musclées composent un ensemble assez agréable et cohérent à la vue. Seule petite fantaisie stylistique – du moins sur ce modèle de présérie dont le style est figé à 99% – le traitement du montant de custode, prenant des airs d’aileron, donnant un aspect « flottant » au toit lorsqu’il est de couleur dissociée.
› Au-delà de la plateforme PPE dédiée aux voitures électriques, Audi vient de confirmer qu’il y aurait bien une PPC pour les modèles à combustion, signe d’un changement de stratégie salutaire depuis l’éviction du dernier PDG cet été !
Mais ce dont on se souviendra est du traitement ultra-techno de l’intérieur. Audi a toujours aimé se poser en chantre des technologies high-tech, avec le risque que cela vieillisse terriblement avec le temps. Souvenez-vous des premiers compteurs digitaux des Ur quattro ! Entre-temps, les progrès techniques sont passés par là, mais pas sûr que cette débauche d’écrans soit de bon goût, et qu’elle résiste aux affres du temps. Le conducteur a donc droit de conduire avec une « télé sur les genoux »
de… 26 pouces ! Mais celle-ci est scindée en 2 parties, avec un immense écran panoramique incurvé de 11,9 pouces destiné à l’instrumentation, un autre écran de 14,5 pouces (tactile celui-là) venant en complément pour gérer l’infodivertissement (confort et multimédia). Ce dernier dispose, comme un Smartphone, d’une boutique d’applications (app store), et d’un assistant numérique représenté sous la forme d’un avatar ! C’est big-brother ce gars-là, car il vous écoute et apprend continuellement de vos habitudes pour mieux connaître vos goûts, et vous proposer des suggestions proactives. Oui, je sais, ça fait peur !
Eco… logique ?
Et il faudra rester concentrer sur la route, et ce, malgré l’apport d’autres systèmes faisant appel à la vue, comme un affichage tête haute à réalité augmentée. Ce dernier projette dans le pare-brise des informations utiles (un changement de direction), dans la limite de 200 mètres ! Le passager avant aura aussi droit, en option, à son écran, une dalle de 10,9 pouces, mais un dispositif d’obturation permet de regarder un film sans gêner le conducteur. Enfin, magie du marketing premium qui veut se la jouer « écolo », les tapis de sol sont fabriqués nous dit-on à partir de filets de pêche, de moquettes et de déchets industriels recyclés. En clair, Audi va nous vendre à prix d’or nos poubelles. Il fallait y penser. Et oser !
Pour finir, parlons un peu mécanique – pardon – tambours de machine à laver. La grosse pile de 100 kWh intégrée au plancher alimente 2 moteurs – un par essieu – faisant du Q6 une sorte de quattro. Selon les versions, la puissance disponible ira de 370 ch à 600 ch, permettant dans le meilleur des cas de couvrir le 0 à 100 km/h en 4,5 secondes. Rien de connu pour l’instant sur l’autonomie, mais Audi précise que la puissance de charge culminera à 270 kW, permettant ainsi de récupérer 250 km d’autonomie en 10 minutes… sur une borne rapide, bien sûr. Enfin, ce SUV semble avoir une vraie vocation familiale, en disposant d’une vaste soute de 526 dm3, complétée par un autre petit coffre logé sous le plancher de 30 dm3, et même d’un autre, à l’avant cette fois, de 64 dm3, parfait pour accueillir les câbles de recharge.
› Du futur Q6, on a surtout vu la planche de bord définitive, dotée d’un écran XXL de… 26 pouces !
L’avis d’Avus
Au lieu de se réinventer et de devancer les tendances de demain, Audi semble sur ce coup-là sagement suivre le train-train actuel en sortant un énième SUV, de surcroît à piles avec un air de
« déjà vu », avec plein d’écrans en guise de tableau de bord. Les geeks adoreront sûrement, mais il nous en faut plus pour nous faire saliver. Beaucoup plus ! De notre point de vue, une voiture électrique pertinente se doit d’abord d’être la plus basse et légère possible pour économiser ses batteries… ce qui est tout le contraire de cet engin haut sur pattes, bardé de technologies plus ou moins utiles, qui devrait peser au bas mot dans les 2,3 tonnes à vide ! Attendons tout de même d’essayer ce Q6 pour vraiment juger sur pièces. Ce sera chose faite début 2024… si le lancement ne prend pas encore plus de retard !