Audi 80 Supertourisme : Agence Tourisme !

Après ses sacres en rallye, Audi Sport s’est aventuré sur d’autres terrains, dans d’autres disciplines avec d’autres voitures. Parmi ces épopées mécaniques, on se souvient plus particulièrement en France du Supertourisme au tout début des années 90. Nous avons approché une survivante de cette période marquante…

Par Jack Seller, photos Thomas Riaud

En bref
Audi 80 Supertourisme 1992
Modèle victorieux en France en 1991, 1992, 1993
Moteur 4 cylindres 2.0 turbo 8v
Puissance : 400 ch à 8000 tr/mn

Ferdinand Piëch savait, peut-être mieux que quiconque depuis son expérience acquise chez Porsche, l’importance que revêtait un engagement en compétition au plus haut niveau pour promouvoir une marque, un modèle ou une innovation. Au tout début des années 80, il y a encore un peu de tout ça dans le cas de la jeune marque Audi, même si le constructeur aux anneaux bénéficie déjà d’une bonne image grâce à ses multiples victoires et titres glanés en rallye, en Groupe B, avec la mythique Ur quattro. Malgré un palmarès long comme le bras, tout ceci ne constitue au final qu’une entrée en la matière, l’ogre Piëch ayant pour ambition de continuer à marquer à la culotte tant Mercedes que BMW.

Y compris dans d’autres disciplines, se disputant désormais sur circuit. Si, en Allemagne, il existe le DTM mettant en lice les principaux constructeurs, en France, l’équivalence se nomme Supertourisme (appelé autrefois « Production »). Les voitures éligibles, forcément identiques sur la forme à celles de la grande série, doivent avoir été produites à au moins 25 000 exemplaires. Un impératif qui concerne bien sûr l’Audi 80 de quatrième génération qui nous intéresse ici, qui bénéficiera par ailleurs à cette occasion du lancement d’une série limitée baptisée « Compétition ».

Mais il y a parfois plus efficace que la vente d’une série spéciale pour vendre un modèle. Justement, pour promouvoir la nouvelle et ambitieuse berline 80 « B4 », mais aussi la transmission intégrale quattro, Audi France, alors très actif à l’époque (contrairement à aujourd’hui !), engage dès 1989 pas moins de 3 voitures, pour tenir tête aux redoutables… Mercedes 190 2.5 16S et BMW M3. Et oui : en Allemagne, comme en France et partout dans le monde, la bataille entre ces éternels rivaux fait rage. Mais pas avec les mêmes armes… même si le règlement édicté alors à l’époque par la FIA, essaye de mettre chaque constructeur sur un pied d’égalité. Afin d’équilibrer au mieux les débats – et rendre les courses vraiment intéressantes pour cette discipline alors très populaire, il est impératif que le châssis n’excède pas les 4m20, tandis que le moteur se limite à 2 litres de cylindrée pour un régime maximum de 9000 tr/mn.

Solide comme un Roc

Par ailleurs, que les voitures engagées soient des tractions, des propulsions ou, comme ici, des transmissions intégrales, un handicap de poids est imposé, en fonction de la longueur des ponts retenue. Evidemment, Audi France étant un importateur n’ayant aucune connaissance particulière en matière de conception de voiture de courses, leur préparation est confiée au Roc, une écurie hautement qualifiée dans ce domaine qui s’est déjà illustrée précédemment chez Audi en préparant notamment, dès 1987, des grosses berlines 200 quattro. Des autos qui se sont déjà très positivement distinguées, ce qui est de bon augure pour la suite…   

Cet exceptionnel exemplaire présenté dans ce reportage réalisé sur le circuit de Nevers Magny-Cours, peint aux couleurs de Pioneer, fait partie de ces anciennes Audi préparées par le Roc. Il est issu, comme bien souvent, des riches réserves du Roc Racing Historic, notre club partenaire depuis nos débuts, soit plus de 12 ans maintenant ! Il s’agit d’un modèle de 1990, reconditionné selon les spécificités du règlement de 1992. Et pour compléter la dream-team de l’époque, composée de Marc Sourd et Xavier Lapierre, cet exemplaire au riche palmarès a été confié aux mains tout aussi expertes de Frank Biela, un pilote qui comptera beaucoup dans la riche histoire d’Audi Sport (y compris au Mans). Sur la forme, malgré la présence d’un impressionnant kit aérodynamique comprenant des boucliers et jupes spécifiques, mais aussi un énorme aileron indispensable pour donner de l’appui, on reconnait l’Audi 80 « Type B4 » déjà adepte, comme sa devancière, de formes douces et rondouillardes, en rupture complète avec celles des modèles précédents.

Mais cette carrosserie n’est finalement qu’un trompe-l’œil, une voiture de Supertourisme n’ayant plus grand-chose à voir avec le modèle de série. Malgré une carrosserie composée majoritairement de carbone kevlar, fixée à un châssis tubulaire aussi léger que rigide, la voiture pèse quelques 1099 kg à vide. Cela parait peu, mais cela en faisait pourtant la plus lourde du plateau comparativement aux 980 kg revendiqués par les BMW et Mercedes. La faute à la présence de la transmission intégrale quattro, une spécificité propre à Audi qui ne se révèle pas vraiment utile sur le sec, mais en revanche déterminante sur surface humide et glissante. Un atout de poids qui a malgré tout contraint le Roc à traquer le moindre kilo superflu, partout où cela pouvait être possible.

Jour de tonnerre

Ainsi, l’intérieur, dépouillé à l’extrême, se limite à une planche de bord « compétition » comportant le minimum réglementaire dont un coupe-circuit, un tachymètre pour surveiller le régime moteur (zone rouge à 8500 tr/mn), et un autre pour la pression du turbo. De petits compteurs supplémentaires, indispensables pour surveiller la température et pression d’huile, complètent le tableau. Pour finir le tour du propriétaire, il convient de mentionner la présence d’un robuste arceau-cage (rendu obligatoire par le règlement), et deux sièges baquet Recaro, ultra allégés, puisque ne pesant que 2,5 kg chacun ! Enfin, pour optimiser la sécurité, outre la présence de 2 extincteurs, chaque siège est muni d’un harnais 6 points, et les vitres sont équipées de filets, ceci afin de minimiser et retenir les corps dans l’habitacle en cas de collision violente. Vu comment je suis saucissonné dans le baquet passager, je ne risque pas d’être éjecté ! Norbert appuie sur quelques commutateurs, puis lance la mécanique. Quel moteur !

Voilà le genre de 4 pattes qui donne tout son sens à l’expression « moteur à explosion ». Première enclenchée, Norbert se lance sur la pite-lane, puis écrase rageusement l’accélérateur à la sortie des stands. Avec un gros turbo KKK soufflant à 2,25 bars, la poussée est du genre plus que franche et instantanée, mais « pas pire » qu’à bord d’une R8 V10, signe que, aujourd’hui, avec les progrès technologiques, le client n’est pas volé chez Audi. Cela étant dit, je n’avais encore jamais vu une berline Audi 80 filer comme ça, avec autant de conviction. Il est vrai qu’avec 400 ch délivrés à 8000 tr/mn, il y a ce qu’il faut pour se satelliser dans le paysage. Mais plus que les accélérations, c’est surtout le freinage, mais aussi les passages en courbes, qui ont de quoi étonner. Agrippée comme un chat les griffes plantées dans de la moquette, cette 80 Supertourisme a le don de se métamorphoser en centrifugeuse, mettant à rude épreuve pilote et copilote. Enfin, « sac de sable » serait le mot le plus juste dans le cas présent, puisque je me laisse porter, en me contentant d’apprécier ce moment magique. C’est de retour au stand, moteur coupé et en sortant de cette étuve surchauffée, que je peux enfin échanger quelques impressions avec Norbert. « C’est une vraie voiture de course, toujours aussi géniale et efficace à piloter, d’abord parce qu’elle est légère. C’est pour cet ensemble de qualités qu’elle gagnait tout à l’époque ».

Mais à partir de 1993, la FIA impose un changement de règlement, rendant les voitures moins performantes… et les courses moins « viriles ». Terminé les gros kits aérodynamiques et les puissances élevées flirtant avec les 400 ch. Cette fois, les voitures engagées sur les plateaux ressemblent vraiment de très près aux modèles de série (ce qui n’est pas faux dans la mesure où elles adoptent les mêmes coques en acier), et les puissances chutent drastiquement de 400 à 272 ch. Une baisse de régime notable qui n’empêchera pourtant pas Audi de briller, une fois encore, au plus haut niveau, Frank Biela remportant le Championnat. Devant Mercedes et BMW évidemment…

Mille mercis à Norbert Clément, du Roc Racing Historic (tel : 01 45 57 51), pour sa participation et la mise à disposition de sa sublime Audi 80 Supertourisme sur le circuit de Magny-Cours afin de réaliser ce reportage !

 

On aime

Voiture culte !
Vraie voiture de course
Gueule incroyable
Performances- efficacité
Qualité de construction

 

On aime moins

Hyper rare
Pièces spécifiques introuvables
Prix décourageant…

 

Caractéristiques techniques : Audi 80 Supertourisme 1992

Moteur : 4 cylindres en ligne, 8v, turbo KKK, 1988 cm3
Puissance (ch à tr/mn) : 400 à 8000
Couple maxi (Nm) : 320
Transmission : aux 4 roues (quattro)
Boîte mécanique Ricardo à 5 rapports
Freinage AV / AR : disques ventilés à l’avant et à l’arrière 350 mm
Pneus : 240/675-19 Dunlop
Dimensions (L x l x h) : 4m45 x 1m71 x 1m34
Poids à vide (kg) : 1099
Performances
Vitesse maxi (km/h) : 230 environ (selon pont)