Audi RS6, Le break bipolaire
Côté pile, vous avez une grande familiale de standing, capable d’emmener femme, enfants et même gros toutou dans le plus grand confort, jusqu’à l’autre bout du pays. Côté face, vous avez au contraire une sportive aux performances délirantes, présentant un tempérament hystérique. Bienvenue à bord de la nouvelle RS6…
Texte et photos Thomas Riaud
En bref
Quatrième génération de RS6
Moteur V8 4.0 biturbo de 600 ch
Performances : 0 à 100 km/h en 3,6 sec – 305 km/h (pack Dynamique RS Plus)
Prix : 129 150 € (à partir de, hors malus de 20 000 €)
Et si Emmanuel Macron était, sans le savoir, un adepte de la première heure de la RS6 ? Ne riez pas : les points communs sont plus nombreux qu’il n’y paraît. Déjà, il est président, et la RS6 a toujours été, de son côté, la reine de la catégorie, un segment qu’elle a d’ailleurs inventé, celui des grands breaks ultra-sportifs. Aussi, on peut dire que d’une certaine manière, Macron a également inventé sa catégorie, du surmesure en créant de toutes pièces un parti inédit, celui des marcheurs. Il a par ailleurs réalisé un hold-up en devenant, en un temps record, président, en s’affranchissant de toutes les conventions. Et avouez que la surpuissante RS6, intouchable à chacune de ses générations, s’y connaît elle aussi dans le domaine des « temps records ». Presque trop d’ailleurs, au dire de certains pelotons de gendarmerie, qui ont validé quelques records restés dans les mémoires. Il est en tout cas clair que la RS6 sort, elle-aussi, allègrement des cadres habituels, en faisant le grand écart entre le monde tranquille des grands breaks familiaux, et celui des supercars. En fait, c’est un peu la politique du « en même temps », chère à notre président, que cette Audi inclassable et bipolaire applique ! Vous voyez qu’il y a pas mal de points communs ! Sauf que cette 4ème et ultime génération de RS6 devrait rester en haut de l’affiche un peu plus longtemps qu’un simple quinquennat. Elle a tout pour en tout cas…
Ce qui est sûr, c’est que lorsque Audi lance un modèle RS revu et corrigé de fond en comble, le terme « nouveau » n’est en rien galvaudé. Génération après génération, la RS6 est de moins en moins discrète et se fait de plus en plus bestiale. A côté, la première RS6 (type C5) apparue en 2002 fait presque figure de voiture sage et sobre. Pourtant, avec son V8 4.2 biturbo de 450ch, elle n’amusait déjà pas le terrain. Avec la dernière RS6 « type C8 », on change clairement de registre. Même un novice complet en automobile doit bien remarquer, lorsqu’il croise un tel engin, qu’il n’a pas affaire à une simple et paisible familiale. Clairement, Audi sport fait honneur aux 25 ans du label RS de la plus belle des manières ! Sur ses 5 mètres de long, la RS6 transpire à chaque centimètre le sport et la performance. Il faut dire que les hommes d’Audi Sport n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère, puisque la caisse est élargie au niveau des ailes de… 8 cm. Avec l’ajout de son bouclier avant largement évasé, celui à l’arrière comprenant un énorme extracteur d’air placé entre les larges sorties d’échappement, l’A6 Avant paraît métamorphosée. Ce n’est d’ailleurs pas qu’un simple effet d’optique, car seuls le toit et le hayon sont communs avec la RS6 ! Pour parfaire ce total look de break « bad boy », la RS6 semble posée par terre, sur des jantes de 20 pouces (21’’ en option) larges comme des tonneaux, utiles pour abriter d’énormes disques larges comme des 33 tours, en acier ou, en option, en carbone-céramique (10 000 €). Et les « signes extérieurs de vitesse » ne se limitent pas qu’à ça…
Signes extérieurs de vitesse
Outre les boucliers spécifiques à cette version, nombreux sont les éléments de carrosserie totalement inédits à habiller la RS6. La calandre Singleframe, dotée d’un maillage de type « nid d’abeille », fait son petit effet, tout comme les jupes latérales profilées. Et bien sûr, le hayon est coiffé comme il se doit d’un subtil aileron de coffre, détail utile sur une auto qui est capable de tracer à plus de… 300 km/h chrono. Car c’est bien à ces altitudes de dingue que navigue ce paquebot. Difficile à croire quand on voit le gabarit, et plus encore, le luxe dont il témoigne à l’intérieur de l’habitacle. Bon, on n’est pas à bord d’une opulente Bentley, la RS6 préférant jouant sur le registre du sport avec ses sublimes placages en aluminium (carbone véritable en option), placés du tunnel de transmission aux contre-portes, en passant par la planche de bord.
Outre un choix de matériaux toujours nobles et valorisants, la RS6 soigne incontestablement son apparence, le mobilier étant autant high-tech que bien assemblé. Les geeks apprécieront cet univers composé de multiples écrans tactiles (à retour haptique), en lieu et place des classiques boutons. Rien de neuf sous le soleil me direz-vous, cette configuration étant déjà présente sur l’A6 « normale », sauf que les compteurs offrent ici un graphisme spécifique, avec un compte-tours en forme de crosse ou un indicateur de « G » ou de puissance en pourcentage. C’est sympa sauf que, en roulant fort, on n’a pas vraiment le temps de jeter un œil dessus, surtout que la voiture, rivée au sol, peut encaisser jusqu’à 1,30 G en latéral ! A noter que le menu Audi drive select, permettant de paramétrer la voiture, renferme 2 sous-menus inédits « Audi sport », permettant d’affiner indépendamment chaque réglage, y compris le différentiel quattro sport. Pour ajouter au côté exclusif, la voiture bénéficie de sièges sport en cuir matelassé du plus bel effet, tandis qu’un volant en alcantara à méplat, à la prise en main idéale, vient parfaire la dotation de série, forcément très complète. Cela n’empêche pas quelques petites mesquineries à ce niveau de gamme, les options restant chères et nombreuses. Citons notamment l’affichage tête haute (1650 €), le pack « Dynamique RS Plus » (11 000 €) ou même les rideaux pare-soleil des portes arrière facturés en sus… 250 €. Il n’y a pas de petites économies !
Mais le morceau de choix reste bien le moteur, Audi restant fidèle au V8 4.0 biturbo. Bonne pioche ! Comparé à l’ancienne mouture, il adopte des turbos plus gros (61mm au lieu de 58 mm), et la pression de suralimentation fait un bond à 1,4 bar (soit + 0,2 bar). Pour composer avec les normes antipollution, toujours plus drastiques, ce bloc de dingue gagne un alterno-démarreur MHEV 48 volt, et conserve son système de coupure partielle des cylindres (CoD), ce qui permet d’économiser 0,8 l/100 km. Vu que la bête a le gosier en pente, et ingurgite facilement ses 15 l/100 km sans sourciller, on ne va pas dire non. Surtout que nous, on va durant notre essai forcer l’allure un peu plus que la moyenne, et donc consommer bien plus que notre Gérard Depardieu national. Santé !
Catapultor !
A la mise à feu, le terme « moteur à explosion » prend soudainement tout son sens ! Cette RS6 sait visiblement causer et elle a du vocabulaire, mais pas autant que la génération précédente, signe qu’à force, les normes environnementales qui vont jusqu’à imposer désormais des filtres à particules dans tous les échappements, nuisent au plaisir auditif. En la matière, force est de reconnaître que Mercedes fait bien mieux avec sa Classe E signée AMG (jusqu’à 612 ch !), vraiment très loquace, seule rivale directe à ce break Audi ! On ne portera pas plainte pour autant, la RS6 fredonnant une douce musique au conducteur à chaque pression sur la pédale de droite. Une fois sorti de la ville, où la voiture sait rester discrète et civilisée, on a tendance à en abuser dès que la route se fait large et dégagée, la boîte Tiptronic à 8 rapports dégainant, plus vite que son ombre, chaque vitesse. Corolaire direct : ce mastodonte de 2,2 tonnes donne la sensation de raccourcir les lignes droites, et de tenir plus du lance-pierre que de la voiture. Avec à peine 3,6 secondes pour filer de 0 à 100 km/h, les accélérations sont du genre viriles, au point d’allonger vos bras tout en incrustant votre nuque dans les appuie-têtes. Le plus fou c’est que cela ne semble jamais s’arrêter ! Le seuil des 200 km/h n’est qu’une formalité, et après, ça continue de pousser en mode « haut débit », les 800 Nm de couple n’étant pas étrangers à cette sensation. Le tout dans un confort de haute volée grâce à la suspension pneumatique livrée de série (une suspension hydraulique pilotée DRC optionnelle est proposée).
Mais « catapultor » n’est pas qu’un gros lanceur comparable à Apollo 13, uniquement doué pour satelliser sur un claquement de doigts son équipage en ligne droite. Dès que la route se fait sinueuse, la RS6 parvient comme par magie à gommer une bonne partie de son poids et à repousser les lois de la physique. Un « miracle » que l’on doit à l’efficacité de quelques dispositifs, comme la direction à démultiplication variable, la transmission intégrale quattro, mais aussi le différentiel arrière quattro sport secondé par des roues arrière directrices. Forcément, avec un tel arsenal, la RS6 a tout d’une centrifugeuse dans les virages. Elle en redemande encore et encore, et la seule chose qui vous fera ralentir seront les supplications de vos passagers, moins endurants que cette Audi de tous les superlatifs, capable d’accélérer ou de freiner fort sans jamais fatiguer. Ah si, il faudra tout de même songer à vous arrêter fréquemment refaire le plein, tous les 350 à 400 km. Après, c’est comme un juke-box : on remet une pièce, et c’est reparti pour un tour !
L’avis d’Avus
Douée d’une rare polyvalence, l’incroyable RS6 coche les bonnes cases dans tous les domaines, et elle impressionne tant par son confort, son haut niveau de sécurité, que ses performances de supercar, vraiment sidérantes pour une auto de ce gabarit. Bien sûr, à cause de son poids et de son encombrement XXL, elle n’est pas aussi sportive et affûtée qu’une simple Lotus Elise ou qu’une 911 GT3, mais tout de même, cette RS6 fait plus que s’en tirer avec les honneurs, et rares sont les autos à en offrir autant. Du coup, son prix exorbitant de 129 150 €, hors option et malus, ne nous choque même pas, tant cette RS6 a tout de la familiale idéale. Avant de craquer, il faudra juste songer à quitter la France pour s’installer dans un pays normal. Car outre un malus inacceptable de 20 000 € (et une carte grise indexée sur une puissance fiscale de… 52 CV), conduire un tel engin sur nos routes ne crée finalement que de la frustration si l’on veut respecter à peu près les limitations en vigueur, qui paraissent partout, tout le temps, ridiculement basses…
Caractéristiques techniques Audi RS6 « C8 – 2020 »
- Moteur : 8 cylindres en V biturbo, 3996 cm3, 32v
- Puissance maxi (ch à tr/mn) : 600 à 5700
- Couple maxi (Nm à tr/mn) : 800 à 2100
- Transmission : aux 4 roues (quattro avec Torsen), boîte Tiptronic à 8 rapports
- Freins : Disques ventilés, étriers à 4 pistons (AV et AR), disques carbone en option
- Dimensions L x l x h (m) : 5,00/1,95/1,46
- Poids (kg) : 2150
- Volume du coffre (litres) : 565 (1680 en break)
- Pneus AV/AR : 275/35 R 21
- Vitesse maxi (km/h) : 250 (autolimitée, 305 km/h en option)
- 0 à 100 km/h (sec) : 3,6
- Émissions CO2 (g/km) : 257
On aime
- Look démentiel
- Polyvalence incroyable
- Performances de supercar
- Qualité de fabrication
On aime moins
- Moteur moins communicatif
- Complètement inadapté à la France (permis, fiscalité…)
- Autonomie juste en conduite sportive
- Poids élevé, options trop nombreuses… et chères