Audi S2 Coupé
Le contrat de confiance
Au début des années 90, Audi est devenu une marque « bankable », surtout lorsque l’on propose au client le fameux 5 cylindres turbo qui a fait ses preuves, ainsi que la transmission intégrale magique. Et lorsque ce tandem de choc est associé à un nouveau coupé de Grand Tourisme, l’offre a tout d’un véritable « contrat de confiance » !
En bref
Nouveau coupé lancé en 1988
Moteurs 4 et 5 cylindres
Version de pointe « S2 » avec 5 cyl. 2.2 turbo de 230 ch
Production : 73 827 exemplaires, jusqu’en 1995
A la fin des années 90, Ferdinand Piëch doit savourer son insolente réussite, un peu à l’image de la fameuse Audi quattro qui y a largement contribué : très rapide et improbable ! Pourtant, Piëch n’a laissé aucune place au hasard, et la montée en puissance d’Audi a été planifiée avec l’exactitude d’un plan de vol concocté par la Nasa. Après la mise en orbite de la fameuse quattro, auréolée de 2 titres successifs en Championnat du Monde des Rallyes (1981 et 1982), Piëch reste fidèle à sa stratégie consistant à innover, tout en faisant de l’image. La très exclusive Sport quattro assemblée à la main à 214 exemplaires, indispensable pour homologuer la S1 quattro en Groupe B, va y contribuer, en étant en quelque sorte la première supercar d’Audi. Car avec 306 ch de mesurés au banc, et un prix de vente en 1984 dépassant les 750 000 Francs, soit peu ou prou celui d’une Ferrari, cette Audi de course « stradale » avait en effet tout d’une supercar avant l’heure ! Et au milieu des années 80, Piëch travaille déjà sur la remplaçante de la quattro, et se prépare à lancer le deuxième étage de sa fusée : un tout nouveau coupé de Grand Tourisme. Un lancement opéré fin 1988, soit 2 ans avant la fin de commercialisation de l’Ur quattro !
Nos 2 coupés se sont donc retrouvés ensemble, dans les show-rooms. Pourtant, aucun risque de cannibalisation en vue, car sur la forme, impossible de trouver un lien de parenté avec son illustre aïeule, tant la petite nouvelle apparaît transfigurée sous n’importe quel angle. Ici, clairement, sans avoir le sens qu’on lui connaît habituellement l’expression « arrondir les angles » peut être utilisée, tant on est passé en moins d’une décennie d’un design anguleux à un style au contraire bien plus rondouillard, annonciateur du « bio-design » à venir. Et contrairement à l’Ur quattro qui était totalement inédite, ce nouveau coupé reprend de nombreuses pièces à la nouvelle berline 90 dont il dérive techniquement étroitement. Ainsi, outre la plateforme, la face avant et le traitement de l’arrière est commun, excepté la présence du hayon fortement incliné et le petit becquet sport. Malgré ce mimétisme flagrant, ce nouveau coupé à la ligne sobre est particulièrement élégant (tout comme le dérivé cabriolet apparu en 1991), avec sa silhouette lisse et épurée, surplombée par une étroite surface vitrée.
Mais comment se nomme-t-il au fait ? Chez Audi, à l’époque, l’essentiel des budgets passait probablement dans la technologie, car le nom commercial de ce coupé est tout simplement… Audi coupé ! Un nom d’ailleurs identique au dérivé plus modeste de l’Ur quattro (doté d’ailes « plates » et non bombées), déjà proposé dans les années 80, ce qui a de quoi semer la confusion dans l’esprit des non-initiés ! Enfin, l’essentiel est que lorsqu’on le voit dans la rue, on le remarque. Et lorsqu’on l’essaye, on en veut un ! Mais lequel au fait ?
Gamme à tiroir
Contrairement à l’Ur quattro, qui voulait en tant que vitrine technologique d’Audi offrir systématiquement le meilleur du constructeur en terme de moteur et de transmission, ce nouveau coupé s’articule d’emblée autour d’une vraie gamme, propre à satisfaire un plus large panel de clients. Quitte à n’offrir en ticket d’entrée qu’un joli flacon, sans l’ivresse qui va avec. Une stratégie qui a fait ses preuves depuis dans le premium, et dont Audi (et ses rivaux !) use et abuse. Ainsi, sous une même carrosserie, comme sur une classique A4, on peut avoir selon les versions des puissances variant du simple au triple… et cela se retrouve bien évidemment sur les tarifs ! Pour revenir à notre Audi Coupé, l’offre débute tout de même avec un 5 cylindres 2.3, décliné en 136 et 170 ch, avec la transmission sur les seules roues avant pour la moins puissante du lot. Pour exploiter le filon « quattro », une variante techniquement identique au dernier Ur quattro 20v est aussi proposée, en héritant du fameux 5 cylindres 2.2 turbo de 220 ch.
C’est cette variante de pointe dotée du quattro et d’une boîte mécanique à 5 rapports, baptisée « S2 Coupé », qui était (et qui est restée !) la plus désirable de la fratrie. Car pour ratisser encore plus large, Audi n’a pas hésité ensuite à descendre en gamme, en introduisant un modeste 4 cylindres 2.0E de 113 ch (simple traction) ne présentant aucun intérêt, mais aussi une noble version V6 2.8 de 174 ch, souple et agréable à l’oreille, mais sans aucune prétention sportive malgré la greffe du quattro. A partir de 1994, un autre V6, un 2.6 de 150 ch cette fois, viendra en renfort, tandis que notre S2 gagne une vitesse (6 rapports) et 10 ch, portant l’écurie à 230 ch. C’est à l’époque bien assez pour inquiéter les références de la catégorie, à commencer par une certaine BMW M3 « E 30 », dotée d’un « simple » 4 cylindres, mais un volcanique 2.2 tutoyant les 200 ch. Malgré une absence totale d’engagement sportif, la S2 Coupé parviendra à surfer sur le succès de son ancêtre, et à combler une clientèle prête à mettre le prix, pour acquérir une auto haut de gamme différente, à fort bagage technologique. Un profil qui correspond en tous points à notre vaillant S2 Coupé…
Le plumage… et le ramage !
Même si son style daté commence à accuser le poids des ans, ce coupé reste malgré tout toujours désirable en bel état d’origine, signe de la justesse de son dessin et de ses proportions. Bien sûr, avec ses belles jantes larges en alliage de 16 pouces, ses discrets logos « Audi sport » spécifiques fixés sur la calandre ou le hayon et son châssis « sport » plus près du sol, la variante S2 a encore plus fière allure. Ce n’est d’ailleurs pas qu’un simple effet de style, car Audi s’est pour l’occasion rapproché du préparateur Konrad Schmitt Motorsport. Ainsi, en plus de bénéficier d’une caisse rigidifiée, l’auto reçoit des suspensions durcies, des amortisseurs à gaz, mais aussi une barre anti rapprochement à l’avant et une barre antiroulis à l’arrière !
En reposant sur le châssis de la berline 90 du moment, notre coupé affiche des mensurations comparables, une qualité rare dans la catégorie qui lui confère une habitabilité surprenante. Mieux, la modularité n’est pas en reste, car en plus de disposer d’un large hayon facilitant les chargements, la voiture dispose d’une banquette rabattable, transformant au besoin le coffre en soute ! Et en tant que haut de gamme, cette variante à la finition irréprochable ne se refuse rien, en proposant derrière son volant « sport » spécifique à 3 branches, une instrumentation très complète à fond blanc du plus bel effet, aussi claire que lisible. Pour en faire une GT digne de son blason, la dotation est archi complète, comprenant la climatisation, une hifi haut de gamme, des vitres et rétros électriques, une superbe sellerie cuir ou encore des lave-phares à haute pression. De la pression, il y en a heureusement ailleurs, à commencer par le turbo !
Parfaitement calé dans des sièges « sport » très enveloppants, le volant parfaitement en main et le « 5 pattes » enfin à température, je me sens enfin prêt à « dégoupiller ». Les 6 vitesses s’enquillent parfaitement, le guidage de cette boîte manuelle n’appelant aucune critique. Mais ce qui donne toute de suite le sourire est de retrouver le chant caractéristique du 5 cylindres, omniprésent dans l’habitacle malgré une insonorisation feutrée. Et avec 230 ch dispensés à l’approche des 6000 tr/mn, les accélérations sont du genre viriles et saisissantes, l’effet turbo assez marqué y étant bien sûr pour quelque chose (350 Nm dès 1950 tr/mn). Grâce à la transmission intégrale quattro, la voiture ne joue pas comme certaines sportives à traction avant au « missile tête chercheuse », et suit fidèlement sa trajectoire, sans la moindre perte de motricité. Du coup, on atteint rapidement des vitesses élevées, jugées normales hier mais inavouables aujourd’hui, bien éloignées des tristes réalités qui plombent notre quotidien.
Bien qu’âgée d’une trentaine d’années au compteur, cette « vieille » Audi a sur nos routes tout d’un vrai piège à permis ! Au-delà de ces contraintes administratives franco-françaises dont nous avons le secret, le tableau serait vraiment parfait si la S2 Coupé ne souffrait pas d’un amortissement exagérément ferme. Sur le billard d’un circuit, nous ne doutons pas qu’elle soit agréable à cravacher (quoique son freinage, pas assez endurant pour stopper à maintes reprises les 1420 kg de l’ensemble ne soit pas fait pour ça), mais sur nos routes, hélas moins bien entretenues que le parc de radars, on sent de multiples trépidations jusque dans la direction, ces remontées parasites nuisant parfois au plaisir de conduite. Un grief qui s’envole dès que l’on retrouve un bitume bien lisse, surtout s’il s’agit de celui d’une autoroute allemande, la belle pouvant filer à près de 250 km/h…
L’avis d’Avus
Devenue hélas trop rare en bel état d’origine, l’Audi S2 Coupé est une bien jolie GT produite jusqu’à l’automne 1995 qui a tout pour elle : un moteur de légende, des performances « canons », une efficacité incroyable, une dotation riche, une exclusivité certaine, une réelle polyvalence, le tout proposé à des prix encore bêtement attractifs, la cote de ce youngtimer injustement oublié restant malgré tout assez basse. Vu qu’il n’y en aura pas pour tout le monde, suivez notre conseil : achetez-en une, et gardez-la !
Fiche Technique
Audi coupé S2 (1993)
- Moteur : 5 cylindres en ligne, 20 soupapes, 2226 cm3
- Alimentation : injection électronique Bosch + turbo
- Puissance maxi (ch à tr/mn) : 230ch à 5900
- Transmission : aux 4 roues (quattro avec Torsen), boîte
- mécanique à 6 rapports
- Suspension AV : système McPherson, ressorts hélicoïdaux,
- amortisseurs et barreantirapprochement
- Suspension AR : roues indépendantes, système McPherson,
- ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis
- Freins : Disques (av + ar)
- Dimensions L x l x h (m) : 4,40 x 1,72 x 1,37
- Poids (kg) : 1420
- Pneus : 205/55ZR 16
- Vitesse maxi (km/h) : 248 km/h
- 0 à 100 km/h(sec) : 5,9
- Cote en 2019 : 25 000 euros (parfait état)
Les plus
- Belle GT, polyvalente et performante
- Moteur d’anthologie
- Efficacité globale
- Prix encore attractifs
Les moins
- Souvent usée jusqu’à la corde
et bidouillée - Pièces spécifiques plus disponibles
- Amortissement raide