50 ans d’Audi 80
Née au début des années 70, l’Audi 80 s’est rapidement imposée comme une surdouée, au point d’écraser la catégorie dans les années 80-90. A l’occasion de ses 50 ans, retour sur le parcours de cette petite Audi avant-gardiste capable de grandes choses, devenue un vrai best-seller…
Par Jack Seller, photos Thomas Riaud et Avus
Lorsque Volkswagen a relancé Audi en 1965, c’était d’abord par opportunisme économique, pour proposer une alternative face aux Ford et Opel du moment, en motorisant à bon compte une antique DKW F102 avec un plus moderne 4 cylindres refroidi par eau, mis au point par… Mercedes. Ainsi est née la première Audi 60, une berline de moyen de gamme sans charme particulier, mais qui se distinguait déjà par sa qualité de fabrication. Le vrai départ de la marque aux anneaux se fera en 1968, avec la commercialisation de la grosse Audi 100, une berline plus imposante pétrie de qualités, développée dans le plus grand secret par les ingénieurs de la marque, au nez et à la barbe de Volkswagen ! C’est vraiment l’acte fondateur de l’envol d’Audi. Car passé un moment de colère légitime, face à la qualité de la 100, les dirigeants de VW se sont sentis obligés de donner leur accord pour une mise en production.
Audi fera même coup double, en déclinant sa nouveauté en un très élégant coupé, la 100S. Cette paisible GT ne brille pas par sa sportivité, mais elle contribue à donner une image valorisante de la marque, et à asseoir un peu plus Audi sur le marché du premium. Pour poursuivre ce bel élan, Audi décide de lancer un modèle plus petit pour occuper le segment « B », et donner enfin une remplaçante à l’antique 60. Cette fois, pas question de faire de la récup’ : il s’agit de partir d’une feuille blanche, et de développer une auto inédite répondant aux aspirations plus premium de la marque. Développée en interne sous le nom de code « B1 » (qui servira à désigner la première génération), avec Ludwig Kraus aux manettes, l’Audi 80 est finalement présentée en 1972. C’était il y a 50 ans : le début d’un souffle nouveau à Ingolstadt !
Audi 80 B1 : la millionnaire
Avec la première 80 « B1 » dévoilée en juillet 1972, Audi joue la carte de la rupture malgré une silhouette assez classique. Cette rupture commence déjà avec le style signé Harmut Warkuss, celui-ci étant déjà anguleux. Il préfigure un design qui va se faire toujours plus « carré » dans les années 80 à venir, avec des surfaces et des volumes clairs et nets. C’est sobre, de bon goût, sans esbrouffe, et on sent qu’il est fait pour durer, au-delà des modes. Et au-delà du temps qui passe, sa structure à déformation progressive et sa carrosserie bénéficiant d’un moderne traitement anti-corrosion. Mais c’est surtout la conception même de la voiture – et son process industriel – qui lui permet de se distinguer de la concurrence… et de prendre une sacrée longueur d’avance ! Le fameux slogan « Vorsprung durch Technik » prend ses racines ici !
La 80 aura été une voiture providentielle, arrivée au bon moment, juste avant le choc pétrolier de 1973. Un concours de circonstances lui permettant de s’octroyer le titre convoité de « voiture de l’année 1973 », et de connaître une belle carrière à l’export, et ce, jusqu’aux USA, en étant vendue sous le nom de « Fox ». Il est vrai que sa conception légère (835 kg en coach 2 portes) et compacte (4m18), sera un atout clé pour obtenir naturellement des consommations maîtrisées, et ce, malgré une dotation réservée habituellement aux modèles haut de gamme (repose-têtes aux sièges avant, lunette arrière dégivrante…). Mais il serait juste de ne pas non plus occulter son moderne et compact moteur 4 cylindres, doté d’une commande des soupapes par arbre à cames en tête avec entraînement par courroie crantée. Avec une cylindrée variant de 1.3 à 1.6, et une puissance allant de 55 à 100 ch, l’Audi 80 balaie un large spectre et séduit une clientèle aux attentes variées.
Ce moteur développé par l’ingénieur Franz Hauk et son équipe, en avance sur son temps, deviendra l’un des plus produits par le groupe Volkswagen. Le comportement routier mérite lui aussi des éloges, grâce notamment à l’adoption de jambes de force McPherson et des triangles. Mieux, elle adopte pour la première fois un rayon de roulis de direction négatif, permettant de gagner sensiblement en stabilité au freinage. Des solutions techniques efficaces qui seront reprises, avec le principe de la construction modulaire, sur le futur Coupé GT et la révolutionnaire Ur quattro. Ce comportement exemplaire donnera des idées à certains, pour développer à partir d’octobre 1975 une version plus pointue équipée d’une moderne injection, la GTE, reconnaissable à sa calandre 4 phares plus agressive. Ce 1.6i de 110 ch donnera des ailes à l’Audi 80… et sera à l’origine d’une certaine Golf GTI, lancée l’année suivante, en 1976 ! Le succès de la 80 est tel qu’outre l’usine Audi d’Ingolstadt, les sites VW d’Emden et de Wolfsburg sont mis à contribution. Produite jusqu’à l’été 1978, l’Audi 80 « B1 » aura été écoulée à plus d’un million d’exemplaires !
Audi 80 « B2 » : le traitement de choc du bon Dr Piëch
Lorsque le génial Ferdinand Piëch prend les reines du bureau d’études Audi en 1976, la 80 est arrivée à mi-carrière, et il faut déjà imaginer celle qui va lui succéder. Pour capitaliser sur le succès de la première mouture, décision est prise de conserver le nom, bien établi dans l’esprit du grand public. Réactualisée sur le plan du style par Giorgetto Giugiaro, elle creuse un peu plus le sillon de sa devancière en se faisant davantage carrée, en gagnant notamment des blocs optiques rectangulaires. Si la carrosserie berline s’octroie la majorité des ventes, la version coach demeure disponible, mais reste limitée à certains marchés. Fidèle à sa stratégie de tirer Audi vers le haut, Piëch va avoir l’excellente idée de décliner la 80 « B2 » en la proposant en une inédite version quattro (avec système Torsen), qui offre alors un comportement de référence, encore jamais vu dans la catégorie… ni ailleurs !
Côté motorisations, Audi propose une vaste gamme disponible en boîte manuelle à 4 ou 5 rapports (et une automatique à 3 vitesses), couplés à des 4 cylindres allant de 1.3 litres à 1.8 litres (112 ch). Mais pour justifier son positionnement « premium », l’Audi 80 va bien plus loin, en adoptant aussi le 5 cylindres 2,1 litres du coupé GT, cette dernière version de pointe (livrée avec le quattro) disposant d’une puissance plus que confortable (136 ch), lui permettant de dépasser les 200 km/h chrono (202 km/h). Les gros rouleurs ne sont pas non plus oubliés, avec l’introduction d’une inédite version 1.6 turbodiesel de 70 ch (non importée en France). A l’occasion du restylage de 1984, Audi confirme sa montée en gamme en déclinant sa 80 en variante « 90 », en fait identique sur la forme, sauf que cette dernière se réserve les finitions les plus luxueuses et les blocs 5 cylindres (2.0 de 115 ch et 2.1 de 136 ch). Vrai succès commercial, y compris aux USA (sous le nom d’Audi 4000 !), l’Audi 80 B2 sera déclinée en coupé (GT). La berline B2 sera commercialisée jusqu’en 1987.
Audi 80 « B3 » : manifeste du bio-design
Présentée au cours de l’été 1986, la 80 « B3 » se place en rupture totale avec sa devancière. Les années 90 se profilent, avec le triomphe du « bio-design », un style inspiré des formes naturelles qui se distingue par ses rondeurs, porté par de nombreux modèles populaires, à commencer par Ford qui osera passer le cap avec sa première Sierra. Audi ne fait pas exception, et encouragé par l’excellente aérodynamique offerte par sa berline 100 du moment (C3), le constructeur fait de même sur sa 80 de troisième génération. Métamorphosée, la nouvelle 80 brille par son style moderne et sa carrosserie profilée permettant d’obtenir un Cx record de 0,29, gage d’une consommation encore plus maîtrisée. Au chapitre des innovations, l’Audi 80 B3 bénéficie d’un traitement intégral de la carrosserie par galvanisation, lui permettant d’offrir une garantie anticorrosion, encore jamais vue, de 10 ans. Toujours à la recherche d’une sécurité optimale, Audi intègre l’avant-gardiste système Procon-Ten, permettant à la colonne de direction de se rétracter en cas de crash frontal. Un dispositif efficace, mais qui ne survivra pas à la généralisation de l’Airbag.
Et pour enfoncer le clou, la nouvelle Audi 80/90 « B3 » se décline également en version quattro (137 ch), une particularité technique encore rare dans la catégorie (BMW emboitera le pas avec sa Série 3 « iX »). A contrario, on assiste aussi à l’explosion du diesel, qui gagne ses lettres d’or à travers les versions TDI, réputées pour leur extrême sobriété. Cette somme de qualités permettra à cette génération de 80, bonifiée sur tous les plans, d’être très bien accueillie par la presse, au point de terminer sur le podium à la seconde place de l’élection de la voiture de l’année 1987. Et comme son aïeule, Audi déclinera sa berline compacte phare en un élégant coupé, nommé… Coupé ! Un coupé doté d’une plateforme renforcée et de trains roulants spécifiques, qui servira de base au développement d’un inédit cabriolet, commercialisé sur la 4ème génération (B4).
Audi 80 « B4 » : pour finir en beauté
Pour capitaliser sur le succès de la B3, Audi se limite à faire évoluer cette fois doucement le style, ce qui permet aussi de ne pas démoder trop vite la version précédente. Sur la forme, malgré de nombreuses différences (dont la calandre intégrée au capot comme sur la grosse 100 C4), elle reste très proche de sa devancière. Une stratégie permettant aux Audi, sorte de valeur sûre, de conserver une bonne valeur résiduelle en occasion, autre pilier de la stratégie premium du constructeur. Pourtant, les évolutions sont nombreuses, avec un allongement de l’empattement de 8 cm au bénéficie de l’habitabilité, et la greffe d’un train arrière inédit. Et l’intérieur affiche une finition parfaite, encore jamais vue dans la catégorie. Pour accompagner cette montée en gamme, Audi multiplie les versions « tendances », en la déclinant dès 1992 la 80 en un séduisant cabriolet (dérivé techniquement de la génération précédente B3), et en un coupé toujours plus sportif (S2 avec 5 cylindres 2.2 de 220 ch, proposé aussi avec les autres carrosseries). Si un 1.9 TDI de 90 ch trouve un large public, outre le 5 cylindres, Audi implante aussi sur son cabriolet pour tirer la gamme vers le haut un noble V6 2.6 et 2.8 litres. Mais le coup de génie sera de porter le break Avant au plus haut niveau, en faisant de cette déclinaison une version chic et branchée. Et très sportive, en se faisant RS2 dès 1994 grâce à la collaboration de Porsche, qui poussera le 5 cylindres turbo Audi à 315 ch, le tout couplé à une boîte manuelle à 6 rapports.
Un modèle équipé naturellement du quattro devenu désormais culte, qui a lancé la mode du break sportif. Un genre bien singulier devenu la spécialité d’Audi, qui a depuis eu de nombreux petits (RS4 et RS6) ! Pour accompagner la fin de carrière de sa 80 B4, également brillante en compétition (SuperTourisme), Audi va multiplier les séries spéciales. Outre la série « Compétition » de 140 ch construite à 2500 exemplaires pour satisfaire l’engagement en compétition (DTM), qui reprend le kit carrosserie de la S2, Audi va proposer une plus bourgeoise version « Design Edition », proposée cette fois avec le seul 1.9 TDI. Véritable concentré des valeurs Audi, la petite 80 a bien tout d’une grande, et aura largement contribuée à l’essor de la marque aux Anneaux. En 1995, Audi poursuit sa métamorphose, ce qui passe par le changement de la nomenclature de ses modèles, l’A4 prenant le relais de la 80 B4. Aujourd’hui on en est à la 9ème génération (B9), et quelques 12,5 millions d’exemplaires auront été produits à ce jour, dont plus de 4,5 millions de modèles 80 toutes générations confondues. Une vraie success-story !