Audi 80 L, 1974, Tube des années 80
Véritable surdouée, la petite 80 n’a pas attendu les années pour truster les premières places des ventes. La preuve, après avoir été élue « voiture de l’année 1973 », elle a roulé avec succès sur les traces de sa grande sœur, l’Audi 100, au point de devenir, elle aussi, un véritable « tube des années 80 » !
Par Jack Seller, photos Thomas Riaud
En bref
Première génération d’Audi 80 (type B1)
Version Luxe « L » de 1974
Moteur 4 cyl. 1.3 55 ch
La première Audi 100, apparue fin 1968, a montré la voie à suivre. Et surtout, elle a donné à Audi les capacités de s’affranchir de la tutelle pesante de Volkswagen, pour développer sa propre petite berline compacte du segment B. Un segment encore en devenir, mais qui va littéralement exploser durant les années 70, cette décennie restant profondément marquée par le premier choc pétrolier, ce qui va contribuer à l’essor de cette catégorie naturellement moins énergivore. Comme pour la 100, Audi va une nouvelle fois partir d’une feuille blanche pour concevoir sa 80. Développée sous le nom de code « B1 » (qui restera pour désigner la première génération), la 80 doit, elle aussi, beaucoup au génial ingénieur Ludwig Kraus, déjà auteur de la 100. C’est précisément avec la « petite » 80 qu’il va faire de grandes choses, et appliquer ce qui va devenir le slogan de la marque en injectant une bonne dose de « Vorsprung durch Technik ».
Ici, l’avance par la technologie prend plusieurs formes, comme une conception légère (835 kg en version coach 2 portes), un élément clé pour obtenir une auto efficiente, mais également agile à conduire. Pourtant, cela ne se fait pas au détriment d’un minimum de confort, l’auto recevant de série des repose-têtes aux sièges avant et même une lunette arrière dégivrante. A l’heure des tablettes tactiles et de la conduite semi-autonome, cela peut faire sourire, mais en 1972, tout ceci est encore bien rare dans la catégorie. Moderne par bien des aspects, l’Audi 80 « B1 » inaugure par ailleurs une coque autoporteuse traitée contre la rouille, mais aussi un rayon de roulis de direction négatif, permettant de gagner sensiblement en stabilité au freinage. Des solutions techniques efficaces qui seront reprises, avec le principe de la construction modulaire, sur le futur Coupé GT et la révolutionnaire Ur quattro. Il y a enfin le moteur, lui aussi à la pointe de son époque. Conçu par l’ingénieur Franz Hauk et son équipe, ce-dernier deviendra l’un des plus produits par le groupe Volkswagen. Il s’agit d’un compact moteur 4 cylindres à refroidissement par eau, doté d’une commande des soupapes par arbre à cames en tête avec entraînement par courroie crantée. Pour séduire une large clientèle, sa cylindrée varie de 1.3 à 1.6 litres, avec une puissance allant de 55 à 100 ch, et même 110 ch sur la sportive GTE introduite fin 1975. Un moteur brillant qui fera le bonheur d’une certaine… Golf GTI !
Tout d’une grande !
L’exemplaire présenté dans ces pages n’est pas la sulfureuse version GTE, mais une bien plus modeste 1.3 de 55 ch d’entrée de gamme, agrémentée tout de même de la « luxueuse » finition « L ». Il s’agit d’un sublime exemplaire de la première heure, de l’année 1974, devenu fort rare dans ce parfait état d’origine. Les nombreux chromes étincelants, présents des pare-chocs aux entourages de vitres, en passant par la calandre ou les enjoliveurs, font toujours leur effet, apportant une touche « haut de gamme » à cette petite Audi, justifiant presque son appellation « Luxe ». Certains détails prêtent pourtant aujourd’hui à sourire, comme les fines roues de 13 pouces ou la petite sortie d’échappement, à peine plus grosse en diamètre qu’un tuyau de douche, mais tout ceci était bien la norme de l’époque.
A bord, c’est un certain dépouillement qui règne. Malgré un habillage de la planche de bord en véritable « ronce de plastique », censé réchauffer l’atmosphère, l’ensemble apparaît bien austère. Et ce n’est pas la dotation de série de cette mal nommée finition « Luxe », réduite à la portion congrue, qui vient contrecarrer ce sentiment ! En 1974, chez Audi, le standing se mesure à la présence de moquette au sol, d’une boîte à gants éclairée avec un couvercle, à une montre et un allume-cigare. Oubliez tout équipement de confort, vitres électriques comprises, car le seul luxe à bord se limite finalement à un combiné d’instruments circulaires allant à l’essentiel. Derrière un grand volant à la jante assez fine prend place le tachymètre de vitesse, et un compteur regroupant la température d’eau et la jauge à carburant. Point barre. Reste la finition, bien sûr à des années-lumière des standards actuels en vigueur à Ingolstadt, mais force est de constater qu’Audi avait bien fait les choses à l’époque. Le dessus de la planche de bord n’est pas craquelé, et cet état de fraîcheur concerne aussi la sellerie, ferme comme au premier jour. Une belle santé qui se retrouve également sur la mécanique. Action !
Etonnamment moderne
Un bref tour de clé réveille instantanément le 4 cylindres. L’insonorisation, relativement soignée, apporte un réel sentiment de bien-être, tout comme la généreuse surface vitrée, baignant de lumière cet habitacle, assez vaste pour voyager à 4 adultes. Le parfait guidage de la boîte mécanique à 4 rapports permet de prendre la route sereinement, sans aucune appréhension. La confiance gagne rapidement, et ce d’autant plus que cette première mouture d’Audi 80, est restée étonnamment moderne sur bien d’autres points. La position de conduite est agréable, et la direction non assistée, précise et directe (et pas trop lourde à l’arrêt), permettant de bien sentir l’auto. De belles dispositions qui invitent à s’encanailler, mais il faudra rester dans les limites du raisonnable.
De toute façon, il n’y a pas autre chose à espérer. Les 55 ch revendiqués par ce modeste 1.3 ont en effet fort à faire pour déplacer énergiquement cette berline robuste, visiblement « construite pour durer ». Si vous en doutez, tentez juste pour voir de soulever le capot, et vous comprendrez ! Pourtant, avec un poids à vide de seulement 835 kg, l’Audi 80 n’a rien d’une enclume. Mais cette relative paresse (147 km/h maxi) s’explique par la présence d’une boîte qui « tire long », afin de privilégier la consommation moyenne, de l’ordre de 8,5 l/100 km. Cela peut paraître beaucoup de nos jours, mais croyez-moi, juste après le choc pétrolier de 1973, nombreux sont les automobilistes qui auraient signé des deux mains pour rouler dans une berline allemande aussi moderne et frugale !
Autre atout : le comportement routier de cette Audi, à la fois sain et efficace. Avec à peine 60% du poids sur le train avant, il est difficile de se faire peur au volant de cette traction avant, naturellement sous-vireuse à la limite d’adhérence. Là encore, entre le classique mode « propulsion » ou les antiques essieux rigides à l’arrière, encore très en vogue à l’époque, peu de concurrentes directes pouvaient en dire autant. Toutes ces excellentes raisons permettront à l’Audi 80 de se hisser au top de la catégorie, pour de nombreuses années encore. Et tout cela donnera même à la marque aux anneaux une véritable légitimité et accentuera son indépendance par rapport à la maison mère Volkswagen. A partir de 1994, une page est définitivement tournée avec l’arrêt de l’ultime génération de 80, remplacée par une certaine A4, toujours au catalogue de nos jours. Si cette dernière est un vrai best-seller des années 2000, le tube des années 80, c’était bien… l’Audi 80 !
L’avis d’Avus
Bien sûr, cette Audi 80 de la première heure a souffert du poids des années, et n’importe quelle citadine moderne en offre bien plus aujourd’hui, y compris en agrément de conduite. Mais il convient de mettre les choses en perspective en se rappelant que cette 80 « B1 » accuse un demi-siècle au compteur. A l’échelle de l’Humanité, c’est bien peu, mais pour une voiture, c’est énorme ! Et à l’époque, aucune voiture de cette catégorie se montrait aussi moderne, excepté peut-être les Simca 1100 et Autobianchi Primula. Produite jusqu’à l’été 1978, l’Audi 80 « B1 » aura été écoulée à plus d’un million d’exemplaires. Un succès amplement mérité !
Caractéristiques techniques : Audi 80 L, 1974
Moteur : 4 cylindres en ligne, 1297 cm3
Alimentation : par carburateur
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 55 à 5600
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 94 à 3500
Transmission : intégrale, boîte mécanique à 4 rapports
Suspensions AV/AR : 4 roues indépendantes
Freins AV/AR : disques ventilés / tambours
Dimensions (L x l x h) : 4m20 x 1m60 x 1m36
Poids : 1280 kg
Pneus (AV / AR) : 155 SR 13
Performances
0 à 100 km/h (sec) : 16,7
1000 m D.A (sec) : 36
Vitesse maxi (km/h) : 147 environ