Durant les années 70, la jeune marque Audi, en pleine conquête, n’a eu de cesse d’aller de l’avant. Après une première 100 convaincante, puis une petite 80 élue « voiture de l’année 1973 », la marque aux Anneaux a renouvelé sa grosse berline phare. Non contente d’étrenner un 5 cylindres, la 100 de seconde génération s’est vue décliner, comme ici, en version « Avant ». Découverte d’une vraie rareté…
Par Jack Seller, photos Joseph Bonabaud
En bref
Audi 100 de seconde génération, type C2
Version « Avant » de 1977, GL 5E
Moteur 5 cylindres 2.1 136 ch
Performances : 0 à 100 km/h en 11 sec – 190 km/h
Cote 2023 : 7000 € environ (parfait état)
Que serait devenu Audi sans la nomination de Ferdinand Piëch au bureau d’études à partir de 1972 ? Bien malin qui pourrait le dire. Une chose est sûre : si la réussite d’Audi ne repose pas uniquement sur la clairvoyance et les coups de génie de Piëch, il est certain que le constructeur aux Anneaux lui doit beaucoup. Lorsqu’il prend ses quartiers, la marque a encore tout à prouver et se trouve encore à des années lumière de rivaliser avec les plus prestigieuses BMW et Mercedes. Pour y parvenir, il faut nécessairement monter en gamme, et développer un moteur noble, capable d’offrir un agrément supérieur à un roturier 4 cylindres. Ce sera l’un des premiers chantiers du bon Docteur Piëch, qui va lancer l’étude d’un original… 5 cylindres essence ! Le but est d’associer la douceur de fonctionnement d’un coupleux 6 cylindres aux économies d’un simple 4 cylindres. Excepté Mercedes, qui a suivi la même idée dès 1974 mais avec un diesel, la démarche est alors totalement inédite pour un bloc essence.
Le premier modèle à en bénéficier est la nouvelle Audi 100 de seconde génération (type C2), lancée en 1976. Les quelques rondeurs de la première mouture sont gommées au profit d’une ligne tendue, taillée à la serpe, qui annonce la tendance phare des années 80, où seules la règle et l’équerre semblent autorisées sur les tables à dessin ! Le résultat n’est pas moche, loin de là, mais difficile pour autant de trouver du charme à ce parpaing de 4m68 de long, au porte-à-faux avant pour le moins prononcé. C’est déjà le cas avec la traditionnelle berline à 3 volumes, archi-classique sur la forme, et cela vaut aussi pour l’originale déclinaison « Avant » commercialisée un an plus tard, à partir de 1977.
La cinquième porte
L’idée, pas totalement nouvelle en 1977, est de proposer un hayon, permettant d’apporter un certain sens pratique qui échappe aux traditionnelles berlines à coffre, encore largement répandues. A l’époque, le terme « Avant » ne désigne pas encore les breaks comme cela est la norme de nos jours chez Audi. Preuve en est notre sublime exemplaire d’essai, une 100 Avant GL 5E, qui prend des airs de Sportback avant l’heure avec son arrière fuyant et fortement incliné. En fait, Audi a regardé ce que proposait la concurrence et cela a permis d’opposer une alternative crédible (et pas chère à produire) au duo Renault 20-30, voire même à la Citroën CX même si cette dernière devait se contenter d’un simple ouvrant de coffre.
En tout cas, sur ce point, Audi se démarque nettement de BMW et Mercedes. Pour sa nouvelle berline phare, le constructeur aux Anneaux n’a rien négligé, à commencer par les trains roulants, la suspension avant étant de type McPherson. En outre, pour séduire une large clientèle, cette 100 va se décliner en de nombreuses versions, avec une 5S à carburateur de 115 ch, et même une 5D dont on devine l’agrément « agricole », son 2.0 litres se cantonnant à seulement… 70 malheureux percherons ! Notre 100 5E tient le haut du panier en disposant du 5 cylindres de 2144 cm3, un bloc alimenté par une injection mécanique Bosch K-Jetronic développant quelques 136 ch à 5700 tr/mn et pas moins de 181 Nm à 4200 tr/mn.
Cela semble bien modeste de nos jours. Pourtant, voilà de quoi permettre à cette opulente berline de faire bonne figure, surtout que malgré le sérieux de sa construction elle n’avoue que 1170 kg sur la balance. Pour bien mettre les choses en perspective, c’est moins qu’une Clio d’aujourd’hui ! Forcément, avec un rapport poids-puissance aussi favorable les performances annoncées sont très correctes, avec seulement 11 secondes pour couvrir le 0 à 100 km/h, la vitesse maximale étant de l’ordre de 190 km/h. Au-delà des chiffres bruts, il convient surtout de souligner l’agrément de conduite de haute volée dont fait preuve cette grande Audi. Un agrément qui demeure presque d’actualité, plus de 45 ans après sa sortie !
Remonter le temps
Difficile de trouver plus bel exemplaire que celui-ci qui n’affiche que 114 000 km d’origine. Issu des réserves d’Audi Tradition, il est dans un état de présentation et de marche irréprochable que bien des modèles plus récents lui envieraient ! Certains détails prêtent aujourd’hui à sourire, comme les lave-phares intégrés au gros pare-chocs épais, ou le frêle essuie-glace arrière, des équipements qui étaient, vous vous en doutez, réservés à cette finition intermédiaire GL, une CD apparue un peu plus tard venant coiffer la gamme. Pénétrer à bord me fait immanquablement remonter le temps, avec quelques détails apparaissant pour le moins décalés de nos jours, à l’image des cendriers intégrés aux portes arrière, ou encore ce petit coussin de velours venant apporter une once de confort supplémentaire aux passagers arrière.
Pour ma part, c’est à l’avant que ça se passe, notamment derrière le grand volant à deux branches, qui laisse apparaître des compteurs parfaitement clairs et lisibles, comprenant même un « économètre », signe que le choc pétrolier est encore dans tous les esprits. Il s’agit en fait d’une aiguille réagissant en temps réel à la pression exercée sur l’accélérateur. Aujourd’hui, cela équivaut à la consommation instantanée relevée par nos ordinateurs de bord. Outre une bonne position de conduite malgré un volant non ajustable, cette Audi brille par la rigueur de sa finition et son ergonomie soignée, à défaut d’offrir un environnement enjoué malgré la teinte verdâtre de son mobilier. Seule touche de luxe venant apporter un peu de chaleur, la boule en bois venant coiffer un levier de vitesses à la prise en main idéale.
Requiem pour un 5 cylindres
Dès le contact, on sent que cette grande berline a des choses à dire. Il suffit de tendre l’oreille pour percevoir le feulement du 5 cylindres Audi, au son si caractéristique. Et agréable ! Certes, ce dernier n’est pas aussi expressif que sur une RS3, mais tout de même, il s’exprime bien volontiers, pas encore castré par de multiples systèmes antipollution. D’emblée, je suis surpris par la modernité de cette voiture, moins vieille à conduire que son look désuet ne le laisse supposer. La direction apparaît lourde mais précise, tout comme la boîte, bien guidée par ailleurs, et seul le freinage, un peu spongieux, peut décevoir.
Sans être un foudre de guerre, cette 100 Avant dispense un réel agrément de conduite si l’on oublie de fixer l’aiguille anxiogène de l’économètre, le moteur ne se réveillant vraiment que passé les 3000 tr/mn ! Le 0 à 100 km/h est couvert en 11 secondes, et en insistant sur la pédale de droite, cette grande berline peut dépasser les 190 km/h. Bien sûr, conduire de la sorte cette grand-mère à l’âge respectable serait désormais inapproprié, mais en roulant aux allures légales, cette Audi demeure très fréquentable, le moteur se maintenant à un sage 3000 tr/mn dans un silence étonnant en se stabilisant à 130 km/h. Sur le réseau secondaire, tenir un rythme élevé est plus difficile, même si la tenue de route, saine et sans surprise, n’a rien de critiquable. La direction manque de réactivité, la caisse a tendance à s’avachir dans les virages et le freinage est trop faiblard pour convaincre.
L’avis d’Avus
Produite à 896 299 exemplaires toutes versions confondues, cette Audi 100 de seconde génération connaîtra un beau succès commercial et permettra au constructeur aux Anneaux d’enfoncer un peu plus le clou. Mieux, cette seconde mouture apportera son lot de nouveautés par rapport à sa devancière, en étrennant le 5 cylindres et la carrosserie bicorps « Avant » ! De belles qualités qui seront magnifiées à partir de 1982 sur la 3ème mouture. Bien que très proche techniquement de notre 100 C2, la 100 C3 marquera les esprits par son élégante carrosserie profilée au Cx record pour l’époque. Et en plus du 5 cylindres et de la déclinaison Avant qui seront reconduits – cette dernière prenant enfin les traits d’un beau break – cette Audi 100 « C3 » se distinguera en proposant en plus un certaine transmission intégrale quattro. Pour toujours aller de l’avant !
On aime
Qualité de construction
Moteur mélodieux et coupleux
Habitabilité – aspects pratiques
Comportement sain
On aime moins
Style vieillot et sans charme
Rare en bel état
Pièces spécifiques introuvables
Caractéristiques techniques : Audi 100 « C2 » GL 5E
Moteur : 5 cylindres en ligne, 2144 cm3, injection mécanique
Puissance (ch à tr/mn) : 136 à 5700
Couple (Nm) : 181 à 4200 tr/mn
Transmission : aux roues avant
Boîte : mécanique à 5 rapports
Freins : disques avant, tambours arrière
Pneumatiques : 185/70 SR 14
L x l x h (m) : 4,69 x 1,77 x 1,39
Réservoir (litres) : 60
Poids à vide (kg) : 1170
0 à 100 km/h (sec) : 11
Vitesse maxi (km/h) : 190