Audi 80 quattro 1983, La meilleure quattro ?
Pour fêter dignement les 40 ans du quattro, Avus passe en revue quelques modèles oubliés, à l’image de cette rare berline 80, présentée dans un état
d’origine exceptionnel. Excepté l’Ur quattro, et si c’était elle la plus intéressante de la lignée ?
Par Joseph Bonabaud, photos Thomas Riaud
En bref
Première berline 80 quattro
Production limitée à moins de 900 exemplaires
Moteur : 5 cyl. 2.2 litres 136 ch
Performances : 188 km/h – 1000 m D.A en 31 sec
Cote 2020 : 12 000 € environ
Lorsque l’Ur quattro est commercialisé en 1980, il est déjà clair que ce n’est, pour Ferdinand Piëch, qu’une première étape. Car le big boss voit beaucoup, beaucoup plus loin ! La seconde phase est de promouvoir immédiatement à travers le monde (avec le succès que l’on sait !) cette transmission intégrale révolutionnaire en compétition. La troisième étape est de décliner cette même technologie progressivement sur le reste de la gamme. Y compris la modeste berline 80, petite par la taille mais déjà immense par le talent. C’est une bonne base, cette berline surdouée qui a été couronnée de succès dès son lancement en 1972 (en glanant le titre très disputé de voiture de l’année 73 !). Suite logique des opérations, celle-ci est remplacée en 1978 par une seconde génération, plus moderne d’aspect.
C’est précisément cette mouture (Audi 80 Type B2 pour les intimes !) qui va avoir les honneurs d’adopter cette transmission magique. Une greffe pour le moins audacieuse, et ce qui est sûr, c’est qu’Audi voulait que ça se sache ! Il suffit de voir le sublime exemplaire qui illustre cet essai pour s’en convaincre. En effet, difficile de louper les énormes autocollants « quattro » s’étalant de chaque côté sur le bas des portières. Et pour ceux qui seraient passés à côté de ce message pas vraiment subliminal, on retrouve le badge « quattro » apposé sur la calandre, la malle du coffre, et même sur les vitres de custode !
Mariage inédit
Cette association a de quoi surprendre, et elle est parfaitement inédite en 1983 à ce niveau de gamme, de surcroît sur une petite berline. Raison de plus pour attiser la curiosité des automobilistes ! Bon excepté la décoration « quattro », cette 80 reste assez proche sur le plan esthétique des autres versions. Notons tout de même la présence d’un spoiler avant, mais aussi d’un discret petit becquet arrière. En étant attentif, d’autres éléments nous mettent pourtant la puce à l’oreille, comme les belles jantes en alliage léger de 14 pouces et les doubles projecteurs. Dernier « détail » qui ne trompe pas sur les velléités de la bête : une double sortie d’échappement émerge sous le pare-chocs, signe qu’il y en a là-dessous !
C’est effectivement le cas, puisqu’on retrouve, mais sans turbo, l’incontournable 5 cylindres de la maison, une motorisation noble déjà unique dans la catégorie.
Incliné pour les circonstances de 27° sur la droite, ce bloc rentré au chausse-pied « cube » 2144 cm3, et délivre une puissance confortable de 136 ch, exactement comme sur le coupé GT. Une générosité punie en France, à l’époque (déjà !), par un classement fiscal dans la catégorie des… 13 CV, ce qui imposait (c’est le cas de le dire !) de s’acquitter, chaque année, d’une vignette pour le moins velue, rapporté à la catégorie. Pourtant, avec un prix fixé à 157 900 Francs, résultat d’une certaine appétence pour les technologies de pointe (5 cylindres, transmission quattro…), la 80 quattro n’avait pas besoin de ça ! Cette somme ne vous parle pas ? Alors mettons-la en perspective avec les autos de même catégorie, comme la Peugeot 305 GTX, affichée la même année 79 800 Francs. Quant à une élitiste BMW 320i (125 ch), forcément plus proche en positionnement, elle était facturée de 104 700 à 113 445 Francs, signe que l’Audi 80 quattro était vraiment chère. Très chère ! Après, comme se plaît à le souligner l’un de mes amis, « le prix s’oublie, la qualité reste ! ». Allons le vérifier de ce pas !
Tube des années 80
A l’ouverture des portes, je retrouve sans surprise un univers typiquement Audi, très caractéristique des années 80. C’est relativement austère, pas très folichon avec une dominante de plastiques sombres et une sellerie en tissu gris à carreaux, mais tout est clair, net, précis et remarquablement bien pensé. Chacun trouvera une bonne position de conduite, et la dotation de série étant assez chiche (vitres électriques avant, fermeture centralisée et… c’est tout !), on a vite fait le tour du propriétaire ! Notons tout de même, sous la radio-cassette, la platine de commandes des différentiels avant et arrière, une exclusivité bien sûr propre à cette rare version quattro. Enfin, une mention spéciale pour la rigueur de la finition, cet exemplaire dépassant les 190 000 km affichant, encore, une réelle belle fraîcheur, signe d’une évidente bonne qualité. Quant à l’instrumentation, elle va à l’essentiel, en comprenant un compteur de vitesse (gradué jusqu’à 220 km/h) et un compte-tours, doté d’une zone rouge débutant à 6500 tr/mn.
En abattant les premiers kilomètres, je prends vite mes marques et retrouve avec plaisir la sonorité ronde et feutrée de ce bon vieux 5 cylindres, qui apporte incontestablement un réel supplément d’âme par rapport à un roturier « 4 pattes ». Sans jamais se montrer brutale, la 80 quattro fait montre d’une évidente bonne volonté et séduit par son allonge dès que l’on accélère. Et si le besoin s’en fait sentir, un rapide rétrogradage s’opère sans problème, la boîte mécanique à 5 rapports étant bien guidée et étagée. Justement une cote se présentant face à mon capot, j’en profite pour joindre le geste à la parole. Sans le moindre effort apparent, la 80 quattro efface l’obstacle, et fait de même en négociant les virages qui suivent. Tel un chat agrippé à sa moquette, la petite berline s’accroche avec pugnacité à l’asphalte et vire à plat d’un point de corde à un autre.
Nombreuses sont les voitures à savoir se comporter ainsi de nos jours, mais il est intéressant, pour bien mesurer la performance, de se replonger dans le banc d’essai de l’Auto Journal de l’époque. Contrairement à ma rapide prise en main, André Costa a eu la chance de l’essayer en neuf durant plusieurs centaines de kilomètres, et au final, il se montre… dithyrambique ! Jugez plutôt : « il faut avoir senti dans ses mains – et sous ses fesses – une 80 quattro s’accrocher en virage à un vieux goudron détrempé et luisant, en faisant hurler ses pneus à refus, pour savoir ce qu’est réellement une voiture capable d’aller très vite par tous les temps. Je pense qu’un contemporain des premières Traction Avant Citroën aurait pu écrire ces mêmes lignes… ». Je pense que la messe est dite !
L’avis d’Avus
Sous une allure très classique, sobre et sans élégance particulière, la 80 quattro cache bien son jeu ! Non seulement sa mécanique feutrée et pleine de couple séduit par son agrément mais, plus encore, son comportement exceptionnel en fait une machine à rouler fort assez exceptionnelle pour une voiture du début des années 80. Le tout à des vitesses pouvant être élevées, rançon d’une masse contenue à 1200 kg, soit moins qu’une Clio d’aujourd’hui. Avec le recul, cette 80 quattro apparaît clairement comme l’une des Audi les plus efficaces et agréables à conduire. Et si c’était elle, la meilleure quattro ?
Caractéristiques techniques
- Moteur : 5 cylindres, 2144 cm3
- Puissance (ch à tr/mn) : 136 à 5400
- Couple (Nm à tr/mn) : 190 à 3500
- Transmission : aux 4 roues (quattro)
- Boîte : mécanique à 5 rapports
- L x l x h (en m) : 4,46 x 1,68 x 1,36
- Pneumatiques : 185/60 HR 14 (AV et AR)
- Poids à vide (kg) : 1200
- 0 à 100 km/h (sec) : nc
- Vitesse maxi (km/h) : 188
On aime
- Conduite rapide et efficace
- Qualité de construction
- Agrément mécanique
- Polyvalence
- Exclusivité !
On aime moins
- Carrosserie banale
- Intérieur sans charme
- Equipement pauvre
- Introuvable en bel état
Merci à Rodolphe Bukaczewski pour la mise à disposition de sa sublime 80 quattro et au Roc Racing Historic pour son aide.