Audi S8 V10 : Bipolaire
Côté pile, on a une opulente limousine, un monstre de luxe, de raffinement et de technologie. Côté face, on a en revanche une vraie furie mécanique, qui fonce au tempo de son V10 Lamborghini. Bienvenue à bord de l’Audi S8 la plus bipolaire de tous les temps…
Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud
En bref
Seconde mouture d’Audi A8
Génération « Type D3 » (2003 – 2010)
Version S8, moteur V10 Lamborghini 5.2 FSI 450 ch
Cote 2022 : 35 000 €
Chez Audi, après l’éphémère V8 apparu en 1988, le très haut de gamme est incarné dès 1994 par l’A8, un modèle vitrine pour le constructeur, qui concentre tout son savoir-faire technologique, la plus grande innovation restant sa fameuse structure ASF en aluminium (Audi Space Frame), un procédé d’avant-garde toujours en vigueur. Justement, au moment où Audi présente son A8 de quatrième génération restylée, il nous paraissait opportun de regarder dans le rétroviseur, pour revenir sur la génération qui reste, d’après nous, l’une des plus belles et intéressantes. Il s’agit de la « Type D3 » (l’Audi V8 étant considérée comme la D1), autrement dit l’A8 de seconde génération. Commercialisée à partir de 2003, celle-ci creuse davantage le sillon de sa devancière en se présentant, elle aussi, comme une grande et classique berline tricorps à la carrosserie lisse et épurée, et ce, jusqu’aux feux arrière affleurants. Dès la première génération, cette rivale directe des BMW Série 7 et autres Mercedes Classe S va vite s’attirer les faveurs d’une clientèle plus jeune et dynamique, séduite tant par cet aspect moderne, que par le contenu technologique, de très haut niveau.
Un contenu d’une richesse incroyable qui sera sans cesse remis au goût du jour. Y compris le contenant d’ailleurs… Justement, à partir de 2006, l’A8 bénéficie d’un restylage qui voit la calandre Singleframe s’imposer massivement sur toute la face avant, façon Auto Union de course des Années 30, pour mieux affirmer l’identité Audi. Un bonheur n’arrivant jamais seul, la gamme A8 s’enrichit de la sportive version S8, déjà introduite sur la génération précédente (340 ch). Le mot « sportive » n’est en rien usurpé dans la mesure où jamais on n’a encore vu dans cette catégorie l’association entre une carrosserie tout en aluminium, forcément plus légère et rigide qu’un modèle identique en acier, avec un puissant moteur V8 et une transmission intégrale quattro. Un tiercé gagnant imparable qui va, pour les circonstances, être reconduit et encore amélioré. Comment ? En glissant sous le long capot un… V10 d’origine Lamborghini pardi !
Breztel sauce Bolonaise
Ce mariage inattendu n’a rien d’incohérent dans la mesure où Audi est devenu propriétaire de la célèbre officine italienne à partir de 1998. Et pour mettre judicieusement à profit cet achat, et gagner à bon compte rapidement en image de marque, rien de tel qu’une mécanique endiablée, propre à transformer n’importe quelle grosse berline bourgeoise en sportive survitaminée. En 2006, la berlinette bankable de Lamborghini est la Gallardo, et c’est donc vers son fantastique moteur que les ingénieurs allemands se tournent. Un V10 5.2 FSI (injection directe d’essence), doté d’une cascade de pignons en guise de distribution, qui passe de position centrale arrière sur l’italienne, à position longitudinale avant sur l’allemande. Bien sûr, pour garantir une fiabilité à toute épreuve et respecter une certaine hiérarchie avec Lamborghini, la puissance est ramenée à « seulement » 450 ch, soit exactement comme sur la première RS6. Sauf qu’il n’est pas question ici de la moindre suralimentation, ce magnifique V10 atmosphérique à 40 soupapes étant 100% « bio », à aspiration, avec la rare faculté à gravir le compte-tours jusqu’à plus de 7000 tr/mn. Que du bonheur !
A toute vite « S » !
Sur la forme, on pourrait presque passer à côté de cette imposante berline de 5m06 sans même la remarquer, s’il n’y avait ces quelques détails qui interpellent. C’est notamment le cas des sublimes jantes de 20 pouces, mais aussi des coques en aluminium brossé ou des 4 sorties d’échappement. Et si les inscriptions « S8 » visibles sur la calandre ou le coffre restent relativement discrètes, on marque naturellement un léger temps d’arrêt en découvrant le plus inattendu logo « V10 », apposé sur les ailes avant. Forcément, voilà un détail qui en dit long sur les prétentions de la bête ! L’intérieur ne laisse rien transparaître non plus, excepté une finition irréprochable, avec des assemblages frôlant la perfection. Et quel espace, l’empattement de 2m94 assurant une excellente habitabilité tant devant que derrière. Le cuir bi-ton et des pièces en aluminium véritable se disputent chaque centimètre carré, et la touche de sportivité étant ici suggérée par la présence d’appliques en carbone. Ce n’est pas que pour faire joli, dans la mesure où la lecture des tachymètres à aiguilles blanches confirmant les velléités de cette S8, avec un compte-tours dont la zone rouge démarre à plus de 7000 tr/mn, le compteur de vitesse étant gradué jusqu’à 300 km/h. La voiture étant bêtement bridée électroniquement à 250 km/h, voilà qui laisse une marge confortable.
Mais plus que la vitesse maximale, ce qui étonne le plus à bord d’une S8 est la facilité déconcertante avec laquelle on y arrive. Quelques indices devraient pourtant me mettre la puce à l’oreille… Contact mis, la S8 laisse échapper un son rauque et caverneux caractéristique d’une grosse cylindrée bien que celui-ci demeure, standing oblige, relativement discret. Sélecteur de la boîte Tiptronic à 6 rapports calé sur « D », notre S8 cache encore bien son jeu. Mais à la première franche accélération, la boîte tombe un, voire deux rapports, réveillant le monstre qui sommeille sous le capot. La S8 bondit, ses 4 roues motrices semblant faire plisser le bitume, les 450 ch passant au sol sans la moindre déperdition. Sans être « collé » au fond des larges sièges, on est saisi par la force de la poussée, constante dès l’accélération, les 540 Nm de couple permettant à ce mastodonte de plier l’exercice du 0 à 100 km/h en à peine 5 secondes. Pas mal du tout pour un tel carrosse de plus de 5 mètres de long frôlant les 2 tonnes à vide. Et même si les disques en carbone-céramique n’étaient pas encore disponibles, force est de reconnaître que ceux en acier de 380 mm avec étriers fixes à 4 pistons (et 356 mm à l’arrière), donnent pleinement satisfaction pour ralentir efficacement l’équipage. Vu la vitesse où les virages arrivent, c’est mieux ! Certes, on n’en attendait pas moins d’une voiture vendue minimum en neuf, à l’époque, quelques 110 750 €, soit près de 140 000 € aujourd’hui, en comptant l’inflation. C’est cher, mais en cette heureuse époque, pas si lointaine, on ne venait pas honteusement vous soutirer au nom de l’écologie une taxe supplémentaire, celle-ci atteignant 40 000 € aujourd’hui, sur une telle voiture…
L’avis d’Avus
C’est un fait, cette Audi S8 de seconde génération est une limousine de classe. Et de chasse, son fantastique V10 Lamborghini lui donnant tout son sel. Jamais une A8 n’a été élevée à un tel rang, et il est hélas presque acquis que, jamais plus, on ne verra un aussi improbable croisement, entre une berline de prestige et une authentique voiture de course. Un savoureux antagonisme qui donne à cette Audi bipolaire, plus qu’attachante, une saveur incomparable. Attention, l’essayer, c’est l’adopter !
On aime
Style sobre et élégant
Qualité de fabrication évidente
Moteur mélodieux et incroyable
Efficacité diabolique
Performances très élevées
On aime moins
Piège à permis !
Coûts d’entretien élevés
Caractéristiques techniques : Audi S8 V10 (2008)
Moteur : 10 cylindres en V, injection directe, 40 soupapes, 5204 cm3
Puissance (ch à tr/mn) : 450 à 7 000
Couple (Nm à tr/mn) : 540 à 3 500
Transmission : aux 4 roues (quattro)
Boîte : automatique Tiptronic à 6 rapports
Freins : 4 disques acier (ventilés à l’avant et à l’arrière)
L x l x h (m) : 5,06 / 1,89 / 1,44
Coffre (litres) : 500
Réservoir (litres) : 90
Poids à vide (kg) : 1940
Pneus : 265/35 R 20
0 à 100 km/h (sec) : 5,1
Vitesse maxi (km/h) : 250