Vingt ans au firmament !
Cela fait tout juste 20 ans que l’inclassable TT fait tourner les têtes et réjouit les amateurs de Grand Tourisme et ce, en coupé, comme en roadster. Redécouverte du plaisir de reprendre le volant d’un des premiers exemplaires…
En bref
Audi TT de première génération
Version coupé « quattro » de 225 ch
Le TT est né empiriquement d’une géniale intuition, celle d’abord du designer français Jean-Pierre Ploué qui a dessiné, sous la direction de Patrick Le Quément, le concept car Argos. Dévoilé au salon de Genève 1994, ce concept Renault basé sur une plateforme de Twingo se présente comme un roadster minimaliste au style épuré, jouant sur la symétrie. Clairement, l’Argos est en rupture avec le bio-design mièvre qui sévit un peu partout… et en rupture avec tout le reste ! L’Argos met une claque à l’ensemble des bureaux de style tant il séduit par son audace et sa fraîcheur. Chez Audi, on l’observe avec un œil peut-être encore plus attentif qu’ailleurs, car à Ingolstadt, on réfléchit également depuis quelques temps à concevoir un coupé minimaliste, inspiré du courant du Bauhaus.
Pour la plus grande chance d’Audi, Renault ne donnera pas suite, et laissera cet Argos pourtant prometteur grossir les réserves où dort une partie de son patrimoine, dans l’usine de Flins. Vous connaissez l’adage : « rien ne se perd, tout se transforme ». C’est exactement ce qu’a fait Audi, mais en améliorant en à peine 7 mois tout ce qui pouvait l’être, en donnant encore plus de consistance et prestance au concept Argos. Ainsi, au salon de Francfort 1995, c’est Audi qui est cette fois la vedette, en dévoilant au public un concept très réaliste, qui aura lui la chance de connaître les joies de la production : le concept TT. Un nom génial, qui nous renvoie au passé de la marque, avec les engagements des motos NSU au Tourist Trophy, et qui adresse un clin d’œil à la quasi-symétrie de sa ligne étonnante, toute en rondeurs…
« TT : ce nom génial nous renvoie à l’engagement des motos NSU au Tourist Trophy et adresse un clin d’œil à la symétrie de sa ligne »
Echappé de la planche à dessin
Dessiné par une jeune équipe de designers enthousiaste, ce coupé au style novateur répond à une devise simple : « autant que nécessaire et le moins possible ! ». Un précepte fort qui concerne tant l’intérieur que l’extérieur, si bien que lorsqu’on le voit, on a là encore un véritable choc visuel. Bien qu’ancré pleinement dans la modernité, ce TT se paye le luxe d’évoquer les voitures de course Auto Union des années 30. Même à l’arrêt, il suggère le mouvement, avec ses grandes roues surmontées d’arches proéminentes, qui trouvent un écho direct dans l’arche qui compose le toit, semblable à une coupole posée sur la ceinture de caisse. Ce dessin a beau avoir un peu plus de 20 ans maintenant, on ne s’en lasse pas, signe de sa pertinence et intemporalité. Ce qui est super, c’est que cet engin semblant s’être échappé de la planche à dessin, est resté presque en l’état, en passant au stade de la série, en 1998. Il a juste gagné deux petites vitres et places arrière, pour se muer en une GT 2+2 compacte et trapue, au charisme incroyable.
Bien sûr, Audi n’a rien d’un philanthrope, et pour que ce rêve un peu fou de designers devienne réalité, il faut composer avec certaines réalités industrielles. Cette carrosserie doit donc habiller la plateforme de Volkswagen, servant à la Golf de l’époque et à une petite nouvelle du nom d’Audi A3. Cela implique l’adoption d’un moteur transversal et d’une traction avant, écueil contourné grâce à la monte d’un Haldex, pour pallier cet inconvénient et en faire une quattro. Malgré toutes ces contraintes techniques, Audi a magnifiquement travaillé, car la coque du TT s’intègre à merveille sur cette plate-forme, faisant complètement oublier ces dessous quelque peu « roturier » pour une GT de ce rang. La carrosserie semble lisse et épurée comme un galet poli par les éléments et ce, jusqu’aux optiques et boucliers, venant affleurer les panneaux de tôle. Audi se fend même de petites coquetteries, comme la trappe à carburant « compétition » taillée dans la masse. Assurément de la belle ouvrage…
Moulin rouge
Le TT est donc une jolie voiture, à la ligne atypique et différente qui fera assurément date dans l’histoire de l’automobile, mais est-ce pour autant une bonne GT ? Difficile, en toute objectivité, de répondre par l’affirmative en se cantonnant aux versions d’entrée de gamme, animée par un trop modeste 4 cylindres turbo développant 150 et 180 ch. Mais en devenant « quattro », le TT gagne sensiblement en puissance en recevant le bloc turbulent de la S3 de l’époque… et accessoirement ses galons de petite GT ! Car avec ce 4 cylindres 20 soupapes « turbo » de 225 ch, le TT quattro offre véritablement des performances à la hauteur de ce que laisse supposer sa ligne suggestive. Et ce ne fut qu’un début en la matière, car sans aller jusqu’à l’actuel TT RS, qui revendique 400 ch, le TT n’a cessé de monter en puissance, y compris cette première mouture qui fut déclinée en « quattro sport » de 240 ch, et même en V6 3.2 de 250 ch. Fermons la parenthèse et recentrons-nous sur le sublime TT quattro « rouge misano » qui illustre ce dossier.
Retrouver cette voiture iconique, dans un tel état d’origine, reste un réel plaisir, et permet de mesurer à quel point elle traverse sans encombre les années qui passent. Sur le plan de la finition déjà, toujours convaincante avec ses plastiques abondamment moussés, ses cuirs épais sur les sièges et ses véritables pièces en aluminium, cerclant les aérateurs ou servant à masquer l’autoradio. Et sur le plan visuel ensuite, tout est de très haute volée avec un design léché dans le moindre détail. Même les petites aiguilles des compteurs sont soigneusement stylisées ! Vient le moment de parcourir quelques kilomètres à son volant. En empoignant le gros levier de vitesses guidant la boîte manuelle à 6 rapports et le petit volant en cuir, j’ai l’impression de retrouver une vieille amie que je n’ai pas vue depuis quelques années, mais c’est comme si on s’était séparé hier. Comment oublier cette atmosphère si particulière, où la route semble défiler à travers des meurtrières, tant la surface vitrée est réduite.
Sauf vers l’avant, ce qui tombe bien, le TT quattro étant du genre volontariste côté tempérament. D’une franche pression sur la pédale de droite, et le 4 cylindres fait immédiatement preuve de réactivité, vous propulsant en 6,4 secondes sur le 0 à 100 km/h. En insistant durant quelques dizaines de secondes supplémentaires, et le TT poursuit sa folle ascension vers des vitesses largement prohibées, bien au-delà du cap symbolique des 200 km/h chrono (243 km/h maxi). Le seul élément perturbateur, susceptible de tempérer vos ardeurs, reste l’amortissement, peu conciliant avec les irrégularités de la chaussée. Dès que l’on quitte le billard d’une belle route, l’inconfort prend le dessus, incitant le conducteur à lever le pied pour réduire la voilure. C’est dommage, car la voiture reste ventousée au sol, la transmission intégrale quattro assurant pleinement sa fonction. Du coup, c’est plutôt en roulant en mode « cruising » que s’apprécie ce TT… mais aussi une fois garé, pour l’admirer !
Fiche Technique
Audi TT quattro « Mk1 » (2000)
- Moteur : 4 cylindres turbo 20V de 1781 cm3
- Puissance (ch à tr/mn) : 225 à 5900
- Couple maxi (Nm à tr/mn) : 280 de 2200 à 5500
- Transmission : aux 4 roues (quattro)
- Boîte : mécanique 6 rapports
- Freinage AV / AR : disques ventilés, ABS
- Pneus : 225/45 R 17
- Dimensions (L x l x h) en m : 4,04 x 1,76 x 1,35
- Poids à vide (kg) : 1395
- Coffre (litres) : 270-540 (coupé)
- Réservoir (litres) : 55
- Vitesse maxi (km/h) : 243
- 0 à 100 km/h (sec) : 6,4
- Cote en 2019 : 10 000 euros environ
Les plus
- Style fort et intemporel
- Ambiance intérieure
- Performances toujours flatteuses
- Rapport prix/prestations
- Amortissement mal calibré
Les moins
- Comportement peu ludique
- Détails de finition
- Places arrière symboliques