Et Audi créa la quattro…
Si Dieu a créé la femme, c’est Audi qui a créé le quattro ! Un nom aujourd’hui indissociable du constructeur, qui fut à la base donné au fer de lance du constructeur en ce début des années 80. Il prend la forme d’un coupé de Grand Tourisme à vocation sportive avec son performant 5 cylindres turbo de 200 ch. Mais pas que…
En bref
Second coupé Audi, première quattro
Modèle iconique, avec moteur 5 cylindres « turbo »
Produit de 1980 à 1991 à 11 451 exemplaires
Cote 2019 : 50 000 € environ
Parfois, une vraie bonne idée naît d’une intuition. Pour l’Audi quattro, elle est simple et se résume à « que donnerait en efficacité pure une voiture de sport dotée de 4 roues motrices ? ». Certes, en cette fin des années 70, outre l’émergence naissante de singuliers 4×4 de loisirs sachant presque tout faire, portés par le révolutionnaire Range Rover, il y a bien eu quelques essais en la matière sur quelques autos de tourisme. Mais pour être honnête, tous sont restés pour le moins confidentiels, transposés à quelques modèles exotiques de chez le japonais Subaru, ou de l’anglais Jensen, qui a équipé sa luxueuse Interceptor FF d’un tel dispositif en ayant recours à un brevet Ferguson. Autant dire que tout restait à inventer… Durant l’année 1976, Audi prend un virage décisif en arrêtant la commercialisation de sa 100 S Coupé, première voiture d’image pour le constructeur, surtout en portant un certain Ferdinand Piëch aux commandes du bureau d’études. L’homme, autant ingénieur automobile de talent que visionnaire, avec l’envie et l’ambition de hisser Audi au niveau des meilleurs, sait que le succès se fera grâce à une innovation majeure, portée par des victoires éclatantes en compétition, au plus haut niveau, pour briller aux yeux du grand public.
Piëch sait de quoi il parle, puisqu’il fut l’artisan du règne de Porsche en Endurance, grâce à la conception de la mythique 917, victorieuse au Mans… et sur tous les circuits du monde. Mais que faire avec Audi ? C’est en fait un pilote-essayeur, de retour de tests « grands froids » effectués en Laponie au-delà du cercle polaire, qui le mettra sur la piste à suivre.
Ce dernier lui relatait les difficultés rencontrées dans la neige par leurs voitures en développement, au contraire du VW Iltis de l’assistance, un petit 4×4 léger et agile, qui se jouait des obstacles. Piëch sent qu’il y a un vrai potentiel pour une voiture de tourisme munie d’une telle transmission intégrale, à condition qu’elle soit compacte et légère, et qu’il serait judicieux de l’intégrer sur un coupé haut de gamme, pour remplacer la défunte 100 S Coupé. De plus, côté moteur, il y a cette fois un bloc prometteur de disponible, un tout nouveau 5 cylindres atmosphérique de 136 ch en l’occurrence (largement imaginé par Piëch !), emprunté à la nouvelle berline 100 de seconde génération. Il est justement en plein développement, en étant doté d’un gros et inédit turbo pour équiper le futur vaisseau amiral de la gamme, la première Audi 200. C’est une grande routière luxueusement équipée lancée en 1979, capable pour la première fois de rivaliser avec BMW et Mercedes avec son écurie de 170 ch. Voilà donc un bon début pour motoriser ce futur coupé de Grand Tourisme, car après une sérieuse optimisation, les ingénieurs parviennent à en tirer jusqu’à 200 ch. L’Audi quattro allait pouvoir sortir du bois…
Tube des années 80
Certains symboles en disent plus long qu’un simple discours, et ce n’est pas par hasard que Piëch décide de présenter cette nouvelle Audi au très chic salon de Genève de mars 1980. C’est précisément ce salon qui accueille traditionnellement tous les modèles haut de gamme et de prestige. Un exemplaire d’un blanc immaculé trône sur le stand Audi et curieusement, il passe presque inaperçu auprès du public… et des journalistes. Personne n’a encore décelé la révolution portée par cette voiture à transmission intégrale permanente qui doit encore faire ses preuves. Côté style, cette Audi baptisée sobrement « quattro » (« quatre » en italien, avec un « q » minuscule) s’inscrit parfaitement dans ce que va produire la décennie des années 80 : des voitures très cubiques ! Tout semble taillé à la serpe sur ce grand coupé anguleux de 4m16 de long, jusqu’aux 4 phares carrés, un gimmick déjà vu un an auparavant sur la grosse berline 200. En fait, les seules rondeurs se cantonnent aux roues… et au dessus des ailes, qui adopte un singulier renflement. Un effet de style permettant de dynamiser le profil qui fera école, puisqu’on le retrouvera plus tard sur les mythiques BMW M3 4 cylindres, Lancia Delta HF Intégrale, Peugeot 205 Turbo 16… et les Audi actuelles !
Bien sûr, contrairement à la jolie 100 S Coupé qui bénéficiait encore de parties chromées, toute cette « argenterie » un rien vieillotte est ici supprimée, remplacée par des éléments en plastiques ou matériaux composite modernes, peints couleur carrosserie, pare-chocs compris. Des innovations à l’époque, toujours d’actualité de nos jours. Terminons ce tour du propriétaire par l’arrière, surmonté comme cela se faisait couramment à l’époque, par un gros aileron fixe en plastique noir moussé. Plus étonnant est la présence de feux qui se fondent dans un bandeau rouge translucide fixé sur toute la largeur du hayon. Là encore, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec les productions aux Anneaux les plus récentes, qui semblent réhabiliter ce « bandeau » horizontal arrière, quoique sur une forme plus actuelle. Quant à l’intérieur, assez vaste pour accueillir confortablement 4 adultes, il se distingue tant par sa qualité de fabrication, supérieure par certains aspects aux productions actuelles, que par son design, lui aussi pour le moins anguleux. En mettant le contact, on est surpris de découvrir un « cockpit virtuel » avant l’heure, en fait un gros affichage digital qui fait très réveil matin électronique d’un autre temps. Un vrai tube des années 80 cette Audi quattro !
Les 4 fantastiques
Si l’Audi quattro reste assez discrète sur la forme, et n’a assurément pas le charme d’une belle GT anglaise ou italienne, elle abat en revanche ses cartes au fil des kilomètres. C’est d’ailleurs lors des premières prises en main, puis des essais comparatifs que les journalistes auto, à commencer par André Costa de l’Auto Journal, se rendront compte de la supériorité technique de cette voiture sur toute la concurrence. L’écart est tel, surtout sur sol glissant, que l’on peut qualifier cette voiture de révolutionnaire. Et pour tous ceux qui ne liraient pas la presse auto, Ferdinand Piëch allait leur adresser le même message via tous les autres médias en faisant gagner l’Audi quattro en championnat du monde des rallyes, durant les saisons 1981 et 1982, avec pour dream-team Hannu Mikkola, Stig Blomqvist, Michèle Mouton et Walter Rhörl. Avec 23 victoires et 2 couronnes (pilotes et constructeur) en Championnat du Monde des Rallyes, la démonstration de force est éclatante. Voilà une épopée mécanique et humaine, orchestrée avec brio par Audi sport (avec Walter Treiser et Roland Gumpert !), restée dans la légende du sport automobile.
Près de 40 ans après ces exploits, prendre le volant d’une telle machine reste toujours un moment chargé d’émotion. Même sans exploiter la voiture à fond, en particulier sur une surface glissante, je me rends compte, moi aussi malgré mon modeste niveau de pilotage, de son incroyable potentiel dès que la route se fait plus sinueuse. Accrochée au bitume comme un chat ses griffes plantées dans une moquette, la quattro vire presque à plat, bien servie par une direction assistée très précise, tandis que la boîte manuelle à 5 rapports séduit par son guidage. Et ce fameux moteur est assurément un élément clé de la réussite de cette voiture. Passé le cap des 3000 tr/mn, on entre dans la plage du turbo (280 Nm à 3500 tr/mn), et on sent alors le Torsen travailler, avec un avant qui tracte et un arrière qui pousse de concert, projetant avec vigueur les 1300 kg de cette voiture vers le virage suivant (222 km/h maxi). L’effet est saisissant, et encore, je ne bénéficie pour cet essai que de la première mouture, la plus sage.
Agrémenté comme ici de 10 soupapes dès son lancement, ce moteur d’anthologie à l’architecture très particulière ne cessera de se bonifier au fil des nombreuses évolutions de la quattro. L’Audi la plus mythique de tous les temps achèvera sa carrière en beauté en 1991 après une production limitée à seulement 11 451 exemplaires, en affichantdans la salle des machines 20v… et 20 ch de plus (5 cylindres 2.2 turbo type « RR » de 220 ch pour les puristes). Un aboutissement pour celle que l’on surnomme désormais « Ur quattro ». Mais son moteur incroyable connaîtra une seconde jeunesse dans celle qui lui succèdera : la S2 Coupé…
L’avis d’Avus
L’innovante quattro a définitivement changé l’avenir du rallye… et celui d’Audi, en lui donnant une image véritablement « techno » et « premium », des valeurs toujours bien présentes chez le constructeur. Aujourd’hui, dans l’esprit de chacun, Audi est « quattro » et « quattro » est Audi. Un tandem infernal synonyme d’efficacité absolue, qui a depuis été largement copié par la concurrence, à commencer par BMW (xDrive) et Mercedes (4Matic), signe de sa pertinence. Et de sa bienveillance, avec ceux qui ont la chance d’avoir cet équipement sur leur monture. Car avec de bons pneus, cette transmission intégrale miracle a probablement fait bien plus pour la sécurité routière, que n’importe quel radar…
Fiche Technique :
Audi Quattro 10v (1982)
- Moteur : 5 cylindres en ligne, 10 soupapes, 2144 cm3
- Alimentation : injection mécanique Bosch + turbo
- Puissance maxi (ch à tr/mn) : 200 ch à 5500
- Transmission : aux 4 roues (quattro avec Torsen), boîte
- mécanique à 5 rapports
- Suspension AV : système McPherson, ressorts hélicoïdaux,
- amortisseurs et barre stabilisatrice
- Suspension AR : roues indépendantes, système McPherson,
- ressorts hélicoïdaux, barre stabilisatrice
- Freins : Disques (av + ar)
- Dimensions L x l x h (m) : 4,40 x 1,72 x 1,34
- Poids (kg) : 1300
- Pneus : 235/45VR 15
- Vitesse maxi (km/h) : 222 km/h
- 0 à 100 km/h(sec) : 7,5
- Cote en 2019 : 50 000 euros (parfait état)
Les plus :
- Voiture révolutionnaire et mythique !
- Modèle relativement rare et recherché
- Agrément de conduite, performances
- Efficacité d’un autre monde !
Les moins :
- Rare en bel état
- Cote en hausse constante !
- Pièces spécifiques dures à trouver
- Peu de spécialistes, réseau incompétent