Audi A8 « D2 » 1999, L’excellence selon Audi

Si l’Audi V8 « D1 » avait montré la voie à suivre en empiétant directement sur les platebandes de BMW et Mercedes, c’est bien la première A8 (type D2), qui y parviendra. Véritable concentré du savoir-faire Audi, la première A8 s’est même payé le luxe de supplanter la concurrence !

Par Joseph Bonabaud, photos Jack Seller

En bref

Première A8
Première structure ASF de série
Moteur V8 4.2 de 310 ch

On dit que « la vengeance est un plat qui se mange froid ». Pour Ferdinand Piëch, il a été servi glacé, mais sans se départir d’une certaine saveur, bien au contraire ! Car lorsque Piëch s’est retrouvé évincé brutalement de Porsche après avoir développé en catimini la fantastique 917 (qui faillit provoquer la ruine de l’entreprise), il s’est retrouvé parachuté au milieu des années 70 au bureau d’études d’une petite marque sans envergure du nom d’Audi. Un « placard » sans réelle perspective d’avenir, où tout était à faire. Mais l’homme est tenace, revanchard, patient et a du génie. Pas à pas, il va hisser Audi au niveau des meilleurs et prouver au monde entier (y compris Porsche), ce dont il est capable ! Tout ceci se fera bien sûr en plusieurs actes. En 1976 d’abord, avec le renouvellement de la berline 100, c’est lui qui sera à l’origine du fameux 5 cylindres, un moteur aux caractéristiques uniques qui fait encore le bonheur des passionnés de mécanique. C’est précisément cet atypique « 5 pattes », gavé par un turbo, qui animera l’ambitieuse 200 apparue en 1979, première grosse berline véritablement haut de gamme d’Audi, capable de filer à plus de 200 km/h chrono. L’année suivante, Piëch réalise un véritable hold-up en lançant la révolutionnaire quattro, qui va véritablement faire connaître Audi au monde entier (via son engagement en rallye) et faire changer durablement la perception de la marque. L’association « 5 cylindres turbo » avec la transmission intégrale fera des miracles.

La marque aux Anneaux a les dents longues et, fort de ses succès (dont le développement du quattro sur toute la gamme), elle dispose de plus en plus de moyens pour mener à bien ses projets. Y compris les plus fous, avec la présentation en 1991 du concept de la supercar Avus, sorte de « pré-R8 » 25 ans avant sa sortie officielle. Mais s’il faudra en effet patienter longtemps avant de voir la R8 de série en concession, les amateurs de sportivité ne seront pas oubliés avec la sortie, en 1994, de l’inclassable break RS2, la première Audi siglée « RS ». La première d’une longue lignée… Et puis du concept Avus, il restera la technique audacieuse dite de l’ASF (Audi Space Frame), employant majoritairement l’aluminium au niveau de la structure et de la carrosserie. C’est précisément cette technologie de pointe, réservée jusqu’alors à une poignée de super-sportives très élitistes, que Piëch va imposer pour concevoir la première A8 qui nous intéresse ici, lancée elle aussi en 1994. De facto, l’auto est bien plus légère que ses rivales directes (BMW Série 7 et Mercedes Classe S), y compris en embarquant la fameuse transmission intégrale quattro, un autre atout phare de la maison aux Anneaux.

Alu…cinant !

Sur la forme, l’A8 « D2 » séduit d’emblée, en étant lisse comme un galet. Malgré sa taille respectable dépassant les 5 m (c’est une limousine), cette A8 de première génération réussit le tour de force de ne jamais verser dans le « too much », à l’instar des dernières productions du genre… y compris l’ultime A8 (le pompon revenant à la nouvelle Série 7 !). Il n’y a pas trop de chrome, la forme est simple (donc belle), et ce vaisseau amiral est un modèle de sobriété qui a su parfaitement traverser les années. A l’intérieur, on est toujours séduit par la qualité irréprochable de l’ensemble. A ce sujet, certaines Audi contemporaines feraient bien de s’en inspirer ! Plastiques généreusement moussés, ajustages millimétrés, boiseries profondes et pièces en aluminium véritables composent un ensemble cohérent pour une auto de ce standing, tout à fait de bon goût. Ici, c’est plutôt la technologie qui prête à sourire, comme la GPS « Navigation plus » qui a pris un sacré coup de vieux ! Résolument haut de gamme, cette génération d’A8 a su séduire les gros rouleurs avec ses V6 TDI, mais les esthètes ont succombé massivement pour la version V8 4.2 essence de notre modèle d’essai, vendue à l’époque « que » 77 139 € en neuf… et sans malus assassin !

Un moteur noble, à la sonorité autant discrète que feutrée, que l’on peine à entendre dans cet habitacle nimbé de cuir et de bois précieux. En revanche, lorsque l’on hausse le rythme, il se passe quelque chose, une sorte de force tranquille se mettant en mouvement. De façon énergique, juste comme il faut, l’exercice du 0 à 100 km/h étant effacé en tout juste 7 secondes, la vitesse maxi restant bridée à 250 km/h. C’est bien, mais pas exceptionnel, du moins pas de nature à faire frissonner les amateurs de sensations fortes, et on comprend mieux la parfaite légitimité de la fantastique S8 qui viendra coiffer la gamme. Mais sans être sportive pour un sou, cette A8 4.2 litres a bien d’autres atouts à faire valoir, comme sa masse mesurée à seulement 1770 kg, lui conférant une agilité étonnante au vu du gabarit. Posée par terre, l’A8 se joue des virages et enfile les points de corde comme les perles d’un collier, la transmission intégrale quattro veillant en permanence au grain. Pour ne rien gâcher, la boite Tiptronic à 5 rapports séduit par sa douceur et réactivité, un mode séquentiel permettant de rendre la conduite plus dynamique encore. Et tout le reste est à l’avenant, la direction parfaitement calibrée tout comme le freinage, plein de mordant. Pour une première, Audi ne s’était vraiment pas loupé, et on imagine l’embarras qu’a dû susciter ce modèle chez la concurrence à sa sortie !

L’avis d’Avus

Près d’un quart de siècle plus tard, l’A8 n’a plus rien à prouver et a su s’aménager une place sur le segment des limousines de luxe, même s’il reste outrageusement dominé par la Mercedes Classe S. Il n’empêche, à chaque génération, l’A8 se pose comme la vitrine technologique du constructeur aux Anneaux, un vrai symbole d’excellence, et nombreux sont ses spécificités à s’inviter, progressivement au fil des ans, sur des modèles plus raisonnables. Mais si l’ultime A8 est bien un « must » de technologie et de confort, offrant une expérience inoubliable à son volant, la toute première demeure, à nos yeux, la plus séduisante en terme stylistique… et également sur le plan dynamique !

On aime

Ligne sobre et élégante
Qualité de construction remarquable
Confort ouaté
Performances satisfaisantes

On aime moins

Encombrement en centre-ville
Certaines pièces déjà indisponibles
Souvent fortement kilométrées
Entretien onéreux

Caractéristiques techniques : Audi A8 « D2 » V8 4.2, 1999

Moteur : 8 cylindres en V, 40v, 4172 cm3
Alimentation : à injection (gestion intégrale Bosch Motronic)
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 310 à 6200
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 418 à 3000
Transmission : intégrale, boîte Tiptronic à 5 rapports
Suspension AV : triangles superposés
Suspension AR : multibras
Freins : 4 disques ventilés, ABS.
Dimensions (L x l x h) en m : 5,03 x 1,88 x 1,44
Poids (kg) : 1770
Pneus (AV / AR) : 225/60 WR 16
Performances
Vitesse maxi (km/h) : 250
0 à 100 km/h (sec) : 7,0
Cote en 2023 : 9 000 € environ en parfait état