Découverte de l’Usine Audi de Bruxelles
Vers un élevage en batterie
Audi ne se contente pas de fabriquer à Bruxelles l’e-tron, son premier véhicule 100% électrique. Le constructeur assure aussi l’assemblage des batteries. Et pour rendre l’opération vraiment vertueuse, Audi fait en sorte d’obtenir un bilan carbone neutre. Suivez votre guide pour découvrir ce site exceptionnel de l’Usine Audi de Bruxelles…
Par Thomas Riaud, photos DR
Lorsque le Thalis ralentit avant de s’arrêter à la gare de Bruxelles, le train longe, durant de bonnes minutes, sur plusieurs centaines de mètres, une énorme usine siglée de 4 anneaux, coincée entre la voie ferrée et de vieux pavillons en petites briques.
C’est l’imposante usine de Forest, un site idéalement placé au cœur de l’Europe qui appartenait dès 1949 à D’Ieteren, l’importateur belge historique de Studebaker, mais aussi de Porsche, Volkswagen et… Audi.
Aujourd’hui, l’Usine Audi de Bruxelles appartient intégralement à Audi, qui en a fait une sorte de pôle d’excellence depuis 2010, date à laquelle le constructeur assemblait sa première A1, une référence dans le monde des citadines premium.
Mais les temps changent et, désormais, après 900 000 exemplaires fabriqués, le site de Forest a fait totalement peau neuve pour assurer la production de l’inédite (et innovante) e-tron quattro, la première voiture électrique d’Audi.
Un chantier titanesque, étalé sur 2 ans, qui a nécessité plus de 600 millions d’investissement, le tout sans perturber la fabrication de l’A1, dont la seconde génération est assemblée, désormais, en Espagne.
Mais adapter la ligne de production à un gros SUV électrique, par nature encombrant et lourd, n’est pas une mince affaire.
Il a fallu renforcer toute la structure du bâtiment, avec l’apport de la bagatelle de 7500 tonnes d’acier, soit un peu plus que notre Tour Eiffel !
Mais au-delà de ces chiffres incroyables, propres à donner le vertige, le plus étonnant reste la démarche d’Audi, qui tente d’être vertueux dès la production.
Voilà un procédé qui a ici plus que jamais du sens, hélas encore bien trop rare dans le domaine de la voiture électrique, pas aussi écologique que l’on tente de nous le faire croire…
« Vertueuse dès la production, l’usine de Forest a reçu avec succès le très convoité certificat neutre en CO2»
Bilan carbone « neutre » ?
Ainsi, après ce remaniement en profondeur, l’usine de Bruxelles a reçu avec succès le très convoité certificat « neutre en CO2 ».
Pour ce faire, l’électricité qu’elle utilise est notamment produite par 37.000 m2 de panneaux photovoltaïques installés sur les toits, mais aussi par du biogaz utilisé pour le chauffage, sans oublier des pompes à chaleur et l’eau recyclée… Mais là où les choses deviennent intéressantes, c’est qu’Audi fabrique également la batterie de son e-tron quattro.
Un sacré morceau d’ailleurs cette « pile », bien sûr essentielle dans la conception d’un engin à propulsion électrique, puisque celle-ci mesure 2m28 de long sur 1m63 de large pour 34 cm de hauteur. Un beau bébé de… 700 kg, présentant la surface d’une table de salle à manger, assemblé à partir de cellules achetées au spécialiste coréen LG.
Le boitier et le système de refroidissement sont en revanche de conception 100 % Audi. Au final, cela donne une batterie haute tension très sophistiquée.
Très sophistiquée et presque « propre » de surcroît, puisque celle-ci peut être recyclée à 95%. Pour y parvenir Audi, associé au spécialiste des matériaux Umicore, proposent de le faire dans un circuit fermé. Le processus implique dans un premier temps de vérifier la pureté des matériaux récupérés, ce qui implique, dès le départ, une sélection des meilleurs éléments.
Les matières précieuses telles que le cobalt, le cuivre ou le nickel sont ensuite mises à disposition dans une banque de matières premières avant de connaître une seconde vie.
En fin de compte, tous les éléments précieux présents en nombre dans les batteries seront utilisés dans de nouveaux produits à la fin de leur cycle de vie, et seront donc recyclés.
La performance est belle, mais tout cela ne doit pas occulter le fait que ces matériaux rares et précieux, encore indispensables à la composition des batteries, sont arrachés à la terre dans des conditions pas toujours très écologiques et respectueuses d’écosystèmes.
De plus, cela se fait, de surcroît, systématiquement à l’autre bout de la planète (Asie, Afrique, Amérique du Sud…), ce qui implique l’usage de transports souvent polluants. Un aspect des choses essentiel, pourtant trop souvent passé sous silence…
« Les 3000 salariés de cette usine communiquent tous les jours en allemand, français et néerlandais signe que nous sommes, ici plus qu’ailleurs, bien au cœur de l’Europe »
Propreté clinique
Bien sûr, travailler « à l’usine », de surcroît à la chaîne, n’a rien d’une partie de plaisir, mais on est étonné par la propreté des lieux et le calme qui y règne.
Un protocole imposé par la dangerosité des matières utilisées, ce qui explique pourquoi tout est largement automatisé au niveau de la conception de cette fameuse batterie.
Car il y a évidemment des précautions particulières à prendre pour que les travailleurs ne soient pas en contact avec des matières acides ou du courant haute tension.
Outre la présence de « classiques » robots, une armée de près de 200 machines détachées à ces manipulations dangereuses et aux divers assemblages, on a pu admirer en parallèle l’étrange ballet orchestré par des chariots totalement automatisés.
Un avant-goût de la voiture autonome… Ces derniers apportent au bon endroit et au bon moment le pack de batteries, avant que celui-ci ne soit placé puis vissé entre les essieux qui intègrent les moteurs. Un châssis qui prend progressivement forme devant nos yeux, et qui file ensuite à… l’étage supérieur.
Et là, c’est forcément bien plus animé du côté de la ligne de production. Ce qui surprend quand on est un novice de l’assemblage automobile, c’est de voir finalement un cheminement inverse à la logique du profane.
La voiture est en effet terminée dans la partie haute de l’usine, où se passe notamment le mariage entre la carrosserie avec la planche de bord, puis la base technique fabriquée au rez-de-chaussée.
C’est ici que l’on trouve l’essentiel des 3000 salariés de Forest, majoritairement des hommes, qui communiquent tous les jours en allemand, français et néerlandais, signe que nous sommes bien, à Forest plus qu’ailleurs, au cœur même de l’Europe. Ironiquement, c’est bien pour ce vieux continent qu’est d’abord assemblé ce premier modèle électrique signé Audi.
Un modèle ambitieux qui répond à une volonté d’abord dictée par les technocrates de Bruxelles. Dommage qu’ils ne soient pas aussi ingénieux et clairvoyants que les hommes qui animent Forest.
Des hommes toujours essentiels et irremplaçables lorsqu’il s’agit de vérifier, puis de valider, la qualité du produit final. Chaque voiture passe ainsi dans un tunnel de lumière rasante, pour traquer le moindre défaut.
Ensuite, un homme se glisse religieusement derrière le volant, puis part boucler quelques tours du circuit adjacent à l’usine, le temps de tester les fonctions de la voiture.
Une fois que tout est certifié conforme, chaque exemplaire est parqué sur un immense parking, en compagnie des centaines autres modèles assemblés, en attente d’être embarqué sur l’un des wagons, en partance vers une ville à l’autre bout de l’Europe.
C’est le début de sa plus grande aventure : aller à la rencontre de son futur propriétaire et découvrir ce vaste monde…