Moulin rouge
Bien que très proche sur la forme de la première quattro « 10v », cette ultime mouture « 20v » s’en démarque pourtant en bien des points. Outre une esthétique modernisée, notamment au niveau de la face avant, la quattro 20v se distingue surtout par son moteur, sérieusement optimisé…
Par Jack Seller, photos Joseph Bonabaud
L’Audi quattro a d’emblée su se placer parmi les GT sportives en alignant crânement pas moins de 200 ch dans sa première mouture. Un vrai symbole en 1980 sur une voiture de série ! Mais Audi n’a eu de cesse de se remettre en question et de faire évoluer sa quattro. Dès 1983, la voiture a droit à un léger restylage portant notamment sur la face avant. Audi va « arrondir » un peu les angles, en remplaçant les 4 phares carrés au profit de deux grandes optiques rectangulaires. Bon, on est encore très loin de l’avant fuselé d’une Citroën SM (ou CX !), mais l’effort est louable. Millésime après millésime, le design anguleux d’Hartmut Warkub privilégie toujours clairement la fonctionnalité à l’émotion. Clairement, l’Ur quattro n’a pas un physique aussi glamour que celui d’une belle anglaise ou italienne. Pourtant, on note l’intégration de quelques éléments originaux présents dès les origines, comme les fameuses ailes bombées, les bas de caisse profilés ou les pare-chocs peints couleur carrosserie, chose encore rare à l’époque.
« Ce n’est qu’en 1989, pour répliquer à une concurrence qui a su refaire son retard, que la quattro passe vraiment la seconde »
A l’intérieur, les bouleversements occasionnés lors du premier restylage sont en revanche plus sensibles. Les tirettes pilotant les différentiels sont remplacées par de plus classiques boutons, puis les bons vieux compteurs à aiguilles tirent leur révérence au profit de « modernes » afficheurs digitaux verts, façon vieil ordinateur IBM ! D’ailleurs, un ordinateur de bord fait pour de vrai son apparition, mais aussi le freinage ABS. En revanche, côté mécanique, rien à signaler, l’Ur quattro restant fidèle au 5 cylindres 2.1 litres de 200 ch (type WR pour les intimes). En 1987, la quattro voit cette fois sa calandre verticale légèrement s’incliner pour gagner en aérodynamisme, tandis que le 5 cylindres augmente de cylindrée à 2.2 litres pour optimiser la souplesse, mais sa puissance stagne à 200 ch (type MB). A noter que la transmission reçoit un différentiel de type Torsen pour remplacer l’ancien différentiel à blocage manuel, tandis que les freins sont encore améliorés, en recevant des étriers à 2 pistons.
Ce n’est véritablement qu’en 1989, pour répliquer à une concurrence qui a su depuis refaire son retard, que la quattro passe vraiment la seconde à travers de profondes modifications. Malgré tout, sur le plan du style, rien ou presque à signaler, excepté le fait que les compteurs digitaux sont passés entre-temps du vert à l’orange et que les feux arrière, avant colorés en rouge et orange, sont devenus intégralement fumés ! En revanche, sur le plan mécanique, il y a du neuf. La voiture reste bien sûr fidèle au 5 cylindres, mais ce bloc revu et corrigé gagne respectivement 10 soupapes, et 20 ch de plus (type RR). En fait, toute la culasse est repensée par Roland Mayer himself.
« Le voyage spatio-temporel peut s’effectuer de bien d’autres manières… comme en avalant quelques kilomètres pied à la planche, comme au bon vieux temps ! »
Ce brillant ingénieur motoriste connaît son affaire, car avant de monter son officine « mtm » (Motoren Technik Mayer), spécialisée dans la préparation d’Audi sportives, Mayer fut avec Walter Treser responsable d’Audi Sport du temps de l’engagement de la quattro en rallye. Dernière évolution de cette incroyable lignée, la quattro 20v ne fut produite que durant 3 petites années, jusqu’en 1991. Autant dire que croiser un si bel exemplaire comme celui qui illustre cet article reste un privilège rare…
Voyage spatio-temporel
Cette quattro 20v a beau être la dernière de la lignée, donc logiquement la plus proche de nous, il n’en demeure pas moins que du haut de ses 30 ans au compteur, elle a pris un certain « coup de vieux ». Planche de bord anguleuse tout en plastique sombre et gros compteurs « électroniques » de couleur orange datent un peu l’ensemble, mais c’est précisément tout cet univers un poil kitch qui participe tant à son charme.
Pour un peu, en fermant les yeux, on se verrait assis à son volant en doudoune Creeks à manches courtes, coude à la portière avec sa Casio calculatrice digitale au poignet, avec des Converses aux pieds en train d’écouter religieusement « Still loving you » de Scorpion. Toute une époque ! Mais le voyage spatio-temporel peut aussi s’effectuer de bien d’autres manières… comme en avalant quelques kilomètres « pied à la planche », comme au bon vieux temps, pas si lointain, où les gendarmes roulaient en 4L et en Estafette ! Des antiquités déjà dans les années 89-90 qui n’avaient aucune chance face à notre GT taillée pour annexer, vite fait et sans préavis, la file de gauche des autobahn.
Car cette quattro n’est pas seulement douée pour limer le bitume dans les virages, même si elle le fait particulièrement bien. Il faut dire que grâce à l’efficacité du quattro, elle passe, sans broncher, toute la puissance disponible sur ses 4 roues, y compris sur chaussée grasse. En restant verrouillée au sol, cette Audi incite naturellement à « rajouter quelques couches », si bien que notre GT file bientôt à des vitesses rédhibitoires (230 km/h chrono !). Et ce gros turbo KKK, quel bonheur de l’entendre, presque sans filtre, s’inviter généreusement dans l’habitacle, dès que l’on passe la barre des 3000 tr/mn. Là encore, voilà une sensation du genre « on-off » qui s’est perdue aujourd’hui, et rouler à bord d’un tel youngtimer est vraiment revigorant. Cette quattro 20v, un rien « sans filtre », a tout d’un véritable pousse-au-crime…
« Cette quattro 20v, un rien « sans filtre » à la conduite, a tout d’un véritable pousse au crime »
Passé le cap des 3000 tr/mn, ça pousse fort sans discontinuer (220 ch à 5900 tr/mn), de façon linéaire et très convaincante, bien plus qu’avec une simple quattro10v de 200 ch. Assez en tout cas pour mesurer la différence, et vous coller au fond des sièges (0 à 100 km/h en 6,3 sec) ! Quant à la boîte manuelle à 5 rapports, si ses débattements semblent un peu longs, elle séduit également par son guidage et sa précision. Même le freinage, assuré par 4 gros disques (ventilés à l’avant et à l’arrière), se montre à la hauteur des prétentions sportives de la bête. En clair, bien cravaché, cette redoutable Ur quattro 20v est capable de tenir de très hautes moyennes, et plus encore si la route serpente. Clairement, Audi a inventé la centrifugeuse !
L’avis d’Avus
Si la quattro 20v n’a pas le charme un peu désuet des premières moutures, elle compense largement en offrant quelques « plus » indéniables qui changent la vie, comme une dotation plus actuelle et complète dans une ambiance très « eighties », et surtout des performances vraiment de hautes volées. Pour ne rien gâcher, la voiture est vivante à conduire, en offrant un bon rapport poids-puissance mais aussi un caractère moteur entier et même une certaine « virilité » à la conduite. Ajoutons à tout cela son look plus méchant, et elle a vraiment de quoi séduire les amateurs de sportives cultes. Problème, ils sont aujourd’hui plus nombreux que le nombre de quattro 20v produites, qu’on estime à 700 exemplaires seulement…
Fiche Technique
Audi Coupé quattro 20v (1990)
- Moteur : 5 cylindres en ligne, 20v, 2226 cm3, avec turbo
- Alimentation : à injection, suralimentée par turbo compresseur
- Puissance maxi (ch à tr/mn) : 220 à 5900
- Couple maxi (Nm à tr/mn) : 309 à 1950
- Transmission : intégrale quattro (Torsen)
- Boîte : mécanique à 5 rapports (avec différentiel intégré à l’avant)
- Freins : 4 disques (ventilés), répartiteur de freinage, ABS.
- Pneumatiques : 215/50 R 15
- L x l x h (m) : 4,40 x 1,72 x 1,32
- Coffre (litres) : 335
- Poids à vide (kg) : 1380 kg
- 0 à 100 km/h (sec) : 6,3
- Vitesse maxi (km/h) : 230
Les plus
- Légende roulante !
- Agrément de conduite
- Vraie GT 4 places
- Efficacité
Les moins
- Toujours plus chère…
- Rare en bel état d’origine
- Pièces spécifiques introuvables
- Entretien problématique…