Techno Classica
Les idées larges
Le Techno Classica qui se déroule chaque année début avril à Essen reste bien le plus grand salon au monde dédié à la voiture de collection. De par sa taille, hors norme, on peut dire que ce salon a les idées larges. Mais c’était aussi un peu le thème retenu cette année par Audi Tradition, qui mettait en vedette ses « voitures à vivre »…
On a beau faire le déplacement tous les ans, on a du mal à s’habituer à l’ampleur de l’événement, tant il surprend par sa dimension hors norme. Car au Techno Classica, il y a en matière de voitures anciennes une quantité impressionnante de modèles, plus de 2700 pour être précis. Et de qualité avec ça, avec des autos totalement restaurées et, mieux encore, des exemplaires, épargnés par les caprices de leurs précédents propriétaires, restés dans leur jus. Certaines, bien fatiguées avec quelques tours du monde au compteur, vont passer inévitablement par la case « remise en beauté » mais d’autres, plus chanceuses, vont conserver une superbe patine. On voit donc de tout au Techno Classica d’Essen et cela se fait sur pas moins de 130 000 m2, répartis en une dizaine de halls, remaniés cette année, même si certains fondamentaux demeurent.
Ainsi, parmi les 1250 exposants présents chaque année, issus de 46 pays différents, on retrouve les grands constructeurs. En marge des clubs officiels (plus de 200 !), tous viennent exposer leurs gloires d’antan, mais pas tous à la même échelle. Tandis que Mercedes investit comme à chaque fois un hall tout entier, les multiples marques du groupe Volkswagen doivent au contraire se partager un hall. Une cohabitation forcée présentant des inégalités criantes, Porsche, VW et Skoda s’octroyant désormais l’essentiel de l’espace disponible, Audi devant composer avec un stand deux fois plus petit qu’avant le « dieselgate ». C’est ballot, dans la mesure où le constructeur aux anneaux ne fait déjà pas grand-chose le reste de l’année pour promouvoir son patrimoine… Au-delà de ces halls, le visiteur peut également aller « chercher bonheur » dans les grands espaces extérieurs réservés cette fois aux vendeurs de voitures, qu’ils soient particuliers ou professionnels.
Cela permet d’admirer d’autres modèles que l’on ne voit pas forcément à l’intérieur du parc des expositions (dont des Audi), mais aussi de « prendre la température du marché ». Une chose est sûre : même en matière de voitures anciennes, il est clair que l’Allemagne n’est pas la France. A Essen, la rouille vaut parfois de l’or, et les modèles recherchés en état nickel atteignent des sommets ! Ainsi, une belle Audi 100 S Coupé, hier délaissée, peut désormais prétendre à 40 000 €, tandis qu’une sublime RS2 bleue Nogaro, aller frôler les… 50 000 €. Ici, même les populaires NSU ou DKW jouent les divas, avec des tarifs affichés deux fois plus élevés qu’en France. Et que dire de certaines Audi de compétition, comme une bestiale S1 quattro de rallye ou une R10 TDI historique ayant couru au Mans, des protos d’usine construits au compte-goutte et à la main, dont les prix ne sont même pas indiqués, histoire de ne pas heurter certains esprits.
Bien sûr, la question est de savoir à quel prix partent réellement toutes ces autos, mais cela donne une idée de l’altitude où navigue, en Allemagne, le marché de la voiture de collection. Un marché qui fait le grand écart entre les youngtimers des années 80-90, de plus en plus prisés, et des autos nettement plus anciennes, nées avant-guerre. Car on trouve également des exemplaires vraiment « collector », à l’image d’une exceptionnelle Horch cabriolet des années 30 croisée dans une allée. Une belle décapotable saisie par l’armée américaine lors de la libération à un haut dignitaire nazi. Le plus dingue est que cette auto au passé tumultueux, autant lourd qu’improbable, restera « en l’état », jusqu’à aujourd’hui ! Une pièce de musée, qui porte encore les stigmates de l’Histoire, qu’il faudrait absolument conserver dans ce jus unique et si particulier qui lui donne toute sa valeur.
Ambition, passion et tradition
Bien évidemment, un passage chez nos amis d’Audi Tradition est obligé. Thomas Frank, directeur de cette belle officine, me fait l’amitié de me recevoir pour me présenter dans un français impeccable son stand. Pour être honnête, il m’avoue en toute transparence qu’il était initialement prévu de célébrer les 25 ans de la mythique RS2, en inondant le stand avec des variantes de toutes les couleurs. Mais finalement, le thème retenu cette année est « les voitures à », avec la mise en avant de variantes familiales, qui nous rappellent qu’Audi a été pionnier en la matière. Baptisées « Variant » dans un premier temps, à la fin des années 60, ces déclinaisons plébiscitées par les familles ont vite pris le nom d’Avant, pour porter haut ce concept, à tel point que le grand break est désormais synonyme d’art de vivre. Forcément, il y a eu un « avant », mais pas aussi ringard qu’on pourrait le penser, comme l’attestent la présence d’une antique DKW 3=6 « woodie », irrésistible avec sa cellule arrière composée d’une très chic ossature en bois vernis apparent, comme sur certains vieux breaks US ou britanniques.
Le transporteur rapide DKW, rival direct du célèbre VW Combi qui a également participé activement à la reconstruction de l’Allemagne après-guerre, était également présenté, en une belle déclinaison semi-vitrée. C’est d’ailleurs avec le même type de carrosserie qu’Audi Tradition exposait son successeur, le méconnu Imosa F1000 D, un élégant petit utilitaire carrossée par Fissore, construit sous licence en Espagne dès 1963. Dans le registre « voiture oubliée », on pouvait également (re)découvrir l’Audi 100 Avant GLS de 1978, un modèle à vrai dire plus proche de la berline Sportback avec son hayon très incliné que du break classique qui deviendra par la « magie » (et volonté !) du groupe VW la toute première… Passat. Enfin, terminons par notre coup de cœur, une rarissime Foxwagon, en fait une Audi 80 Avant de seconde génération réservée à l’export, notamment pour les Etats-Unis. Forcément, pour satisfaire aux normes US de l’époque, cet exemplaire marron glacé métallisé, très seventies sur la forme, recevait des super pare-chocs en inox, mais aussi une paire de double optiques rondes transfigurant sa proue. Au final, ce sont pas moins de 190 000 visiteurs qui auront pu admirer ces trésors, prouvant une fois encore que les anciennes voitures ont assurément un bel avenir. De ce côté du Rhin et ailleurs…