Audi RS2, Magie Noire
Non, toutes les RS2 ne sont pas « bleu Nogaro ». La preuve avec ce sublime exemplaire de 1995 présenté dans une livrée d’un noir profond, appartenant à un amoureux de la marque. Une rencontre s’imposait…
Texte et photos Thomas Riaud
En bref
Voiture historique pour Audi
Première break sportif à transmission intégrale
Première Audi « RS »
Moteur 5 cylindres « turbo » de 315 ch développé par Porsche
A une époque un peu déprimante, largement dominée par une traque au moindre gramme de CO2 qui prend des airs d’inquisition, il est salutaire pour l’esprit de se replonger dans un passé pas si lointain. Et oui, au milieu des années 90, malgré un sérieux tour de vis en termes de répression routière (déjà !), on achetait encore une voiture par pur plaisir. En cette heureuse époque, Audi qui était encore en pleine conquête cherchait à innover pour surprendre sa clientèle, attentive au style et aux nouveautés technologiques. Voire même le monde entier… Ainsi, après le « hold-up » réalisé au début des années 80 par la révolutionnaire Ur quattro en Championnat du monde des Rallyes, le génial Ferdinand Piëch, alors aux commandes de la firme aux Anneaux, met sur orbite à partir de 1994 une autre auto, bien plus singulière, tant sur la forme que le fond.
Il s’agit de la surprenante RS2, une voiture qui est autant unique que multiple, puisque c’est un break familial à transmission intégrale qui se veut d’un tempérament résolument… sportif. En osant faire ostensiblement ce rapprochement improbable, en présentant de surcroît la voiture à la presse dans un bleu électrique provocateur très proche du nuancier Porsche (baptisé « Bleu Nogaro chez Audi), le constructeur aux anneaux va s’affranchir de tous les codes. Avec cette inédite RS2, Audi sort enfin le break de son ghetto peu reluisant cantonné à une « voiture familiale » (au mieux) ou, au pire, à un simple modèle commercial. Pour la première fois, avec cette surprenante Audi RS2, on pouvait enfin acheter la voiture dont on avait besoin pour sa petite famille. Et envie !
Toute première fois
Forcément, les « toutes premières fois », ça marque la vie d’un homme. Cela vaut aussi pour les entreprises, et chez Audi, l’introduction de la RS2 dans sa gamme implique de nombreuses « premières fois » qui resteront dans les mémoires. L’Histoire automobile (avec un grand « H »), retiendra donc que la RS2 est le premier break sportif de série, doté de surcroît de la fameuse transmission intégrale maison (système quattro avec un Torsen). C’est également la toute première fois qu’Audi propose un modèle à hautes performances, doté du sigle « RS » (voulant dire « Rein Sport », soit « Sport et Léger). Un sigle magique, qui a depuis fait son chemin, au point d’incarner désormais, sur presque toute la gamme, la sportivité ultime, autant que Motorsport chez BMW ou AMG pour Mercedes. Enfin, c’est la première fois qu’Audi faisait appel à l’expertise du cousin Porsche, pour l’aider à développer cette voiture vraiment spéciale, notamment les trains roulants et le moteur.
D’ailleurs, outre de discrets logos apposés sur le hayon ou la calandre mentionnant cette union, le 5 cylindres 2.2 litre 20 soupapes est sans ambiguïté griffé « powered by Porsche ». Pour se distinguer du Ur quattro dont il dérive (qui se limite à « seulement » 220 ch), le bloc reçoit un plus gros turbo, mais aussi un système d’injection revu, un refroidissement optimisé, une admission retravaillée et un arbre à cames spécifique. Verdict : 315 ch à 6500 tr/mn et un couple appréciable de 410 Nm à 3000 tr/mn, ce qui permet au constructeur aux anneaux de clamer un 0 à 100 km/h abattu en 5,4 sec et 262 km/h chrono. Du jamais vu sur un break familial ! Mais sur ce dernier point, cette collaboration pourtant fructueuse est restée malheureusement sans lendemain, chaque constructeur traçant ensuite sa route de son côté…
Ne boudons pas pour autant notre plaisir : il résulte de cette association au sommet une auto vraiment inoubliable, devenue culte. Et différente… Lorsque l’on voit une RS2, on reconnaît évidemment le break Audi 90 dont elle dérive étroitement, mais on perçoit également cette multitude de détails spécifiques, qui lui donnent tout ce sel. Extérieurement, cela concerne de nombreux éléments exclusifs provenant d’une… Porsche 964 de l’époque ! Cela concerne le bouclier avant, les rétroviseurs profilés ainsi que les belles jantes « Cup » de 17 pouces. Et comme si cela ne suffisait pas, Porsche en a remis une couche à l’arrière, en montant un bandeau translucide entre les feux, un effet de style hérité des 911 Carrera qui revient par ailleurs très fort en ce moment sur de nombreuses autres voitures… dont les dernières Audi.
Quant à l’intérieur, il étonne… et détonne, en héritant là encore de sublimes sièges Recaro très enveloppants, habillés de cuir, ceux-là mêmes qui sont montés dans la Porsche 964. Du coup, les sièges avant sont curieusement dotés de tirettes pour rabattre les dossiers, une fonction bien sûr totalement inutile sur ce break qui dispose, naturellement, de portes arrière ! Enfin, outre de sublimes placages en carbone véritable, comment rester de marbre face à ce tableau de bord doté d’une instrumentation archi-complète aussi claire que lisible, très exclusive avec ses fonds blancs. Un blanc immaculé qui contraste avec le noir profond de cet exemplaire…
Black is beautiful
En s’installant à bord, on fait immédiatement corps avec cette auto, qui semble avoir été construite autour de vous. Pour ne rien gâcher, ses dimensions relativement compactes aident à cerner rapidement le gabarit (4m51), pour le moins mesuré par rapport aux breaks familiaux d’aujourd’hui. Quant à l’ergonomie, on frise le sans-faute : tout tombe naturellement sous la main, avec de bons vieux boutons simples et fonctionnels. Ici, nul besoin de se plonger dans un manuel épais comme un bottin pour se familiariser avec les commandes. Volant en cuir à la jante épaisse bien en main, il ne reste plus qu’à démarrer et à empoigner le levier de vitesses pour passer la première. C’est le début d’une folle équipée, surtout qu’il reste encore cinq autres rapports à engager ! D’entrée de jeu, la RS2 séduit par la sonorité si caractéristique du 5 cylindres, les bruits de soupape de décharge du turbo venant, par intermittence, le couvrir. Cela suppose de sortir des bas-régimes, une zone où le moteur reste peu véloce et démonstratif. Mais passé le cap des 3000 tr/mn, c’est une toute autre histoire !
Le 5 cylindres délivre enfin le meilleur de lui-même, et expédie avec conviction les 1595 kg de ce petit break compact. A chaque fois que les « watts » déboulent, portés par le souffle du turbo, ils le font avec force, sans ménagement, en vous donnant une gentille claque sur la nuque. Quant au châssis, il est parfaitement dimensionné pour encaisser ce tsunami de puissance brute. Idem pour les freins, du genre mordants et endurants. Là, on sent tout le savoir-faire de Porsche, sublimé par la présence de la fameuse transmission quattro, d’une efficacité difficile à prendre en défaut avec son différentiel torsen central, secondé par un blocage de différentiel arrière manuel qui se désenclanche à… 25 km/h ! Quant au confort, lui aussi, il étonne pour un tel engin, pourtant rabaissé, raffermi et doté d’amortisseurs à gaz en série pour juguler le roulis. De quoi presque virer à plat et attaquer sans arrière-pensée, y compris dans les courbes et les virages, en restant sur les gaz. Du bonheur en barre cette Audi ! Bien que construite à seulement 2891 exemplaires, la RS2 est un coup d’essai qui a été un coup de maître. Non contente d’être toujours aussi vivante et plaisante à conduire, elle a en tout cas durablement marqué les esprits, assez pour être depuis devenue une Audi culte. Mieux encore : une voiture culte au sens large…
Caractéristiques techniques
- Moteur 5 cylindres en ligne, 2226 cm3
- Alimentation Injection électronique, turbocompresseur
- Puissance maxi (ch à tr/mn) 315 à 6500
- Couple maxi (Nm à tr/mn) 410 à 3000
- Transmission Integrale, boîte mécanique 6 rapports
- Suspension AV McPherson triangulé
- Suspension AR Triangles superposés, ressorts hélicoïdaux
- Freins Disques ventilés, étriers à 4 pistons (AV et AR)
- Dimensions L x l x h (m) 4,51/1,69/1,38
- Poids (kg) 1595
- Pneus AV/AR 245/40 ZR 17
- Vitesse maxi (km/h) 262
- 0 à 100 km/h (sec) 5,4
- Cote en 2020 50 000 € environ (parfait état d’origine)
On aime
- Ligne !
- Association Audi-Porsche
- Performances – sensations
- Polyvalence au quotidien
- Qualité de construction
- Voiture historique
On aime moins
- Devenue inabordable en parfait état d’origine
- Pièces spécifiques introuvables
- Souvent fortement kilométrée
En tant qu’architecte de métier, Christophe Cheney a naturellement l’œil pour apprécier les belles choses, et il a l’amour du travail bien fait, chevillé au corps. De belles valeurs qui l’ont naturellement orienté vers Audi. A sa décharge, il est un peu tombé dedans dès son enfance, puisque son père roulait déjà en… NSU ! « Il a ensuite logiquement enchainé sur les Audi, les 80, 90 et 200 turbo, de sacrées voitures ! ». Désormais, le rêve se poursuit avec Christophe, qui fait régulièrement ses « emplètes » chez Audi Bauer Paris à Wagram et à Roissy (Audi Sport Store) . « J’ai de très bons rapports avec eux, depuis plus de 10 ans ; du coup, je leur fais confiance et renouvelle mes autos chez eux, la dernière étant un SQ5 carburant au diesel, que je trouve extraordinaire. Et je dois avouer que pour découvrir la gamme actuelle, je me fais régulièrement de petits plaisirs le temps d’un week-end en sollicitant leur service de location « Audi rent ». J’ai ainsi pu essayer la nouvelle S5, mais aussi le break A6 en version 50 TDI, le Q3, le Q7 et même la dernière A1 ». Des autos performantes, mais aucune n’a le caractère bien trempé de sa RS2 ! « Cela fait 3 ans que je l’ai, et j’adore son turbo à l’ancienne, qui vous met un véritable coup de pied au c… dès que l’on passe les 3000 tr/mn. C’est une auto âgée, mais encore très performante, que j’adore utiliser sur les petites routes sinueuses de l’Ardèche ! Et quelle polyvalence : elle est parfaite pour faire mes courses… ou la course, sur circuit, bien sûr ! ». En attendant de s’offrir, un jour peut-être, la voiture de ses rêves (Audi RS6 ou… Ferrari 550 Maranello), Christophe profite de sa belle RS2 qu’il remet patiemment en état. Par amour des belles choses et du travail bien fait…
Mille mercis à Pierre-Yves Vuillemin Responsable Marketing & Communication du Groupe Audi Bauer Paris pour son aide à la réalisation de ce reportage.