Audi RS4 Compétition, Coup de génie… ou coup marketing ?

Chez Audi, la RS4 est une institution depuis plus de 20 ans. Rares sont les breaks à offrir une telle polyvalence, en mariant aspects pratiques, confort et sportivité. Pour améliorer son enfant terrible, Audi nous livre une version plus aiguisée, dotée d’un pack Compétition. Coup de génie ou coup marketing ? Réponse à travers cet essai…

Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud

En bref

Version « Compétition » de la RS4
Kit carrosserie spécifique
Moteur V6 2.9 de 450 ch
Prix : 111 710 €

Audi, inventeur du break sportif avec sa RS2 apparue en 1994, a, depuis, été maintes et maintes fois copié, avec plus ou moins de bonheur, par la concurrence, essentiellement allemande. Dernière attaque directe en règle, celle de BMW qui vient de décliner sa sulfureuse M3 pour la première fois de son histoire en version Touring. La recette est identique, avec un bon gros 6 cylindres (en ligne chez béhème), gavé par deux turbos, avec plein de chevaux. Vraiment beaucoup, au point de délivrer 510 ch sur la version de pointe baptisée… Compétition ! Un terme bien choisi, qu’Audi adopte à son tour sur une RS4 toujours aussi désirable, bien que vieillissante, puisqu’apparue en 2017 déjà.

Pour faire honneur à ce nom évocateur, les hommes d’Audi Sport nous livrent une RS4 plus affûtée, comportant de multiples petites modifications d’ordre esthétique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Bien posée sur de belles jantes spécifiques de 20 pouces (chaussées d’origine de Pirelli P Zero Corsa), il faut dire qu’elle fait toujours son petit effet, et son style mariant sportivité – avec ses ailes élargies – et sobriété, n’a pas pris sur ce point le moindre coup de vieux. On remarque par ailleurs la présence de quelques éléments en carbone véritable placés à bon escient, comme la lame soulignant le spoiler, le large diffuseur d’air englobant les deux généreuses sorties d’échappement ovales, mais aussi les coques de rétroviseurs. L’intérieur fait aussi forte impression, avec du carbone à profusion, notamment pour habiller les coques des sièges avant, semblables à des baquets. Ces sièges, en plus d’offrir un maintien latéral parfait dans les virages, sont juste sublimes. Voilà qui commence bien !

Erreur de casting

Arrive le plat de résistance, à savoir le moteur, la dernière RS4 (type B9) ayant troqué le guttural (mais lourd et gourmand) V8 de ses ancêtres, au profit d’un plus compact et léger V6 2.9 biturbo. D’origine, avec 450 ch (et 612 Nm de couple), il faut avouer qu’il ne manque de rien, sauf peut-être pour faire désormais jeu égal avec la nouvelle M3 Touring qui culmine, faut-il le rappeler, à 510 ch. Et bien le V6 Audi délivre, dans cette version « Compétition » plus affûtée… toujours 450 ch ! De notre point de vue, voilà un écueil de taille qui, d’emblée, disqualifie cette RS4 Compétition. Pour se faire pardonner, les hommes d’Audi Sport avouent avoir peaufiné les trains roulants, afin de gagner en dynamisme. Cela porte sur la direction, à démultiplication fixe pour offrir un meilleur feeling, mais aussi sur un différentiel central recalibré et des suspensions réglables (livrées avec une trousse à outils pour modifier soi-même la détente et compression). Voilà qui devient plus alléchant, sauf que l’on apprend que ces réjouissances ne sont finalement livrées qu’avec un pack « Compétition Plus »… indisponible en France !

Pire encore, les freins en carbone-céramique demeurent facturés 7300 € en option (tout comme les étriers de couleur rouge ou bleue), chose vraiment dommage sur une version aussi exclusive qui se prétend inspirée de la « Compétition ». Il y a là, comme une autre belle erreur de casting ! Pour se consoler, outre un look plus exclusif, sachez que la vitesse de pointe est tout de même relevée d’office à 290 km/h. C’est toujours ça de pris à l’ennemi, mais là encore, on peut regretter qu’Audi n’ait pas profité de cette occasion pour monter le curseur à 300 km/h, un seuil fort en symbolique histoire de mettre tout le monde d’accord. Ceci reste bien sûr anecdotique en France, où la police prend un malin plaisir à sanctionner le pauvre automobiliste dès qu’il se lâche sur l’accélérateur, mais dans sa partie d’origine, atteindre les 300 km/h sur Autobahn n’a rien d’exceptionnel. Heureux allemands…

Plus exclusive, plus chère… mais pas plus performante

Donc, pour résumer, me voilà prêt à essayer une RS4 Performance vendue bien plus chère qu’une version « de base », son tarif dépassant désormais les 110 000 € étant justifié par un surplus d’exclusivités… mais sans augmenter les performances. Pour s’en rendre compte, il nous a été donné l’occasion d’effectuer un parcours mêlant route de montagne et circuit, pour aller secouer notre RS4 sur le tracé sinueux d’Ascari. On ne va pas se mentir, sur route ouverte, il y en a toujours bien assez pour se faire plaisir et doubler – pardon – tripler – tout se qui se présente devant, dès qu’un bout de ligne droite se présente. Déjà très convaincante en mode « auto », où la voiture gère d’elle-même, de façon pertinente, l’amortissement, la réponse à l’accélérateur ou la direction, elle devient encore plus démonstrative lorsque l’on enclenche le bien-nommé mode « dynamic ». L’ensemble paraît plus prompt, plus vif au niveau de la gestion des 8 rapports de la boîte, plus communicatif au niveau de l’échappement « sport RS » et plus ferme en amortissement, et même si cela se fait un peu au détriment du confort, la RS4 paraît presque transfigurée. Mais on cherche encore la notion de « Compétition » qui lui sied…

A l’épreuve du circuit, les choses ne changent guère. Elles s’aggravent même, puisque l’on pe ut ici approcher librement les limites de la voiture. Ce gros break de 4m78 de long, accusant quelques 1820 kg à vide selon le constructeur, n’a rien d’une ballerine taillée pour les « tracks days », et cette inertie se ressent dans les virages serrés. Le train avant se fait sous-vireur, en martyrisant les pneus, mais le comportement reste enthousiasmant, avec un arrière qui se déhanche gentiment en sortie de virage. Quant aux freins (disques avant de 400 mm de diamètre et de 330 mm à l’arrière), s’il est parfaitement calibré pour rouler fort sur route, on sent que le circuit n’est pas non plus sa tasse de thé. Idem pour les accélérations, certes convaincantes, mais qui n’ont rien d’exceptionnel (0 à 100 km/h en 4,1 sec). On se prend alors à rêver d’une vraie version « Compétition », avec plus d’éléments en carbone pour gagner du poids (capot et toit), un intérieur limité à 4 baquets façon « Club Sport », un peu moins d’équipements… le tout servi avec une bonne louche de chevaux supplémentaires, pour au moins approcher les 500 ch, ce qui profiterait tant aux accélérations pures, qu’aux reprises.

L’avis d’Avus

De notre point de vue, Audi Sport est resté bien frileux pour concocter cette RS4 qui n’est finalement vraiment plus méchante que par son tarif prétentieux, affiché à 111 710 €, auquel il faut désormais ajouter quelques 50 000 € de malus. Ça commence à faire cher ! Trop. En tout cas, cette RS4 ne justifie aucunement son appellation « Compétition », qui tient ici purement de l’argumentaire marketing. Pour bénéficier d’un break beaucoup plus performant, c’est désormais chez BMW que cela se passe, avec la nouvelle M3 Touring. Mais Compétition ou pas, la RS4 séduit toujours par son confort, sa réelle polyvalence et son très haut niveau de sécurité. Une alchimie qui a fait ses preuves, et franchement, une RS4 « normale » suffira amplement à se faire plaisir, le « pack Compétition » réservé à la France étant facturé 13 300€… ce qui fait objectivement cher pour quelques éléments en carbone, une paire de belles jantes et une vitesse maxi relevée à 290 km/h.

On aime

Ligne générale
Qualité de construction
Performances élevées
Polyvalence rare

On aime moins

Fausse « Compétition » !
Performances inchangées
Trop d’options trop chères
Malus assassin

Audi RS4 « Compétition »

Moteur : 6 cyl. en V, 2894 cm3, inj.directe et biturbo
Puissance (ch à tr/mn) : 450 à 5700
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 612 de 1900 à 5000
Transmission : intégrale quattro, boîte Tiptronic à 8 rapports
Freinage : 4 disques ventilés (carbone-céramique en option)
Dimensions L x l x h (m) : 4,78 x 1,86 x 1,40
Poids à vide (kg) : 1820
Pneus : 275/30 ZR 20
Vitesse maxi (km/h) : 290
0 à 100 km/h (sec.) : 4,1