NSU 1000 TTS : Au nom du mythe
Avant d’être une marque de voitures, NSU a d’abord été un constructeur de motos réputées, avec lesquelles il s’est illustré à la terrible course du Tourist Trophy, le « TT ». Un nom mythique qui s’est d’emblée imposé pour baptiser sa petite sportive…
Par Jack Seller, photos Thomas Riaud
Après la seconde guerre mondiale, l’heure n’est plus aux voitures de prestige, mais aux restrictions en tout genre, boostant ainsi naturellement les modèles populaires, plus économiques à fabriquer et plus abordables. D’ailleurs, presque chaque pays européen y va de son best-seller. En Grande-Bretagne, la petite Morris Minor, ancêtre de la Mini, s’impose en force et, en Italie, la Fiat 500 et le scooter Vespa motorisent les foules, tandis que les français redécouvrent les joies de la mobilité avec les modestes Solex, Citroën 2CV et Renault 4CV. En Allemagne de l’Ouest, la problématique est identique, et bien que divisé le pays reprend le chemin des Autobahn en Volkswagen Coccinelle… et en NSU.
D’abord avec des 2 roues essentiellement, une spécialité de ce constructeur, connu et reconnu pour la qualité de ses motos. Jusque sur la lointaine île de Man, où NSU s’est maintes et maintes fois illustré durant la redoutable course du Tourist Trophy, qui se dispute sur des routes étroites habituellement ouvertes à la circulation. Au milieu des années 50, porté par la frénésie de consommation des 30 glorieuses, chacun sent que la classe moyenne gagne en pouvoir d’achat, ce qui ouvre quelques perspectives… Chez NSU, cela se concrétisera par le passage de 2 à 4 roues, avec l’apparition en 1958 de la lilliputienne Prinz. C’est un premier pas mais, inutile de préciser qu’avec son modeste bicylindres 583 cm3 de 20 ch, cet engin aux allures de voiture de manège est loin de revendiquer la moindre velléité sportive. Mais au fil des générations, la firme de Neckarsulm va appliquer à ses autos les recettes éprouvées, au plus haut niveau en compétition, sur ses motos…
De la moto à l’auto
Portée par une forte croissance et une demande soutenue des classes moyennes, la production automobile change rapidement de braquet. Les années 60 voient l’arrivée de modèles plus spacieux, plus cossus… et enfin performants. Mais pas toujours très innovants, surtout sur les petites autos. Si l’Angleterre montre la voie à suivre dès 1959 avec la révolutionnaire Austin Mini, qui a la géniale idée de placer son moteur transversalement à l’avant, nombre de constructeurs s’obstinent à conserver l’architecture du « tout à l’arrière », en restant de surcroît fidèles aux roues arrière motrices. C’est le cas de l’inoxydable VW Coccinelle, mais aussi de la Simca 1000, des Renault Dauphine et R8. Chez NSU, on suit également cette voie éprouvée, mais la Prinz 1 se voit adjoindre, à partir de février 1959, les services d’une Prinz 2. Bien qu’un peu plus grande et mieux équipée, la Prinz 2 reste une auto laborieuse dans l’âme, sa puissance étant limitée à 30 ch. Notre petite Prinz va heureusement gagner en maturité, et peu à peu s’émanciper au fil des générations.
Elle passe un vrai cap à partir de 1963, avec l’introduction de la Prinz 1000 (Type 67a) dotée d’une élégante carrosserie coach à 2 portes. Avec ses grands phares ovales, son toit plat, ses touches de chrome et ses petits feux ronds, elle se prend pour une américaine et évoque un peu la Chevrolet Corvair. Mais à l’échelle européenne ! Car avec une longueur totale portée à 3m79, plutôt respectable pour l’époque, cela lui permet tout juste de prendre pied sur le marché concurrentiel des berlines compactes à 5 places. Et, côté mécanique, NSU fait encore dans le très raisonnable, la version de base devant se contenter d’un modeste bicylindre refroidi par air de 1.0 litre de cylindrée (996 cm3), avec arbre à cames en tête tout de même, développant la puissance limitée de… 40 ch. Alors bien sûr, avec une vitesse de pointe limitée à 135 km/h et des reprises longues comme un jour sans pain, on ne peut guère encore parler de sportive. Mais cette « tout à l’arrière » affiche d’étonnantes dispositions pour s’encanailler, un vrai potentiel sportif laissant présager qu’il serait possible d’aller bien plus loin avec davantage de chevaux. Cette idée de concevoir une variante plus « couillue » fera peu à peu son chemin du côté de Neckarsulm, histoire de donner la réplique à une nouvelle génération de petites sportives, incarnées par les Mini Cooper, Simca 1000 Rallye et autres R8 Gordini.
Orange pressée !
C’est ainsi que NSU lancera en 1967 la « grosse » 1200 TT (65 à 73 ch selon version), ce nom, chargé de symboles forts pour la marque, évoquant bien sûr la célèbre course de motos du Tourist Trophy. En cette heureuse époque, où l’on pouvait « bombarder » en toute quiétude avec les copains sous la voûte ombragée des platanes de la N7, le look comptait presque autant que le moteur. Chez Austin, une Cooper se devait d’être rouge avec le toit blanc, avec de petites jantes Minilite, tandis que la Gord’ devait être bleue avec des bandes blanches. Chez NSU, le look ne tient pas forcément en une couleur, quoique beaucoup furent peintes en « orange targa », comme notre sublime modèle d’essai, une redoutable 1000 TTS de 1971. Si la cylindrée est ici réduite, c’est pour toucher un plus large public et satisfaire aux contraintes d’homologation pour courir dès 1969 en Maxi 1000, car la puissance avoisine toujours les 70 ch ! Et avouez que notre bombinette ne manque pas d’allure ! D’ailleurs, pour faire davantage « sport », NSU proposera quelques accessoires et modifications qui feront mouche. Ainsi, par rapport à la sage NSU 1000 de base, notre TTS se distingue par l’adoption d’une proue retravaillée, comprenant désormais 4 phares en lieu et place des simples optiques ovales, un radiateur d’huile additionnel venant prendre place aux avant-postes. L’arrière reste quant à lui inchangé avec ses 6 feux circulaires proéminents, semblables à de petites tuyères, exception faite d’un gros échappement visible sous le moteur, doté d’une sortie latérale.
Pour parfaire cette panoplie de la petite sportive idéale, notre « Gordini allemande », légèrement rabaissée, reçoit des jantes en alliage Gotti et s’équipe d’attaches spécifiques pour laisser le capot arrière entrouvert. Faut que ça respire ! Certains pouvaient même ajouter des rétroviseurs profilés de type obus peints en noir mat en complément, et bien plus si affinités, notamment dans la salle des machines ! Car NSU a prévu une excellente accessibilité à la mécanique, le tablier arrière s’ôtant facilement. Certains bricoleurs du dimanche s’en donneront à cœur joie, les TT engagées dans les nombreuses courses de voitures de tourisme, très populaires à l’époque, développant facilement bien au-delà de 100 ch. Rassurez-vous, avec « seulement » 70 ch d’origine, il y a déjà largement de quoi se faire plaisir, l’auto étant un véritable poids-plume limité à seulement 700 kg à vide, soit à peine plus qu’une Mini ! Et par rapport à une Mini, ce gros karting à empattement allongé, bénéficiant de surcroit d’une direction directe et de roues présentant un carrossage positif, sait aussi bien se tenir dans les courbes et plonger à la corde ! Bon, il faut s’accrocher au grand cerceau ou à la poignée présente côté copilote, les sièges d’origine offrant un maintien très relatif en appui. Mais force est de reconnaître que cet engin a tout d’un bon négociant en virage ! Et on peut y entrer vite, très vite même, ce petit moteur ayant la faculté rare d’approcher avec hargne les 7000 tr/mn, comme sur une moto… NSU ! Ce n’est pas un hasard si certains pilotes du nom de Larousse ou Darniche sauront voir en cette NSU un « outil » idéal pour en découdre en compétition. Sur les routes, comme sur circuits, le succès ne se fera pas attendre : sur 500 000 Prinz 4 produites, pas moins de 49 327 variantes TT seront vendues (dont 2400 versions TTS). La NSU TT ? C’est Trop Tentant !
On aime
Légende du rallye !
Fiabilité générale
Qualité de construction
Moteur incroyable
Comportement enjoué
Cote encore attractive
On aime moins
Pièces spécifiques rares
Peu de bons spécialistes
Délicate sur le mouillé
Niveau sonore élevé
Caractéristiques techniques : NSU 1000 TTS
Moteur : 4 cylindres en ligne refroidi par eau, 996 cm3
Alimentation : 2 carburateurs double corps
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 70 à 6150
Transmission : roues arrière, boîte mécanique à 4 rapports synchronisés
Suspension AV : roues indépendantes, double triangulation, barre antiroulis.
Suspension AR : roues indépendantes, triangles obliques, ressorts hélicoïdaux.
Freins : disques à l’avant, tambours à l’arrière
Dimensions (L x l x h) en m : 3,79 x 1,49 x 1,36
Empattement (m) : 2,25
Voies AV/AR (m) : 1,26 / 1,25
Poids (kg) : 700
Pneus (AV / AR) : 145 SR 13
Performances
Vitesse maxi (km/h) : 160
0 à 100 km/h (sec) : 12,5