Pour beaucoup d’entre nous, bénéficier d’un onctueux V6 3.0 TFSI de 340 ch représenterait une forme d’aboutissement. Mais pour ceux qui envisagent de rouler en luxueuse A8, ce n’est qu’une entrée en la matière. Mais quelle entrée !
Par Joseph Bonabaud, photos Jack Seller
En bref
Quatrième génération d’A8
Version d’entrée de gamme 55 TFSI
Moteur V6 3.0 TFSI de 340 ch
Prix du modèle essayé (hors malus) : 117 600 €
Paradoxalement, l’imposante A8 a toujours su se distinguer par son dynamisme sur petite route, une qualité essentielle lorsque l’on aime conduire… ce qui n’est pas forcément le cas quand on est amateur de limousine ! Voilà une sacrée singularité en terme de positionnement, rendue possible par l’adoption d’une légère structure ASF en aluminium. Voilà qui explique sans doute – en partie – le succès mitigé d’Audi sur ce segment de l’ultra-luxe, exception faite de la sportive S8, qui privilégie justement… le plaisir de conduite ! Du coup, force est de reconnaître que le vaisseau amiral Audi se retrouve à la traîne face à la BMW Série 7 et surtout à la Mercedes Classe S, cette dernière étant une référence indéboulonnable de la catégorie depuis plus de 40 ans ! Et accessoirement une voiture fabuleuse qui a toujours su mettre en avant ses avancées technologiques, mais surtout son confort princier. Justement, avec cette 4ème génération d’A8 lancée fin 2017, Audi se risque à contrer frontalement Mercedes avec les mêmes arguments. Le style tout d’abord, se fait de notre point de vue moins « svelte » et moderne qu’auparavant, pour glisser vers plus de classicisme convenu, comme l’atteste la profusion de chromes ça et là.
De la calandre élargie aux entourages de vitres, en passant par le jonc chromé qui souligne les bas de caisse jusqu’aux pare-chocs, sans oublier la présence d’un autre jonc qui court cette fois sur le bandeau reliant les feux, il y a largement ce qu’il faut en « argenterie ». Trop même d’après nous, mais ce genre de traitement un brin « bling-bling » est paraît-il très apprécié aux USA, en Asie ou au Moyen-Orient, c’est-à-dire sur les principaux marchés où ce type de grosse cylindrée haut de gamme n’est pas encore écrasée par un mille-feuilles de taxes indigestes. Seule concession faite à la « sportivité » : le subtil bossage présent sur les ailes, qui fait écho à l’ancêtre Ur quattro des années 80. Bien sûr, tout ceci vaut pour la version « courte » (5m17 tout de même !), sachant qu’une variante « L », allongée de 10 cm au niveau de l’empattement au bénéfice des places arrière, est aussi disponible. Une option fort appréciée… en Chine surtout ! Pourtant, vous allez voir que nous ne sommes pas malheureux, notre exemplaire d’essai « châssis court » étant nanti de la finition « Avus Extended », qui est le nec plus ultra en la matière.
Plus belle la vie !
Merci de bien vouloir chausser les patins et de mettre les gants blancs avant de prendre place dans ce carrosse des temps modernes ! Dès l’ouverture des vastes portes (dotées d’un système de fermeture à assistance électrique), on pénètre dans un autre monde, fait de calme, de luxe et de volupté. Oui, je sais, ça fait cliché, mais c’est pourtant exactement ce que l’on ressent en prenant place dans cette bulle sensorielle nimbée de cuir et de bois précieux, notamment à l’arrière, sur les vastes sièges séparés par un large accoudoir central. Mais pourquoi diable à l’arrière ? Parce que, ce sont les meilleures places à bord d’une voiture de chauffeur de maître pardi ! Et dans cette finition hyper haut de gamme « Avus Extended », il est clair qu’on ne portera pas plainte pour mauvais traitement ! Outre une habitabilité déjà exceptionnelle, que l’on peut par ailleurs optimiser en avançant électriquement, depuis la banquette, le siège avant passager, on ne manque vraiment de rien. Les sièges électriques sont bien sûr chauffants, mais aussi ventilés et massant, selon plusieurs programmes. Pour y accéder, cela se passe au centre de l’accoudoir, où est encastré un petit Smartphone, en fait une sorte de télécommande permettant aussi de régler les nombreux éclairages d’ambiance ou la radio. Et chaque passager bénéficie d’un écran individuel pour se divertir ou se tenir informé (avec accès à Androïd Auto), qui est en fait une véritable tablette tactile amovible, que l’on peut prendre avec soi.
Question écran, il y a aussi ce qu’il faut lorsque l’on se glisse enfin derrière le volant. Outre le cockpit virtuel, permettant d’obtenir un affichage variable des compteurs, notons deux grandes dalles numériques sur la console centrale, comportant des commandes tactiles à retours haptiques. Cela veut dire que vous ressentez une légère vibration au bout du doigt, pour valider chaque opération, ce qui est du coup très intuitif. Question mécanique, l’A8 connaît cette année de sacrés bouleversements, le plus notable étant, d’après nous, une pure hérésie : elle arrête les blocs… diesels, pour se lancer à corps perdu dans l’hybridation rechargeable (TFSIe). Une décision absurde sur une grande routière, motivée seulement par les coups de bâtons donnés par les cadors de Bruxelles qui tapent aveuglément sur le diesel. Et peu importe si celui-ci qui consomme peu, et émet par ailleurs de moins en moins de gaz polluants et peu de CO2. Et ce basculement est encouragé de surcroît chez nous par une fiscalité avantageuse, les modèles hybrides « plug-in » étant par exemple exemptés chez nous de malus, voire même de TVS. En attendant, tant qu’il reste de « vrais moteurs », nous continuerons obstinément de les mettre en avant, ce qui est le cas de cette version d’entrée de gamme baptisée 55 TFSI. Oui, on le sait, ce terme abscons ne veut rien dire : retenez seulement qu’elle est animée par un V6 3.0 de 340 ch.
Silence, on roule
Contact. L’A8 se fend alors d’un petit cérémonial de bienvenue qui n’appartient qu’à elle, les aérateurs apparaissant comme par magie devant vous, en « basculant » dans le haut du tableau de bord, au niveau des boiseries. Ca ne sert à rien, excepté flatter l’égo du propriétaire, ce qui n’est déjà pas si mal ! Ensuite, ce qui étonne, est le silence de cathédrale qui règne à bord, signe d’une insonorisation très poussée. Et que ce V6 essence, très souple dès les plus bas-régimes, est lui aussi bien élevé, d’une discrétion absolue. Ce n’est pas un mal d’ailleurs, car sa sonorité n’est pas franchement agréable, chose dont on se rend compte lorsqu’on le sollicite vraiment, en voyant l’aiguille escalader le compte-tours à plus de 6000 tr/mn. Mais il y va de bon cœur, ce V6 étant du genre volontaire si on lui demande gentiment, en forçant sur la pédale de droite. La boite Tiptronic à 8 rapports, de bonne grâce, va « tomber » à bon escient une ou deux vitesses, permettant à cet ensemble frôlant les 2 tonnes à vide de filer en 5,6 secondes de 0 à 100 km/h, la transmission intégrale quattro livrée de série empêchant toute perte de motricité. Et vous pourrez même tracer si le cœur vous en dit à 250 km/h chrono (vitesse autolimitée), bien sûr que sur les belles routes du Royaume de Bulkovie, ceci étant très mal chez nous.
Mais au-delà de ces chiffres, remarquables pour une auto aussi luxueuse et imposante, il convient de mettre en avant son confort, vous savez, cette fameuse notion qui fait depuis des lustres le bonheur des propriétaires de Mercedes Classe S. Et bien, grâce à une suspension pneumatique parfaitement calibrée, nous ne pouvons que saluer le travail réalisé au niveau des trains roulants, au point de gommer les irrégularités du revêtement. Mais en conservant ce qu’il faut, où il faut, de « ressenti », assez pour prendre du plaisir en plaçant la voiture, ce qui a toujours été le point fort de la limousine aux anneaux. Et il faut avouer que cette A8 sait y faire, bien aidée par ses roues arrière directrices. Après, même si on est hélas bien loin à l’usage des 7,7 l/100 km annoncés en consommation mixte (pour de rejets de CO2 de 176 g/km), force est de reconnaître que, grâce à son réseau de bord 48V, constituant une micro-hybridation, cette A8 parvient tout de même à limiter la casse. Elle se cantonne « dans la vraie vie » à un peu moins de 11 l/100 km sans jouer la carte de l’écoconduite. Un « détail » négligeable probablement lorsque l’on est prêt à débourser sans sourciller 97 900 € minimum (hors malus et options) pour acquérir un tel pullman…
L’avis d’Avus
« Conduire ou se faire conduire », telle est la question ! L’avantage avec cette A8 55 TFSI, c’est que vous n’avez pas à choisir : comme dirait l’autre, « c’est vous qui voyez » ! Car si ne pas oser prendre les commandes de la sportive S8 serait assurément gâcher, cette A8 plus policée et discrète, qui mise davantage sur le confort que sur le plaisir de conduite pur et dur, est parfaite pour se laisser véhiculer, loin du stress, en toute décontraction. Et le moment venu, se glisser derrière le volant de cette A8 n’a pour autant rien d’une punition, celle-ci parvenant à se montrer plus que convaincante sur la route. En clair, cette A8 un brin bipolaire a eu la sagesse de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Voilà un art du compromis qui lui va plutôt bien !
Caractéristiques techniques Audi A8 55 TFSI
On aime
- Confort princier
- Equipement incroyable
- Comportement agile et souverain
- Performances honorables, souplesse
On aime moins
- Esthétique « lourdingue »
- Sonorité moteur quelconque
- Encombrement, poids
- Forcément, prix en rapport…