Certaines missions semblent impossibles à mener. Comme celle de concevoir une grande berline, qui doit se montrer confortable, mais aussi agile et assez puissante pour tenir tête à des GT. Le tout en consommant moins de 10 l/100 km. Une gageure proposée de main de maître par la S6… TDI, prête à vous décrocher la lune !
Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud
En bref
Dernière version de l’Audi S6
Moteur V6 3.0 TDI 344 ch – 700 Nm
Performances : 0 à 100 en 5,8 sec – 250 km/h
Prix hors option : 86 750 € (89 350 € en break Avant)
Sans avenir le diesel ? Hop, hop, pas si vite ! Si certains décérébrés à tendance verdâtre-écolo, de la veine d’Hildalgo, voudraient l’éradiquer d’un trait de plume (comme tout ce qui a 4 roues d’ailleurs), le diesel résiste, et pas que dans les campagnes. Car jusqu’à preuve du contraire, on n’a pas fait mieux pour abattre vite et bien des centaines de kilomètres. C’est en partant de ce postulat que les ingénieurs d’Audi nous ont pondu une S6… TDI ! Un crime de lèse-majesté pour tous les amateurs de sportivité pour qui – et on peut les comprendre – le plaisir automobile commence au-delà des 5000 tr/mn. Un régime élevé où, précisément, les diesels s’essoufflent. Y compris cette S6. Mais avant de déposer les armes, elle aura su vous satelliser dans une autre dimension avec un talent qui n’appartient qu’à elle, tout en vous donnant « la banane » !
Passons rapidement sur les présentations, l’A6 n’ayant plus rien d’une nouveauté. Malgré une livrée « vert Avalon » pour le moins singulière, cette déclinaison sportive de l’A6 reste assez discrète sur la forme, et demeure finalement très proche d’un modèle « normal » doté de l’avantageuse finition S line. Tout juste remarque-t-on les coques en alu brossé habillant les rétroviseurs extérieurs, et les 4 généreuses sorties d’échappement intégrées à un subtil diffuseur d’air. A tout cela on pourrait ajouter la présence de belles jantes « Audi sport » de 21 pouces (option à 2000 €), qui posent bien visuellement la voiture. Et bien sûr, on retrouve un petit logo « S6 » apposé sur la calandre et la malle du coffre. C’est sobre, efficace et de bon goût. Idem pour le traitement de l’intérieur, tiré à 4 épingles, mâtiné de petites touches sportives là où il faut, avec des sièges « Audi sport plus » enveloppants habillés de cuir (option à 1200 €), des inserts en carbone (900 €) et des logos « S6 » placés également à bon escient, des seuils de porte en alu au volant « sport » multifonctions à méplat.
L’autre bonne surprise, vous l’avez en mettant le contact, lorsque l’ordinateur de bord affiche sans sourciller une autonomie confortable d’au moins 850 kilomètres avec le plein de 73 litres, opération qui se fait partout dans le monde en à peine 5 minutes, avec une simple carte de crédit. A l’heure où certains constructeurs bombent le torse lorsque leur nouveau machin à pile approche les 400 km théoriques et qu’une recharge « rapide » prend plus de 30 minutes, cela fait du bien de remettre l’église au centre du village. Et oui : jouer au jeu « des 1000 bornes » n’est pas donné à toutes les voitures !
TDI ou… GTI ?
Voilà typiquement le genre de diesel qui fait oublier le diesel ! Dès le démarrage, cette S6 émet un grondement sourd à l’échappement, assez proche d’un V8. Certes, cela se fait de façon un peu artificielle via les haut-parleurs, mais la S6 n’a pas besoin de trop en rajouter : on a tout de même un V6 3.0 de plus de 300 ch et pas un modeste 4 cylindres ! Bien sûr, pour en profiter pleinement, on ne saurait trop vous recommander de basculer via l’Audi drive select en mode « dynamic », ce qui accentue encore ce bruit très plaisant ! Bon, pour l’instant, je quitte Paris et dois me frayer un chemin dans une circulation infernale, congestionnée presque à toute heure « grâce » aux multiples travaux entrepris un peu partout sans que l’on sache pourquoi. Et pas forcément au bon endroit, comme en atteste les nombreux nids de poule qui jalonnent désormais les rues et avenues ! Cela me permet d’apprécier l’excellent filtrage de la suspension pneumatique optionnelle (1050 €), à recommander chaudement. Mais aussi de vérifier la formidable maniabilité de cette imposante berline de près de 5 mètres de long. Bien sûr, la direction assistée précise et directe y est pour quelque chose, mais surtout les roues arrière directrices, qui apportent une agilité et un dynamisme inattendus sur une auto de ce gabarit. C’est plaisant pour manœuvrer, mais ça l’est tout autant pour négocier à vive allure courbes et virages !
Pour apprécier pleinement cette S6, cap est mis vers la Vienne et son Futuroscope de Poitiers. Ce parc d’attraction, unique en son genre, est une sorte de fenêtre ouverte sur le futur… un peu comme cette S6, si le législateur prenait soin de revoir sa copie, en arrêtant de massacrer à coups d’interdictions idiotes les diesels modernes, pourtant dotés de performants systèmes de dépollution. C’est bien sûr le cas de notre S6, qui met « ceinture et bretelle », en disposant notamment d’un FAP, de catalyseurs et d’un réservoir additionnel d’AdBlue. Et pour épauler le bloc thermique, elle se dote même d’une micro-hybridation assurée par compresseur électrique (alimenté par un réseau de bord 48V), permettant d’apporter ce qu’il faut en tonus du démarrage jusqu’à 1650 tr/mn. Passé ce cap, le gros turbo à géométrie variable prend le relais, et vous dispense de sacrés coups de boutoirs si vous rester gaz ouverts en grand, en délivrant quelques 700 Nm dès 2500 tr/mn ! Ça ne vous parle pas ? Ces quelques chiffres devraient vous aider à mieux cerner les choses. Le fameux 0 à 100 est expédié en 5,8 sec, tandis que le 1000 départ-arrêté est une formalité assurée en 25,7 sec. En reprises aussi cette S6 tient plus de la méchante GTI que du TDI, en accélérant de 80 à 120 km/h en 3,6 sec. Pas mal du tout pour une berline cossue de 2100 kg, qui plus est diesel. Ce sont des chiffres dignes d’une bonne sportive !
Pourquoi tant de haine ?
Impériale sur l’autoroute qui mène jusqu’à Poitiers, nous sommes allés aussi la « secouer » un peu sur le réseau secondaire, en nous rendant au circuit du Vigeant. Là encore, la S6 fait une démonstration éclatante de son talent. Et certains équipements, comme l’affichage tête haute, apportent un vrai confort de conduite. On pestera en revanche qu’il soit proposé, comme bien trop d’équipements, encore en option, à 1650 € ! Lorsque l’on achète ce genre d’auto, pas vraiment donnée, on a le droit de se montrer exigeant et d’en vouloir légitimement pour son argent. Ici, on a clairement la désagréable sensation qu’Audi abuse, ce type d’équipement étant désormais banalisé, au point de se retrouver souvent de série sur de simples modèles généralistes. On ne peut pas dire que la hifi Bang&Olufsen à son 3D soit vraiment commune, mais est-il raisonnable de devoir encore débourser 6250 € ? Si le différentiel « quattro sport » disposant d’un autobloquant électronique magnifiant le comportement dans les virages est lui aussi, hélas, facturé en option (1800 €), ce n’est fort heureusement pas le cas de la transmission intégrale quattro, indispensable pour passer sans retenue toute la puissance au sol.
Au service de cet équipage prend place la douce et très agréable boite Tiptronic à 8 rapports, que l’on peut par ailleurs piloter depuis des palets. On regrettera cependant son manque de réactivité au démarrage, une impression désagréable en mode « normal », surtout si, en plus, le « stop & start » s’en mêle, au point de vous couper la chique en vous arrêtant brièvement à un rond-point. C’est frustrant… et même dangereux ! Cette gestion molle est sans doute à mettre au crédit des nouvelles normes antipollution qui ont tendance à « castrer » quelque peu les mécaniques. Pour se faire pardonner, cette S6 sait se montrer frugale comme… un diesel ( !), du moins si l’on adopte une conduite sage, chose pas toujours évidente avec une telle auto qui pousse à rouler fort. En respectant à peu-près les limitations en vigueur, en jouant la carte de l’écoconduite, on parvient à rester à 7,5 l/100 km. Mais en lâchant les chevaux, on approche presque les 9 l/100 km. Cela fait beaucoup pour un diesel, mais demeure dans l’absolu très raisonnable pour une auto de ce gabarit, au tempérament aussi volontaire. Nul doute qu’avec un modèle équivalent essence, on serait sans sourciller à 13 l/100 km. Alors oui, on peut dire que cette S6 TDI est une sportive écologique !
L’avis d’Avus
Si les dernières hybrides rechargeables parviennent fort heureusement à proposer enfin des consommations moyennes raisonnables – y compris en roulant batteries déchargées (voir notre super-test de l’A8 55 TFSIe dans Avus 71), force est de reconnaître que le diesel reste parfaitement adapté à ce type de grosse routière. Sans être une sportive pure et dure, cette S6 tient son rang parmi les grosses GT, et elle peut même se savourer en break Avant. Dommage en revanche qu’Audi ait la main si lourde sur les nombreuses options proposées, souvent « obligatoires ». C’est le cas sur notre modèle d’essai, très bien équipé, facturé la bagatelle de 109 565 €, auquel il faut ajouter un malus injuste de 10 488 € (187 g/km)…
On aime
Moteur « plein » tout le temps
Agrément de conduite
Dynamisme – agilité
Polyvalence générale
Confort, qualité de construction
On aime moins
Trop d’options à rallonge à ce niveau de prix !
Lenteur boîte au démarrage en mode « normal »
Conso un peu élevée pour un diesel
Encombrement
Fiche technique Audi S6 TDI
Moteur : 6 cylindres en V turbo diesel avec compresseur électrique, 2967 cm3
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 344 à 3850
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 700 à 2500
Transmission : Integrale, boîte Tiptronic à 8 rapports
Freins : Disques ventilés, étriers à 4 pistons (AV et AR)
Dimensions L x l x h (m) : 4,95/1,89/1,44
Poids (kg) : 2100
Volume du coffre (litres): 530
Pneus AV/AR : 255/40 R 20
Vitesse maxi (km/h) : 250
0 à 100 km/h (sec) : 5,6
Émissions CO2 (g/km) : 187