Basiquement, l’éclairage de nos automobiles sert à voir et à être vu. Mais Audi, toujours à la pointe de la technologie, va bien plus loin, en ajoutant des fonctionnalités souvent inédites. Cet article devrait éclairer votre lanterne…
Par Thomas Riaud, photos DR
Si certains équipements automobiles ont peu évolué en l’espace de 30-40 ans, comme les essuie-glaces par exemple, ce n’est pas le cas des phares, qui ont connu une évolution perpétuelle en l’espace d’une centaine d’années. En 1903, quelques autos se dotent, pour la première fois, de lampes à pétrole, à vrai dire plus faites pour être vu que pour voir ! En 1920, l’invention de l’ampoule donne une autre dimension aux phares, qui vont bénéficier sans cesse d’améliorations constantes. Notamment jusqu’en 1994, où le xénon fait son apparition, puis 2004, où Audi innove en lançant en première mondiale les LED à diurne sur son A8 W12 du moment, son vaisseau amiral servant régulièrement de vitrine pour le constructeur. Voilà une belle trouvaille fidèle au slogan « l’avance par la technologie », permettant de donner une véritable identité visuelle aux voitures, même de jour. Un dispositif repris par tous les constructeurs depuis… En 2013 Audi, encore et toujours avec sa nouvelle génération d’A8, se distingue cette fois en intégrant des phares adaptatifs Matrix LED. Là encore, voilà une technologie fantastique, permettant d’éclairer fort et loin sans éblouir les autres, grâce à un « séquençage » du faisceau lumineux, qui s’éteint partiellement automatiquement de lui-même lorsqu’il détecte une voiture face à lui, pour la laisser dans l’ombre, en ligne droite comme en virage.
L’année suivante, en 2014, Audi adapte pour la première fois à un modèle de série la technologie laser testée avec succès en course, en LMP1 aux 24 H du Mans. C’est la supercar R8 LMX qui en bénéficie, et depuis, cette technologie se voit proposée sur quelques autos haut de gamme ! En 2016, le TT RS a quant à lui droit pour la première fois à des feux dotés d’OLED, des LEDS organiques permettant d’éclairer fort sans éblouir, tout en débridant l’audace des designers tant ces éléments, extra-fins, peuvent prendre toutes les formes souhaitées. Fin 2021, grâce à la digitalisation permettant d’animer les phares, la fonction « coming home » fait son apparition, sur la dernière A8 restylée, en projetant cette fois une séquence d’accueil ou d’au revoir animée sur un mur !
Pas moins de 4 signatures dynamiques sont à choisir, ou différents scénarios lumineux, qui s’activent dès l’ouverture des portes, grâce à des millions de pixels intégrés dans les phares. Un « gadget », sans réelle utilité, qui va bientôt devenir vraiment pertinent en affichant sur le sol en temps réel des informations utiles au conducteur, comme la direction à suivre enregistrée par le GPS, où un message d’alerte sous forme de flash, à un piéton qui serait tenté de traverser. Oui, à l’instar des clignotants dynamiques qui indiquent plus clairement là où vous allez tourner (une autre technologie inaugurée par Audi !), les optiques vont communiquer de plus en plus avec le monde extérieur… si le législateur l’autorise. Et ce n’est là qu’un début… Direction l’usine Audi d’Ingolstadt, pour rencontrer l’équipe en charge des optiques, prête à éclairer nos lumières.
Regardez-moi dans les yeux, j’ai dit dans les yeux !
Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si les phares concentrent autant d’attention, tant chez les équipementiers (Valeo, Bosch, Delphi…) que chez les constructeurs, car d’un point de vue « anthropomorphique », il est aisé de comparer la proue d’une voiture avec un visage, et les optiques à des yeux. D’ailleurs, Peugeot ne tarissait pas d’éloge sur sa nouvelle 504, en comparant ses phares biseautés au regard profond de… Sophia Loren, ce qui a eu à l’époque le don d’agacer l’intéressée ! Dès lors, on comprend mieux pourquoi les phares ont une importance aussi capitale pour Audi, qui a carrément créé un département à part constitué d’une quinzaine de personnes, dirigé par César Muntada. Ce grand designer a une vue pour le moins décalée et poétique des choses, lui qui affirme avec justesse que « le monde est rempli de lumière, et que le futur premium est de mettre cette lumière en mouvement, tout en gardant à l’esprit que l’être humain doit rester au centre de nos préoccupations ». Et il nous apprend à raisonner de façon plus pertinente, sous un autre angle, en prenant l’exemple d’un reflet sur une vitre, qui est pourtant invisible depuis l’intérieur. Forcément, en étant très sensible aux formes, César compare les optiques à « des sculptures » et pour lui, il ne fait aucun doute qu’un dialogue va s’établir entre le numérique et diverses technologies grâce au design. Vaste programme !
Aujourd’hui, Audi développe de nouvelles interactions entre l’auto et son environnement direct, sans perdre de vue des possibilités de personnalisation, chacun pouvant désormais choisir une signature visuelle prédéfinie, comme l’autorise la nouvelle A8. Un point crucial pour la marque aux Anneaux, pour qui identifier de nuit une Audi reste essentiel, cela contribuant à donner un vrai caractère à chaque modèle, tout en soulignant sa largeur. Et nous n’avons encore rien vu ! Pour Audi, l’expérience lumineuse commence dès l’extérieur de la voiture et, à l’ouverture des portes, elle doit se prolonger à l’intérieur. C’est vrai que, grâce aux fibres optiques, tous les possibles animent la créativité des stylistes, paraissant sans limite ! Les lumières d’ambiance donnent vraiment un autre aspect de nuit à nos habitacles, avec en prime la possibilité de choisir sa couleur préférée. Mais les phares vont aussi servir encore plus la sécurité active, en déroulant un véritable « tapis de lumière » sur la route à suivre. Ce n’est pas de la science-fiction, puisque lors de mon passage, j’ai pu prendre en main une bonne heure durant une nouvelle A8 équipée de cette technologie prometteuse, pour l’éprouver de nuit sur les routes forestières environnantes. Le résultat est juste bluffant d’efficacité !
Des idées… lumineuses
Mais « l’avance par la technologie » chère à Audi est sans cesse remise en question par les progrès… technologiques, notamment les avancées incroyables faites dans le domaine de la miniaturisation. Aujourd’hui, s’il semble acquis que la technologie des LED et OLED va s’installer durablement dans nos optiques, celle-ci permettant d’habiller de grandes surfaces, tout en contenant le poids (une LED organique fait 500 nanomètres d’épaisseur !), la consommation d’énergie et en renforçant l’aspect « premium » recherché. Et cette technologie presque sans limite permet au designer de segmenter un feu, à l’instar de ceux présents sur l’A8, composés de 48 zones activables individuellement, mais aussi de jouer sur l’intensité lumineuse. La miniaturisation et le doublement des capacités des micro-processeurs, voilà les éléments clef des nombreuses évolutions sérieuses à venir. Ou déjà disponibles. C’est le cas des tous nouveaux phares dotés de la technologie « Digital Matrix LED headlight » (introduits, une fois encore, sur le très haut de gamme A8 restylé), qui disposent de fonctions numériques inédites. Elles sont rendues possible grâce à une puce révolutionnaire (développée par Texas Instrument), qui nous fait entrer dans l’infiniment petit… et nous donne le vertige ! A peine plus grosse et épaisse qu’une puce équipant nos cartes bancaires, celle-ci comprend un million trois-cent mille miroirs (oui, vous avez bien lu, 1,3 million !), pouvant basculer sur les 2 pans jusqu’à 5 fois par seconde, pour corriger les éventuels soubresauts dû au relief de la route. Chaque miroir à la taille de 8 microns, c’est-à-dire 10 fois plus petit qu’un… cheveu humain.
Le phare devient alors une véritable usine à gaz, en intégrant comme dans nos ordinateurs un système de refroidissement, le tout étant piloté par une unité de contrôle qui gère tout. Celle-ci est l’interface indispensable pour recueillir les données fournies par le GPS, le MMI, le scanner balayant la route, la caméra de vision nocturne, le système de reconnaissance des panneaux et le laser LIDAR et faire remonter les informations jusqu’au phare. Cette unité communique en permanence avec la voiture, plusieurs fois par seconde, du moins avec ses capteurs dynamiques pour éventuellement corriger un angle, le cabrage ou le roulis. Pas étonnant que le prix de nos voitures grimpe en flèche… et le coût des réparations en cas de sinistre !
Bien sûr, le défi est que ce surplus de fonctions reste parfaitement compréhensible et assimilable par tous, comme les informations projetées dans le pare-brise avec l’affichage tête haute. Pour Audi, la lumière et les signaux envoyés ont l’avantage énorme d’être un langage universel, compréhensible par tous. Mais cela implique de hiérarchiser les informations, et Audi se demande encore s’il est plus pertinent de les projeter à même la route, devant la voiture, où plutôt au niveau du poste de conduite, uniquement à l’attention du conducteur pour ne pas perturber les passagers. Là encore, il n’est pas impossible que le législateur s’en mêle en imposant sa vision des choses. Il y a urgence, car ça phosphore dur chez Audi (et probablement chez ses concurrents !), avec l’envie de développer le « car to x », c’est-à-dire une communication interactive entre les véhicules (déclencher des signaux d’alerte si un véhicule s’approche trop près par exemple). César Muntada n’en fait pas mystère, et m’assure « vouloir multiplier par 10 sur les futurs modèles les zones activables pour avoir plus de liberté, plus de possibilité » !
César Muntada imagine de futurs modèles dont l’arrière sera constitué d’un vaste bandeau numérique lumineux composé d’OLED, pouvant communiquer avec le monde extérieur, passage obligé vers la conduite autonome de niveau 4. Et tout cela de façon toujours plus fine, la résolution devant doubler dans un avenir proche, sans oublier les multiples effets tridimensionnels rendus possibles. Mieux, les OLED peuvent aussi désormais se courber, ce qui renforce le pouvoir créatif des designers, qui vont même jusqu’à imaginer « déborder » sur la carrosserie. Mais si César a des possibilités presque sans limite sur un concept-car, il a parfaitement conscience qu’il faut aussi poser des limites, pour ne pas surcharger le style… où l’espace public ! Une chose est sûre : nous ne sommes pas au bout de nos surprises, et la technologie avant-gardiste d’Audi n’a pas fini de nous éblouir…