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Audi RS2, Le break mutant

Avant, les breaks étaient considérés, au mieux, comme des berlines à « sac à dos », voire comme des utilitaires à peine civilisés. Mais en 1993, Audi brouille complètement les pistes en présentant la singulière RS2. Pour la première fois, un break pouvait se faire luxueux et… sportif ! Très sportif…

Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud

En bref

Premier break sportif de l’Histoire
Première Audi « RS »
Conçu et développé conjointement avec Porsche
Moteur 5 cylindres 2.1 turbo de 315 ch
Cote 2023 : 50 000 € environ (parfait état, en bleu Nogaro)

Grâce à l’iconique quattro, Ferdinand Piëch est parvenu à hisser Audi dans le monde du premium, et même à devancer BMW et Mercedes sur le terrain des voitures de tourisme sportives à transmission intégrale. Marquer des points et égaler les meilleurs est une chose, se maintenir à ce niveau en est une autre. La seconde idée de génie sera de créer un nouveau genre automobile, alors encore inconnu : celui de break sportif ! La base retenue sera l’Audi S2 Avant de l’époque, déjà pour le moins dynamique avec son 5 cylindres 2.2 turbo 20v de 230 ch. Mais en se faisant pour la première fois de l’histoire d’Audi « RS », celle-ci va rajouter une sacrée louche de chevaux !

Ca se passe un peu comme chez le charcutier qui malgré vos indications vous coupe une énorme tranche de jambon épaisse comme une plaque de marbre et qui vous demande poliment « je vous la mets quand même » ! Mais au début des années 90, l’expérience d’Audi en matière de voitures de sport reste encore bien anecdotique, si bien que pour espérer rivaliser avec les redoutables BMW M3 E36 et Mercedes C36 AMG du moment, Piëch sait qu’il va falloir demander l’expertise d’un vrai spécialiste. Comme Porsche par exemple, Ferdinand Piëch étant le cousin de Ferdinand Porsche, ce qui simplifie les choses !

Tambouille familiale

Si l’excellent 5 cylindres 2.2 20v turbo Audi va être conservé, Porsche va quasiment tout revoir ! Y compris une bonne partie du moteur lui-même, puisque les arbres à cames, les injecteurs, le turbo, la boite à air et j’en passe, tout, ici, est inédit ! Résultat des courses, l’écurie passe de 230 à 315 ch, ce qui fait une sacrée différence ! Bien sûr, Porsche a aussi apposé sa patte sur la voiture, la RS2 possédant un look bien spécifique, permettant au premier coup d’œil de la distinguer d’une « simple » S2. Prélevée sur les chaînes de l’usine Audi de Salzgitter, les S2 partaient directement pour l’usine Porsche de Zuffenhausen sans pare-chocs, ni sièges, ni rétroviseurs. Tous ces éléments, provenant de la 911 Type 993, étaient montés chez Porsche, transfigurant à bon compte la voiture ! Pour peaufiner ce grand méchant look, l’auto recevait également de sublimes jantes Cup de 17 pouces, mais aussi un bandeau translucide sur le hayon, dans le prolongement des feux arrière… une signature identique à une Carrera ! Au-delà des ces modifications esthétiques, renforcées par un nuancier inédit, Porsche en a profité pour revoir les trains roulants, en montant des amortisseurs Blistein plus fermes, mais aussi de gros freins à disques de 300 mm de diamètres (avec étriers 4 pistons), provenant de la 968 Club Sport. Du bel ouvrage !

L’intérieur n’est pas en reste, en héritant de sièges avant de 911 (donc ils peuvent se baisser alors que l’on est à bord d’un break !), mais aussi de contre-portes spécifiques, tandis que des compteurs à fond  blanc sont intégrés au tableau de bord. Celui indiquant la vitesse maximale fait saliver, avec un prometteur « 300 km/h » ! A cette époque, le constructeur aux Anneaux qui est en quête d’image monte aussi le curseur côté finition via son nouveau département « Audi exclusive ». Il s’agit d’un département de personnalisation rendant chaque voiture unique ou presque, en fonction des désirs du client… et de son budget ! Ainsi, quelques exemplaires ont bénéficié d’une finition poussée, avec des selleries mixant avec audace le cuir et de l’alcantara assorti à la teinte de la carrosserie. Bien sûr, avec le fameux « bleu Nogaro » mis en avant lors du lancement début 1994, c’est ce combo très particulier qui est aujourd’hui le plus recherché en collection.

Le break qui déménage !

Mais qu’elle soit noire, grise ou « bleue Nogaro », la RS2 offre la garantie de toujours vivre un voyage dans les meilleures conditions possibles avec sa petite famille. Et de préférence vite, très vite même, histoire de ne pas gâcher de précieuses minutes lors de son week-end. Dès le démarrage, le son rauque émis par le double échappement donne déjà quelques précieuses indications sur le caractère pour le moins belliqueux de ce break vraiment hors-norme. La position de conduite est idéale, tout comme le maintien latéral offert par les sièges, et le levier de la boîte manuelle à 6 rapports ( piqué lui aussi à la Porsche 968 ! ), tombe parfaitement sous la main.

L’ensemble paraît ferme, notamment l’embrayage, signe que nous sommes bien en présence d’un break de mœurs sportives. Mais cela se confirme surtout à l’accélération, la RS2 prenant un malin plaisir à vous plaquer sans ménagement au fond des sièges. Du moins lorsque vous avez passé le seuil des 3000 tr/mn, la RS2 ayant un moteur turbo « à l’ancienne », présentant une certaine inertie sous ce régime. Pour être clair, sous ce seuil, malgré un couple généreux de 410 Nm le moteur paraît creux, presque « éteint » même, et au-delà, il vous dispense un formidable coup de pied au c…, vous satellisant avec force dans le paysage ! Quand je dis « satelliser », ce n’est pas qu’une vue de l’esprit, l’exercice du 0 à 100 km/h étant plié en seulement en 5,4 secondes, tandis qu’en restant « soudé » sur la pédale de droite, l’auto promet un savoureux 262 km/h.

Des performances largement encore d’actualité, qui permettaient à ce break survolté de laisser loin dans ses rétroviseurs la concurrence, surtout lorsque les conditions météorologiques se dégradaient, l’éprouvée transmission intégrale quattro étant bien sûr de la partie. Celle-ci se voit dotée d’un différentiel Torsen central ainsi que d’un blocage de différentiel arrière manuel qui se désenclenche toutefois à 25 km/h… comme sur certains 4×4 ! Inutile de compter dessus pour la conduite sportive, donc. En revanche, question efficacité, la RS2 se pose comme un bel outil, rivée au sol, quitte à se montrer pas assez remuante au goût de certains. C’est tout le paradoxe de l’Audi RS2 : elle est presque trop bien !

L’avis d’Avus

Après la révolutionnaire Ur quattro, Audi a su confirmer l’essai d’une façon aussi séduisante que surprenante, en lançant l’inclassable RS2. Malgré une carrière relativement brève qui pris fin en 1996, après avoir fabriqué seulement 2891 exemplaires, la géniale RS2 a su marquer durablement les esprits. Pour surfer sur ce succès, Audi a eu la brillante idée de remettre le couvert en 1999 avec la RS4, la première d’une longue lignée, et depuis, le break sportif est devenu un grand classique du genre, à savourer aussi un échelon au-dessus, en format RS6 !

On aime

Voiture culte !
Polyvalence remarquable
Griffe Porsche
Moteur fabuleux
Performances saisissantes
Efficacité globale

On aime moins

Trop efficace ?
Cote en hausse continue
Quelques pièces spécifiques introuvables

Audi RS2 (1994)

Moteur : 5 cylindres en ligne, 2226 cm3
Alimentation : Injection électronique, turbocompresseur
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 315 à 6500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 410 à 3000
Transmission : Integrale, boîte mécanique 6 rapports
Suspension AV : McPherson triangulé
Suspension AR : Triangles superposés, ressorts hélicoïdaux
Freins : Disques ventilés, étriers à 4 pistons (AV et AR)
Dimensions L x l x h (m) : 4,51/1,69/1,38
Poids (kg) : 1595
Pneus AV/AR : 245/40 ZR 17
Vitesse maxi (km/h) : 262
0 à 100 km/h (sec) : 5,4

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