A la fin des années 60, la jeune marque Audi brille par son absence d’image de marque, une donnée pourtant fondamentale pour conquérir une nouvelle clientèle. Pour gagner en notoriété, Audi s’émancipe en lançant cet élégant Coupé 100 S…
Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud
En bref
Premier coupé Audi
Base technique Audi 100
Moteur 1.8 115 ch
Production : 30 687 exemplaires de 1969 à 1976
En 1965, Volkswagen souhaite monter en gamme en faisant revivre Audi, marque disparue avant-guerre qui n’évoque plus grand-chose à grand monde. Les débuts sont pour le moins modestes, puisque Volkswagen se contente de rebadger, à bon compte, de 4 anneaux, l’antique DKW F102 (une marque d’Auto Union), motorisée par un antédiluvien 3 cylindres 2 temps. Ainsi nait l’insipide et « nouvelle » Audi 60L, bien construite et tout de même plus fréquentable que la DKW avec son inédit et rassurant 4 cylindres 4 temps (mis au point initialement par… Mercedes !).
Mais il faut avouer que cette traction avant, archi-classique de conception, manque singulièrement de sex-appeal, chose gênante pour un produit de conquête ayant pour ambition de chasser sur les terres de Ford, Opel… et NSU. La jeune marque aux anneaux a encore tout à prouver, chose qu’elle fera en développant en interne, dans le plus grand secret, une grande routière inédite. Ce sera l’ambitieuse et plus élégante Audi 100, présentée à Ingolstadt aux patrons de Volkswagen, qui tombent du haut de l’armoire en la découvrant.
Style anglo-italien
Une fois une colère bien légitime passée, l’ensemble paraît si séduisant qu’ils donnent leur accord pour une commercialisation qui intervient dès novembre 1968. Pour Audi, c’est un premier pas décisif vers l’indépendance vis-à-vis de Volkswagen, sauf qu’une berline statutaire n’a rien de très excitant pour séduire l’amateur de grosse cylindrée. Mais en cette belle époque encore portée sur les performances, chacun y va de son coupé populaire. C’est ainsi qu’Audi dévoile opportunément, au Salon de Francfort 1969, le très joli Coupé 100 S. Bien que basé sur un châssis de berline 100, raccourci pour l’occasion de 115 mm, ce coupé fast-back possède une forte personnalité, quoique bien ancrée dans son époque avec son avant identique à la berline avec ses 4 phares ronds, ses lignes tendues et ses persiennes en guise de custode.
Retirez les 4 anneaux flanqués sur la calandre noir mat grillagée, et vous avez une vue presque fidèle d’un coupé Fiat Dino, surtout sur notre sublime exemplaire de 1973 doté de jantes optionnelles Oscam renforçant son aspect sportif ! Quant à l’arrière tronqué, d’une sobriété exemplaire, il évoque quant à lui plutôt l’Aston Martin DBS avec ses fins feux horizontaux. Avouez qu’il y a pire comme références ! Malheureusement, la jolie Audi Coupé 100 S n’a pas droit, comme ses consœurs italiennes et anglaises, à une noble mécanique à la hauteur de sa plastique ravageuse. Son allure dynamique tranche avec le caractère placide de son moteur, cette Audi étant une GT sans grand tempérament, qui préfère de loin les balades tranquilles en famille qu’exploser le chronomètre. Audi a dû faire le choix de la raison et des économies sur ce point. Il est vrai qu’en adoptant le 4 cylindres en ligne de la 100, un placide 1.8 de 115 ch alimenté par 2 carburateurs Solex, il ne peut en être autrement. Et à partir de 1971, c’est encore pire : Audi fait du downsizing avant l’heure, en ôtant un carburateur, ce qui abaisse la puissance à 112 ch !
Le plumage, pas le ramage
Cela reste peu, mais à l’époque, dépasser le seuil magique des 100 équidés n’était pas si courant ! Sans être laborieuses pour autant, les reprises n’ont rien d’exceptionnelles (0 à 100 km/h en 11,5 sec), rançon d’une construction sérieuse, ce qui se ressent sur le poids, pour le moins élevé pour un coupé (1100 kg). Mais grâce à une bonne aérodynamique et une boîte à 4 rapports au guidage sans faille qui « tire long », les 185 km/h en pointe sont envisageables (sur autobahn). Si le coupé 100 S n’a rien de sportif, chose qui s’entend aussi « à l’oreille », il se distingue néanmoins par son confort et son habitabilité, remarquables pour 4 adultes. Bon nombre de coupés récents n’en offrent pas autant, y compris au niveau du coffre !
Cette grande GT de 4m39 de long sait en effet recevoir, et fait même preuve de convivialité avec ses boiseries appliquées avec soin sur la planche de bord et les contre-portes. La position de conduite est très bonne et l’instrumentation, complète, apparaît comme le seul véritable luxe proposé par ce coupé bourgeois à la finition déjà avantageuse, les équipements électriques brillants par leur absence, malgré un prix de vente rondelet à l’époque fixé à 25 950 Francs. Dommage que, sur route, cette Audi peine à provoquer le plaisir… Mis à part le confort, excellent, et un comportement sans surprise, la conduite n’a rien d’enjouée sur cette traction avant saine mais dénuée de tout panache. La direction est du genre « insistée » à faible allure tandis que les freins (à tambours à l’arrière) manquent, au contraire, d’un peu de consistance dans l’effort.
C’est en même temps tout cela qui participe au charme désuet de l’élégant Coupé 100 S, produit tout de même à plus de 30 000 exemplaires jusqu’en 1976. Une année charnière qui voit l’arrivée, à la tête d’Audi, d’un certain Ferdinand Piëch. Lui aussi songera à donner à la marque aux anneaux un coupé valorisant porteur d’image, mais bien plus ambitieux pour aller chasser sur les terres de BMW et Mercedes. Ce futur coupé, vraiment sportif cette fois, sera novateur avec sa transmission intégrale et son 5 cylindres turbo, et verra le jour en 1980 sous le nom d’Audi quattro. Plus qu’une aventure, c’est le début d’une véritable « Audissée » !
L’avis d’Avus
On n’achète donc pas le 100S Coupé pour vivre le grand frisson mécanique. Pour ça il existe l’Ur quattro, et les modèles RS. En revanche, question charme, ce coupé, très typé seventies, se pose là, et mérite réflexion. Car non content d’être original, il offre aussi une belle polyvalence et une fiabilité au-dessus du lot. Mais dépêchez-vous d’acheter, car depuis quelques années maintenant, les prix ne cessent de monter… et c’est justifié !
Mille mercis à Mr Coste du Roc Racing Historic (01 39 53 27 10) pour sa confiance et sa disponibilité.
On aime
Ligne superbe
Qualité de construction
Fiabilité d’ensemble
4 vraie places et un grand coffre !
On aime moins
Rare en bel état
Performances quelconques
Pièces spécifiques introuvables
Cote en forte hausse !
Caractéristiques techniques : Audi 100 S Coupé (1974)
Moteur : 4 cylindres en ligne, 1871 cm3
Alimentation : carburateur Solex double corps
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 112 ch à 5800
Transmission : roues avant, boîte mécanique à 4 rapports
Suspension AV : double triangulation, ressorts hélicoïdaux
Suspension AR : essieu rigide, barre Panhard, bras longitudinaux, barres de torsion
Freins : Disques pleins (av), tambours (ar)
Dimensions L x l x h (m) : 4,40 x 1,75 x 1,34
Poids (kg) : 1100
Pneus : 185/70 HR 14
Vitesse maxi (km/h) : 185 km/h
0 à 100 km/h (sec) : 11,5
Cote en 2022 : 40 000 euros (parfait état)