Elle est d’un jaune profond, rayonne sur le monde des GT et sait vous réchauffer le cœur comme le ferait l’astre de feu. Nous voulons bien sûr parler de la R8 V10 Performance Spider, plus proche d’un « missile solaire » que d’une voiture…
Texte et photos Thomas Riaud
En bref
Version Spider de la R8 Performance
Moteur V10 5.2 de 620 ch
Performances : 0 à 100 km/h en 3,2 sec – 229 km/h
Prix : 227 380 € (à partir de)
Le confinement a parfois du bon. Comme celui de vider largement nos routes. C’est ainsi que pour « motif professionnel », je laisse sans regret Paris derrière moi et prends tranquillement la direction de la Loire Atlantique. Un « spot » suffisamment loin pour avoir un minimum de dépaysement et ramener de belles photos… et accessoirement assez éloigné pour bien profiter de cette R8 Spider, encore plus impressionnante qu’à l’accoutumée dans cette livrée « jaune Python ». Ah, la R8 ! Cela faisait un bon moment que je n’avais pas eu le loisir d’en conduire une. Et vous savez quoi ? Ca m’a manqué ! Mais quelle voiture mes amis ! D’ailleurs, pour Audi, cette auto est une sorte de marqueur, permettant de passer du statut de constructeur de voitures premium à celui de fabricant de supercar. Car avec, dans le dos, un fabuleux V10 5.2 litres de 620 ch dans cette version « Performance » (570 ch en « normal »), on navigue bien dans ces hautes sphères.
Ce moteur d’origine Lamborghini a ceci de fabuleux qu’il est l’un des derniers à être atmosphérique, privé de toute suralimentation gonflant artificiellement la puissance. Mieux, il n’y a ici même pas une petite hybridation légère pour l’épauler durant les phases d’accélérations, tout en abaissant les rejets de CO2. Ces satanés rejets ont tout de même obligé les ingénieurs d’Audi à intégrer un système de dépollution plus efficace, notamment en la présence d’un filtre à particules logé dans chaque échappement. Je ne suis pas convaincu que cela va sauver la banquise et les ours polaires mais une chose est sûre : le moteur ne se montre plus aussi généreux en décibels qu’auparavant, et c’est bien dommage. En contrepartie, cela me donne droit à une jolie vignette « Crit’Air 1 » placée sur le pare-brise (authentique !), mais je dois avouer que cet argument « vert » me laisse quelque peu de marbre.
Le cockpit offre une ergonomie optimale, et permet de faire corps avec cet engin au moteur diabolique.
On n’aime pas : on adore !
Casser la voix
Et j’ai beau tendre attentivement l’oreille, le compte n’y est pas (plus !) tout à fait. Bien sûr, tout est relatif, et si vous ne connaissez pas les R8 « d’avant », je suis convaincu que vous trouverez celle-ci parfaitement à votre goût et suffisamment communicative, notamment en basculant l’Audi drive select en mode « dynamic ». Et ce qui est génial avec ce Spider, par rapport au coupé, c’est qu’on peut rouler capoté, donc bien à l’abri des intempéries, mais en baissant juste la lunette arrière, histoire de profiter des vocalises du V10 en dolby-stéréo. Attention, c’est addictif, et l’envie de monter le volume se fait parfois irrésistible. Le mode d’emploi est alors très simple : il suffit d’écraser la pédale de droite !
La levée de la barrière de péage prend soudainement des allures de départ de Grand Prix. Sans la moindre perte de motricité, ni même de remontée parasite désagréable dans le volant, la R8 s’élance à l’assaut du long ruban asphalté. De 1000 à 3000 tr/mn, ça commence à pousser fort, mais on sent au démarrage une petite inertie passagère, le temps que la boîte Tiptronic à 7 rapports digère l’afflux de couple. Après, ça pousse de plus en plus fort, de façon exponentielle, à la manière d’un gros élastique tendu que l’on libère d’un coup ! De 3000 à 4500 tr/mn, on se sent comme écrasé dans les sièges baquets tendus de cuir, aussi confortables qu’enveloppants. Mais passé les 4500 tr/mn, on entre dans la « dimension R8 », avec une incroyable mise sur orbite, allant jusqu’à chatouiller rapidement les 8500 tr/mn, provoquant un bref clignotement du compte-tours, signe d’engager le rapport supérieur.
De profil, on se rend compte que la salle des machines occupe près du tiers de la longueur totale !
C’est qu’il y a 620 équidés à loger !
Citron pressé !
Les vitesses s’enchaînent à la volée (automatiquement ou au moyen des palets solidaires du volant), sans rupture de couple, et on se retrouve vite, très, très vite, à naviguer à des allures inavouables, propres à ridiculiser n’importe quelle Mégane RS (suivez mon regard). Et le plus fascinant est sans doute cette polyvalence à ce niveau de performance, l’auto étant capable de rouler au pas, discrètement et sans le moindre à-coup le long de la promenade de La Baule, ou même d’arsouiller comme une GTI sur la route sinueuse à souhait des marais salants de Guérande. Sa largeur n’est pas son meilleur atout, mais son équilibre et son absence de prise de roulis compensent largement. Quant au freinage, il donne l’impression de « jeter l’ancre ». En clair, cette GT ultra-efficace – bien que joueuse du train arrière – est un véritable outil ! Pourtant, là encore, désolé de casser l’ambiance, mais même si cette R8 capable de tutoyer les 330 km/h envoie du lourd, du très lourd même, il convient de relativiser car désormais, il existe bien plus performant sur le marché. Et tout aussi homogène. Essayez une McLaren 720 ou même la dernière Porsche 911 Turbo et on en reparle. En fait, il est regrettable que le dernier restylage, effectué en 2018, se soit limité uniquement à un replâtrage de l’avant, voulu plus agressif encore. Est-ce que la R8 avait besoin de ça ? Je vous laisse seul juge.
Ce V10 atmosphérique, le dernier du genre, justifie à lui seul l’achat de la R8, un monstre de puissance et de polyvalence, de surcroît facile à exploiter grâce au quattro.
Quoi qu’il en soit, restylée ou pas, elle reste toujours impressionnante en étant presque aussi large que basse. Et son profil taillé pour fendre l’air à « Mach 3 » est incroyable, avec un cockpit placé aux avant-postes, les deux-tiers du reste de l’auto étant réservés au V10, placé longitudinalement en position centrale arrière, comme sur tout pur-sang digne de ce nom. Et dans le détail, cette R8 subjugue, que ce soit avec ses multiples éléments en carbone véritable, ses phares laser ou encore ses disques en carbone-céramique, abrités par d’énormes jantes de 20 pouces (optionnelles). Quant à l’habitacle, à la finition irréprochable et très habitable pour 2 adultes, il n’a pas évolué d’un chouia… et c’est heureux ! Ici, on trouve point d’écrans numériques à profusion, de touches tactiles et d’aides à la conduite intrusives (comprenez par-là « pénibles » !). Excepté le fameux cockpit virtuel paramétrable, la R8 reste fidèle à de bons vieux boutons physiques, et cela nous va très bien comme ça. Mon préféré ? Celui qui est tout rouge, situé sur le volant, pour déclencher la mise à feu !
L’avis d’Avus
Pour récapituler, à ce niveau d’exception, les années qui passent sont cruelles. Il est en effet difficile de rester en haut de l’affiche, et cela fait déjà bien longtemps que la R8 s’est fait distancer par des rivales aux dents longues plus jeunes et bien plus performantes. A ces altitudes de prix, notre R8 étant affichée 227 380 € dans le cas présent (hors malus maximum de 30 000 €), c’est fâcheux, et ce d’autant plus que le logo Audi n’a le prestige ni de Ferrari ni même de Porsche. Cela étant posé, la R8 V10 Performance demeure une sorte de dinosaure, hélas en voie d’extinction, diablement attachant, la dernière de son espèce à proposer un gros moteur atmosphérique. Rien que pour ça, la plus latine des GT allemandes a encore toute sa place dans le monde des supercars, et en particulier dans le cœur des hommes et au Panthéon de l’Automobile…
On aime
- Moteur fa-bu-leux !
- Ligne toujours aussi agréable
- Comportement – efficacité – homogénéité
- Qualité de construction
- Performances très élevées…
On aime moins
- … mais moins que chez la concurrence
- Sonorité moteur un peu étouffée
- Carrosserie large et vulnérable
- Tarif bien prétentieux
Caractéristiques techniques : Audi R8 V10 Spider Performance
- Moteur : 10 cyl. en V CoD à injection directe d’essence, 5204 cm3
- Puissance (ch à tr/mn) : 620 à 7900
- Couple (Nm à tr/mn) : 592 à 6300
- Transmission : aux 4 roues (quattro)
- Boîte : boîte Tiptronic à 7 vitesses
- Freins : 4 disques ventilés
- Pneumatiques (AV/AR) : 245/35 R 19 – 295/35 R 19
- L x l x h (m) : 4,43 x 1,94 x 1,29
- Réservoir (litres) : 83
- Poids à vide (kg) : 1695
- Coffre (litres) : 1120 à 100 km/h (sec) : 3,2
- Vitesse maxi (km/h) : 329
- Rejets de CO2 (g/km) : 302