Cette super-sportive a bien l’aspect d’une R8 Mk1, les accélérations d’une R8, la saveur d’une R8… sauf qu’elle ne consomme pas une seule goutte de carburant ! Un miracle rendu possible par la fée électricité, Audi ayant exploré cette voie en petite série dès 2014. Un prélude aux modèles « e-tron » que nous connaissons…
Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud
En bref
Version électrique de la R8 Mk1
Puissance maxi disponible : 388 ch (280 kW), couple de 820 Nm
Performances : 0 à 100 km/h en 4,2 sec / 200 km/h (bride électronique)
Autonomie : 160 km en conduite sportive
BMW voulait être le premier constructeur à commercialiser une sportive électrique avec sa spectaculaire i8, lancée en avril 2014. Mais la marque à l’hélice s’est fait coiffer au poteau par Audi, qui a dégainé cette surprenante R8 électrifiée dès le mois de janvier. Mais en toute petite série… Grâce à ses moteurs électriques embarqués, la R8 e-tron, c’est son nom, développe l’équivalent de 388 de nos bons vieux chevaux vapeur (280 kW), soit bien assez pour propulser la belle de 0 à 100 km/h en 4,2 secondes. Propulsée est le mot qui convient car, contrairement à la toute première R8 e-tron présentée en 2009, qui était une quattro (et qui est restée un proto !), cette R8 e-tron « cru 2014 » est une pure propulsion, ce qui reste comme une première chez Audi sur un modèle routier. Mais ce choix est bien justifié par le gain de poids important réalisé de 200 kg !
D’ailleurs, pour optimiser l’autonomie, la chasse au kilo superflu vire ici à l’obsession, y compris sur des pièces à priori anodines. Ainsi, la barre stabilisatrice est un hybride d’aluminium et de fibres, permettant de gagner 35% de poids par rapport à l’acier. Les moyeux des roues sont par ailleurs en titane forgé, autorisant cette fois un gain de 10,6 kg. Quant aux ressorts hélicoïdaux, ils ne pèsent chacun que 1,19 kg pièce, car ils sont en… plastique ! Les pneus verts « eContact », signés Continental, spécialement développés pour la R8 e-tron, ont été eux-aussi soumis au régime « light », puisqu’ils font, chacun, l’économie de 8 kg comparé à une enveloppe classique. Et tout est pensé comme ça, jusqu’à la coque intégralement composée de carbone, qui ne pèse que 199 kg, soit 23 kg de moins qu’une classique R8 en aluminium (ASF).
Car contrairement aux apparences, sur les quelques 6000 pièces qui composent la R8 e-tron, seules 6 sont… communes à la première R8 de série ! Logique, dans la mesure où l’exclusive R8 e-tron a été conçue à partir d’une feuille blanche, et surtout autour d’une énorme batterie lithium-ion en « T » de 2m35 de long, placée du cockpit jusque sur l’essieu arrière. Elle stocke bien sûr l’énergie (48,6 kWh), mais elle participe directement à la structure de la voiture, en faisant également office de châssis-poutre, comme sur une Lotus ou Alpine. Selon Audi, la rigidité serait ainsi deux fois supérieure à celle d’une R8 « normale » ! Seul bémol : c’est une véritable enclume ! Elle pèse, à elle seule, 577 kg (avec le dispositif anticollision), soit près d’un tiers des 1780 kg de l’ensemble ! Semblable à un gros mille-feuilles, composé de 530 cellules prismatiques plates (mises au point par le japonais Sanyo), cette batterie qui paraît aujourd’hui techniquement bien dépassée a pourtant bénéficié à l’époque de toutes les attentions, la première préoccupation et difficulté étant son refroidissement. Ainsi, plusieurs centaines de mètres de canalisations assurent, en permanence, la circulation de l’eau dans un serpentin en circuit fermé, afin de maintenir sa température idéalement à 25-30° C. Il faut bien tout cela, car la belle possède suffisamment d’atouts pour faire grimper la température de votre corps, bien au-delà…
Laboratoire d’idées
La grosse « pile » située derrière le cockpit distribue son énergie à deux moteurs électriques synchrones à excitation permanente signés par le spécialiste Sitec (engagé à l’époque en F1), placés tous les deux sur l’essieu arrière. Ils peuvent travailler indépendamment… ou de concert. Son « torque-vectoring », semblable à un différentiel, répartit sur un claquement de doigt, automatiquement, le couple entre les roues, afin d’accroître la mobilité dans les virages. Avec 58% du poids présent sur l’arrière, la tendance au survirage est en effet naturellement bien marquée, rendant la conduite plus ludique. Et en ligne droite, c’est gaz à fond, avec une distribution identique sur chaque roue. Avec pas moins de 46,8 kWh disponibles, la R8 e-tron autorise une autonomie qui fait aujourd’hui sourire : seulement 215 km en cycle européen, et plutôt 160 km en conduite sportive. Cela semble bien peu (et c’est le cas !), mais selon Audi, l’usage d’une telle sportive « plaisir » étant d’abord purement « récréatif », cela reste suffisant pour se défouler sur un circuit. Un plaisir qui fut réserver à une poignée de clients triés sur le volet, car au moment de commercialiser en série son bolide électrique courant 2014, Audi s’est finalement ravisé après en avoir assemblé une bonne douzaine.
Mais cette sportive d’un nouveau genre n’a pas pour autant été un exercice gratuit resté sans lendemain. Cette R8 e-tron aura été d’abord un véritable laboratoire high-tech, destiné à valider des idées que l’on retrouve bel et bien sur des modèles de série. Sauf que, comme pour les Smart Phones, la technologie évolue bien vite ! Et avec le recul, cette R8 ultra high-tech apparaît aujourd’hui comme terriblement dépassée. Pourtant, la conception de cette R8 électrifiée a mobilisé à l’époque jusqu’à 70 personnes à temps plein, rattachées à une cellule spéciale au sein d’Audi. Certaines innovations, testées d’abord avec succès en endurance sur le prototype R18 e-tron quattro, équipent ainsi cette R8 e-tron. C’est le cas du système « Amoled », qui remplace le traditionnel rétroviseur intérieur.
Une petite caméra filme fidèlement ce qui se passe derrière, et elle restitue l’image sur un écran numérique à haute résolution qui fait office de rétro intérieur. Mine de rien, grâce à cet affichage organique d’un nouveau genre, aux contrastes saisissants, voilà un gain de 30% en énergie, comparé à un classique écran LCD. Et on retrouve un système comparable sur les rétro caméras proposées sur le SUV e-tron. Bien sûr, contrairement à une bonne vieille R8 V8 ou V10, qui ne réclame que quelques minutes pour ravitailler, « refaire le plein » de la R8 e-tron est bien plus contraignant. Comptez, au mieux, une heure sur une borne de recharge rapide spécifique, et près de 12 heures sur le secteur ! Sur ce point, la technologie n’a guère évolué. Rouler « branché » impose bien des contraintes…
Sans boire, ni fumer
J’ai de la chance : « ma » R8 e-tron est chargée à bloc, prête à partir. A la mise sous tension, le tableau de bord s’illumine, donnant au cockpit des airs de vaisseau spatial. A la place du traditionnel compte-tours, prend place un inédit « power-meter » affichant une « zone verte », où il est conseillé de rester le plus possible pour prolonger l’autonomie. L’aiguille navigue volontiers dans cette zone lorsque l’on roule sur des œufs, à vitesse stabilisée sous les 80 km/h, ou lors des freinages, ce qui permet de récupérer de l’énergie. Boîte automatique calée sur « D », ma R8 e-tron s’élance tel le Croiseur Interstellaire de l’Empire dans « La Guerre des Etoiles », accompagnée par un léger bourdonnement, pour le moins inhabituel. Me voilà plongé dans un « monde du silence », entre cosmos et grands fonds, qui n’aurait pas déplu au regretté Commandant Cousteau ! En conduisant une telle voiture, on se prend un moment au jeu, en adoptant une « éco-conduite », afin de préserver au maximum les batteries. Il faut dire que l’angoisse de la « panne sèche » est réelle, et comme avec toute voiture électrique, on a le désagréable sentiment de rouler avec un fil à la patte. Heureusement, le plaisir de conduite, bien réel lui aussi, aide momentanément à oublier ce désagrément.
Au levé de pied, le frein-moteur est juste sidérant, assurant un niveau de récupération très élevé, en produisant des décélérations pouvant atteindre jusqu’à 0,3 g ! Du coup, freiner devient presque inutile… du moins lorsque l’on roule sagement. Bon, l’éco-conduite, c’est sympa 5 minutes, mais e-tron ou pas, cette Audi est d’abord une R8, donc, gaz ! Accélérer à fond provoque une poussée instantanée, sans rupture de charge, l’ensemble des 820 Nm de couple étant disponible immédiatement. A partir de 50 km/h, les petits flaps intégrés dans les roues, commandés par la force centrifuge, se referment comme des pétales, réduisant ainsi la résistance à l’air de 0,02 (Cx de 0,27). C’est toujours ça de gagné, et l’accélération est suffisamment convaincante pour donner le sourire (0 à 100 km/h en 4,2 sec). Au-delà des 100 km/h, ma « navette intergalactique » passe dans une autre dimension, les seuls sons perceptibles étant les bruits de roulement des pneus, et l’air qui glisse sur le fuselage.
Sûr, ça change des vocalises du V8 ou du V10 qui habituellement grogne derrière les oreilles du conducteur. Mais le plus jouissif est le comportement enjoué de cette R8, libérée de toute traction au niveau du train avant. En attaquant à pleine vitesse un virage, l’arrière « enroule » ainsi bien volontiers, et n’hésite pas à glisser à la demande, en provoquant une belle dérive du popotin. Comme sur une R8 RWD proposée, depuis, en vente libre ! L’écran de commande du MMI servant au GPS, indique que ma conduite n’a rien de politiquement correct, et je vois mon autonomie dégringoler plus vite que la cote de popularité de notre cher Président dans les sondages. Si cela continue, je vais trouver du pétrole : un comble pour une voiture électrique !
L’avis d’Avus
Le temps a certes été bien cruel avec cette R8 « à pile », mais elle reste le témoin d’une époque pas si lointaine où Audi se posait en pionnier dans l’électrification d’une voiture, avant le désastre du dieselgate. Complètement dépassée sur le plan de l’autonomie, cette méconnue R8 e-tron n’en demeure pas moins une auto à la ligne toujours aussi sexy, et elle offre des saveurs à la conduite inconnues sur ses sœurs thermiques. Si elle est restée dans la confidentialité, on peut dire qu’elle a eu, depuis, des petits, sa fille directe étant l’e-tron GT RS… en attendant une troisième génération de R8, qui sera, elle aussi, électrifiée.
On aime
Ligne préservée
Cockpit futuriste et ergonomique
Accélérations !
Comportement
On n’aime moins
Introuvable !
Autonomie ridicule
Temps de recharge longs
Prix probablement prohibitif
Technique Audi R8 e-tron 2014
Moteur : 2 blocs électriques synchrones à excitation permanente Sitec
Alimentation : batterie Sitec en « T » au lithium-ion de 577 kg
Puissance : 2 x 190 ch (140 kW)
Couple maxi : 2 x 410 Nm (820 Nm en cumulé)
Capacité de la batterie : 48,6 kWh
Autonomie (cycle européen) : 215 km
Autonomie en conduite sportive : 160 km
Cx de 0,27
Dimensions (L x l x h) en m : 4,43 x 2,02 x 1,25Empattement : 2,65
Poids à vide (kg) : 1780
0 à 100 km/h (sec) : 4,2
Vitesse maxi (km/h) : 200 (bridée électroniquement)