Audi SQ8 e-tron, Du neuf avec du vieux
S’il y a bien des objets dont l’obsolescence est rapide, ce sont ceux intégrant les dernières technologies, comme nos Smartphones ou… nos voitures électriques ! Bien que récent, le gros SUV Audi e-tron a donc droit à bien plus qu’un restylage. Il change de nom pour devenir Q8 e-tron et reçoit des batteries à plus grande capacité pour améliorer son autonomie…
Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud
En bref
Premier restylage de l’e-tron
Nouveau nom « Q8 e-tron »
Nouvelle batterie de 114 kWh
Puissance de 408 ch pour « 55 e-tron » et 503 ch sur SQ8
Version Sportback facturée 2600 € de plus
On a tous le droit de se tromper. Mais faire deux fois la même erreur est… fâcheux ! C’est pourtant ce que vient de faire Audi qui ne semble pas avoir retenu les leçons du passé. En effet, il y a plus de 40 ans, la marque aux anneaux lançait la révolutionnaire « quattro », un patronyme qui s’est, entre-temps, largement généralisé sur toute la gamme. Avec son premier modèle électrique, appelé sobrement « e-tron », Audi commet à nouveau la même boulette, l’obligeant à l’occasion de ce premier restylage à lui donner le nom de Q8… même s’il en existe déjà un dans la gamme, mais complétement différent, et de surcroît en thermique !
Au-delà de ce rétropédalage cocasse, qui risque de dérouter plus d’un client, le grand Q8 e-tron (4m91) adopte une identité revue, avec un nouveau logo en 2D façon « écran plat » (comme dernièrement chez Renault), et surtout des batteries plus efficaces, offrant plus d’autonomie, nerf de la guerre des voitures électriques. Pour l’e-tron, ce n’était pas un luxe, la première version se révélant incapable de parcourir plus de 300 km avec une charge dès que l’on roule hors des villes. La puissance augmente aussi, mais également les prix, puisqu’il débute désormais à partir de… 86 700 € avec la « petite » version « 50 e-tron » de 339 ch, dotée d’une batterie de 95 kWh (contre 71 kWh précédemment). Soit près de 8000 € de plus qu’auparavant, ce qui n’est pas rien, surtout que cet onéreux SUV n’a droit à aucun bonus. Est-ce justifié pour autant ? Réponse à travers ce premier contact, réalisé avec la version de pointe SQ8 Sportback, sur les routes de Lanzarote…
Presque inchangé sur la forme
Avant, après 6 ans de carrière, une bonne vieille voiture thermique se contentait d’un simple restylage pour rajeunir son aspect, avec l’introduction d’un moteur amélioré. Mais à l’échelle d’une voiture électrique, 6 ans représentent une éternité ! C’est ce que l’on se dit en voyant les progrès accomplis par le SUV e-tron, première Audi électrique, rebaptisée pour les circonstances Q8 e-tron. Pour gagner en cohérence, sachez que les chiffres pairs seront à l’avenir réservés aux modèles électriques, ce qui laisse présager que le « vrai » Q8, roulant avec des blocs thermiques, prenne bientôt le patronyme de Q9. Côté style, les habitués de la première mouture ne seront pas dépaysés, et il est vrai que ce grand SUV de 4m91 de long a toujours été assez séduisant sur la forme, en restant assez proche d’une « voiture normale » équipée d’un bon vieux bloc thermique.
Le design évolue donc finalement assez peu, en se limitant à une calandre redessinée intégrant un bandeau lumineux sur sa partie supérieure, avec au centre la mise en avant d’un nouveau logo 2D, et des optiques modifiées. L’aérodynamisme en profite pour gagner 0,1 point de Cx, tombant ainsi de 0,28 à 0,27 pour la version break (et même 0,24 en Sportback), ce qui profite toujours à l’autonomie. Nous avons par ailleurs noté l’introduction de moyeux de jantes qui laissent toujours le logo aux Anneaux bien à l’horizontale, un dispositif qui n’équipait jusqu’à présent que les récentes Rolls-Royce. Idem pour l’intérieur, lui aussi très proche de la première version. Il se montre toujours aussi techno avec ses 3 écrans numériques principaux (un « cockpit virtuel » pour les compteurs, et deux autres en complément sur la console centrale dédié à l’info-divertissement et aux commandes de la ventilation). L’ensemble est complété par 2 petits écrans supplémentaires intégrés aux portières, pour assurer le rôle de rétroviseurs, grâce à l’usage de rétro-caméras optionnelles. D’après nous, mieux vaut rester aux classiques rétroviseurs, ce qui vous permettra d’économiser 1900 € ! Ce gadget permettrait néanmoins de gagner 7 km en autonomie, mais il s’avère peu intuitif à l’usage, notamment en manœuvre. C’est surtout « sous le capot » qu’il y a du neuf, avec notamment l’emploi de batteries de plus grande capacité.
Coup de jus !
Outre des trains roulants revus, pour gagner en dynamisme, le « petit » Q8 e-tron change sa batterie de 71 kWh au profit d’une de 89 kWh réels. La puissance, délivrée par 2 moteurs (un par essieu), passe ainsi de 313 à 339 ch, le couple faisant un bond de 540 à 664 Nm. Le gain le plus significatif concerne l’autonomie grâce à l’adoption de plus grosses batteries, en forte hausse, en gagnant carrément 172 km selon le constructeur. Audi annonce 491 km pour le Q8 « classique », la variante Sportback (+ 2600 €), mieux profilée, atteignant quant à elle 505 km. Voilà qui est plus satisfaisant, mais ces valeurs restent toujours bien théoriques, et ne tiennent pas compte de températures froides, faisant chuter drastiquement l’autonomie d’au moins 30% ! Il en va de même d’un trajet autoroutier, la vitesse restant un véritable ennemi pour les voitures électriques, si bien que même rouler à 130 km/h se révèle très énergivore. Conscient de ces problèmes inhérents aux voitures électriques, Audi, dans sa grande sagesse, a pris soin de nous convier à essayer son nouveau Q8 sous le ciel clément de Lanzarote, une île des Canaries. Là-bas il fait doux toute l’année, et il n’y a guère d’autoroutes. Et notre parcours n’excédant pas 200 km, aucun risque de panne !
Cela étant, ces progrès sensibles sur le plan de l’autonomie (à vérifier sur notre réseau routier) concernent par ailleurs toute la gamme, surtout les versions hautes. Pour y parvenir, Audi a sorti les grands moyens. La version intermédiaire « 55 » de 408 ch reçoit ainsi un énorme accumulateur de 106 kWh autorisant un rayon d’action de 582 km. Quant au dérivé sportif SQ8 de notre essai, doté de 3 moteurs (503 ch et 973 Nm !), il a droit à la même « pile ». Mais en étant plus puissant, il est forcément plus énergivore, et doit se contenter au mieux de 513 km dans cette version Sportback au style plus sportif (et 494 km pour la carrosserie break moins bien profilée). Enfin, difficile de parler de sportivité pour une enclume surélevée dont la masse affiche sans complexe quelques 2585 kg à vide ! C’est beaucoup, et pourtant ce SQ8 se révèle très agréable à conduire en toutes circonstances, y compris en le brusquant dans les virages. Audi a avoué avoir travaillé sur la direction, plus directe et informative, et il est vrai que l’implantation des batteries dans le plancher, aide naturellement à une bonne répartition des masses. Et en sélectionnant le mode « dynamic », le SQ8 gagne encore en consistance, sans pour autant pénaliser le confort, et ce, malgré la pose de grosses roues de 21 pouces.
C’est les watts qu’il préfère
Malgré son poids, ce mastodonte peut gratifier le conducteur de franches accélérations, son couple de remorqueur de 973 Nm aidant à propulser efficacement l’ensemble. Très efficacement même, le SQ8 effaçant l’exercice du 0 à 100 km/h en seulement 4,5 secondes, la vitesse maximale restant bridée à 210 km/h pour préserver un rayon d’action acceptable. Malgré ce beau tempérament, on y réfléchit à deux fois avant de « mettre les watts », ce Q8 e-tron se montrant assez gourmand en énergie. Pourtant, faute de voies rapides, nous sommes restés assez sages sur l’accélérateur, ce qui n’a pas empêché notre engin survolté de consommer de 26 à 30 kWh, ce qui ramènerait l’autonomie générale à un plus réaliste 350 km. C’est mieux qu’avec l’ancienne mouture, mais pas de quoi crier victoire… Au moins, en acceptant désormais 170 kW en charge rapide DC, les arrêts « à la pompe » deviennent plus brefs, puisqu’il faut désormais compter 30 minutes pour passer de 10 à 80% de charge. C’est pas mal, mais des concurrents moins prestigieux (comme Kia avec son EV6) font mieux.
Plus puissants, plus efficients, ce Q8 e-tron est hélas aussi victime d’une inflation impactant ses prix. Clairement, rouler en familiale électrique reste limité à une élite fortunée, et ce n’est pas demain que chacun pourra accéder à ce genre d’engin « propre » que l’on cherche à nous imposer, la rare concurrence directe (Mercedes EQE et BMW iX) ne faisant guère mieux. Ce Q8 à pile débute désormais à 86 700 €, contre 78 800 € auparavant… Et pour ce prix déjà rondelet, Audi continue d’abuser en proposant par exemple toujours l’affichage tête haute en option, à 1650 €. Honteux ! La version 55 commence bien plus cher, en s’affichant à partir de 96 200 €. Quant au SQ8 de notre essai, il perd le sens des réalités en naviguant à de très hautes altitudes : comptez 119 900 €, ce qui devient vraiment cher, très cher même, pour un véhicule familial à l’autonomie encore trop limitée.
L’avis d’Avus
Le premier e-tron a montré la voie, mais présentait à ce niveau de prix vraiment peu d’intérêt. D’ailleurs, excepté quelques pays nordiques (avec la Norvège en tête de file), où le pouvoir d’achat et les aides accordées aux véhicules électriques sont très supérieures à la France, il faut avouer que cet Audi e-tron ne rencontre pas un grand succès, tant il se fait rare sur nos routes. En se faisant Q8 e-tron, le résultat est plus satisfaisant, mais cela ne transfigure en rien cet engin à l’utilité discutable, surtout à ce niveau de prix où on est en droit d’être très exigeant. Rappelons que la raison d’être d’une grande familiale est de pouvoir emmener sa famille sur de longues distances, chose devenant une aventure avec un engin au rayon d’action limité. On trouve franchement bien mieux pour nettement moins cher, y compris chez Audi, en se tournant par exemple vers une bonne vieille A6 Avant quattro !
On aime
Qualité de fabrication
Concentré de hautes technologies
Agrément de conduite
Autonomie en hausse
Insonorisation
On aime moins
Prix dissuasif
Options nombreuses et chères
Rétro-caméras peu intuitives
Consommation élevée
Autonomie réelle toujours trop juste
Poids trop élevé
Caractéristiques techniques : Audi SQ8 e-tron
Moteur : 3 moteurs électriques asynchrones (1 à l’avant, 2 derrière)
Batterie : lithium-ion 104 kWh utiles
Puissance (ch) : 503
Couple (Nm) : 973 µ
Transmission : aux 4 roues (quattro)
Boîte : boîte auto
Freins : 4 disques ventilés
Pneumatiques (AV/AR) : 265/45 R 21
L x l x h (m) : 4,91 x 1,98 x 1,62
Coffre (litres) : 615
Poids à vide (kg) : 2585
0 à 100 km/h (sec) : 4,5
Vitesse maxi (km/h) : 210
Rejets de CO2 (g/km) : 0