Reportage Quattro Festival : Du bon, du beau, et du quattro à gogo !
Chaque année, en juillet, se tient un événement un peu spécial chez nos amis autrichiens : le quattro Légende. Un événement complètement dingue, qui mixe course de côte, parade et exposition d’Audi plus incroyables les unes que les autres. Ce rassemblement hors-norme méritait bien un reportage… hors-norme. Vous aussi, entrez dans la légende !
Loin de moi l’idée de vouloir jouer au blasé, mais en près de 9 ans d’Avus, j’ai eu le temps de faire le tour de la « planète Audi », si bien qu’il est difficile aujourd’hui de me surprendre. Mais en me rendant cette année au 13ème « Quattro Légende », qui se déroulait du 4 au 7 juillet, je n’ai pas regretté le moins du monde de louper le Mans Classic. C’est dire le niveau de ce rassemblement ! Pourtant, à la base, rien ne prédestinait le paisible village de St Gilden, posé sur les rives du majestueux lac « Wolfgangsee », à devenir le plus grand rassemblement au monde d’Audi anciennes et de compétition. Mais pourquoi diable le patelin de St Gilden qui compte en temps normal à peine plus de 3500 âmes ? L’histoire, assez incroyable, rapporte que le gérant du « Fisher Wirt », restaurateur de son état et accessoirement passionné par les Audi quattro, a eu l’idée de joindre l’utile à l’agréable en imaginant ce festival un peu unique, d’abord pour créer de l’activité au sein du village et ensuite, faire tourner son affaire.
L’office de tourisme l’a appuyé, la concession Audi locale aussi, et au fil des ans, son « quattro Légende » est devenu un must incontournable en la matière ! Outre un plateau de dingue rassemblant cette année pas moins de 231 voitures inscrites à la course de côte (et plus du triple dans les rues !), son événement reçoit désormais le soutien officiel de Audi AG. La maison mère a mis du temps à suivre le mouvement, mais face à l’ampleur du quattro Légende, avait-elle un autre choix ? D’ailleurs, traditionnellement, d’illustres pilotes de la marque viennent de longue date également assurer le show et ravir les milliers de fans aux Anneaux. Cette année, Walter Röhrl n’a pas pu faire le déplacement, mais l’ami Stig Blomqvist s’est plié de bonne grâce à cette « obligation », pour le plus grand bonheur de ses nombreux passionnés de rallye.
Vol au-dessus d’un nid de quattro
A mon arrivée, le jeudi 5 au soir, de nombreux participants sont déjà sur place, et je ne sais plus où donner de la tête. Il y a des Audi absolument partout, plus ou moins jolies et anciennes, avec des collectors en pagaille venus de toute l’Europe. Rien que le parking vaut le coup d’œil, avec une concentration assez incroyable de youngtimers : Audi 80 de toutes les générations, dont de nombreuses versions quattro, mais aussi des 100, 200, S2 coupé, S4, RS2, RS4, RS6 et anciennes V8 sont de la partie. Plus loin, en remontant vers le restaurant « Fisher Wirt » situé en bonne place sur les rives du lac, dans le centre historique, je découvre, alignés comme à la parade des Audi GT, puis des Ur quattro 10v et 20v en nombre. A l’image des autres modèles cités plus en amont, certaines sont absolument « stock », dans un état concours, et d’autres semblent au contraire servir de daily driver à certains amateurs. Des amateurs qui n’hésitent pas, pour certains, à recourir au tuning pour personnaliser leur monture, un genre dont nous ne raffolons pas vraiment, mais qui est très populaire outre Rhin.
Pour être honnête, si le mauvais goût massacre, hélas, définitivement quelques exemplaires, force est de reconnaître que certaines préparations pas trop outrancières restent agréables à l’œil. Et à l’oreille, car en Allemagne comme en Autriche, les autorités semblent bien plus permissives que chez nous, ce qui donne une bonne latitude aux amateurs de sensations fortes qui ont recours aux bons services de MTM, Abt ou autres officines de renom. Ainsi, même si vous avez la chance de rouler en RS4 récente, ne soyez pas surpris de vous faire déposer par une antique 200 20v quattro survoltée !
En arrivant en vue du restaurant, épicentre et QG de la concentration, mon excitation monte à son comble. Cette fois, je rentre dans le « saint des saints », le carré réservé aux modèles de compétition. De mémoire, même au rallye de l’Eifel ou à Goodwood, je n’ai jamais vu autant d’Audi historiques de course, notamment de prestigieuses Groupe B. Elles sont presque toutes là, avec majoritairement des A2 quattro longues, mais aussi de bestiales S1 quattro à empattement court, avec les redoutables dérivés E2 (Evolution 2) bardés d’appendices aérodynamiques. Pour que le tableau soit complet, il ne manque plus qu’une version Pikes Peak ! Un peu plus loin, je reconnais une bannière qui m’est familière, celle de notre club partenaire du « Roc Racing Historic ». L’ami Norbert Clément est venu faire admirer sa rarissime Audi 200 turbo de Superproduction, une auto victorieuse au Championnat de France en 1986 avec Xavier Lapeyre construite à seulement… 3 exemplaires.
Méfiez-vous des contrefaçons
Garée juste à côté se trouve une monstrueuse 90 IMSA GTO (720 ch !), qui s’est imposée en 1989 dans le Championnat américain entre les mains de Hans Stuck et Hurley Haywood. Norbert, en terrain conquis, me fait faire la visite et me présente aux propriétaires de ces beaux joujoux qu’il connaît tous plus ou moins. Parmi eux, un heureux collectionneur spécialisé plus volontiers dans les Sport quattro, ces fabuleuses Groupe B « street » produites à seulement 214 exemplaires pour satisfaire aux normes d’homologation à l’époque en rallye. L’intéressé possède un exemplaire de chaque couleur, excepté le bleu foncé, ce qui est une jolie performance lorsque l‘on sait qu’une Sport quattro cote aujourd’hui plus de… 450 000 € pièce !
Je vais de découvertes en découvertes, et tombe sur Walter Treser en personne, venu avec un singulier Ur quattro roadster de sa création. Une vraie rareté elle aussi, très prisée par les amateurs de curiosité, qui laisse plus perplexe l’ami Bernard Peuplier, membre de longue date du Roc Racing. De son côté, il est venu avec un sublime Ur quattro A2 répliqua, une auto reconstruite par ses soins sur près de 9 ans dans le strict respect de l’authenticité, exclusivement avec des pièces d’origine ! D’ailleurs, il convient dans ce quattro Légende de se méfier des contrefaçons… qui sont à peu près partout.
D’après Norbert, près de 90% des voitures de rallye engagées sont des fausses, mais toutes témoignent du même souci du respect du détail. N’allez surtout pas croire qu’il s’agit de pâles répliques faites au fond du garage d’un pavillon par des bricolos du dimanche. Il suffit de regarder le prix demandé pour acquérir une S1 quattro E2 plus vraie que nature pour s’en convaincre, affichée pour la modique somme de 230 000 €. C’est sûr, avec un 5 cylindres 2.1 turbo préparé à 620 ch, et tout le reste au diapason, on ne fait pas ici dans la voiture de Jackie !
Quattro show…très chaud !
C’est le lendemain que les choses sérieuses commencent… Les participants prennent la route en direction de la proche montagne, durant une vingtaine de kilomètres, pour prendre le départ de la spéciale à près de 900 m d’altitude. Enfin, quand je dis « prendre la route », Norbert est obligé de la parcourir en chargeant son joli monstre sur son plateau, sa voiture n’étant pas homologuée pour circuler sur route ouverte ! Les 231 participants sont répartis par plateau, et Norbert a logiquement les honneurs de la catégorie « compétition ». Les voitures sont à la queue leu-leu, et toutes les 30 secondes un départ est donné pour une folle ascension jusqu’à la station de sport d’hivers de Postalm. Malgré un déluge qui s’est invité à la fête, le public est venu en masse soutenir ces joyeux « fous du volant ». Bien leur en a pris, car le spectacle vaut son pesant d’or.
Bientôt, la quiétude de la montagne est troublée par des vrombissements, puis un déchirement de l’air. Avant de voir surgir au détour d’un virage les autos, on perçoit d’abord les « pschittt » des soupapes de décharge des turbos résonner jusque dans le fond de la vallée. La pluie aurait pu jouer les trouble-fêtes, mais la magie du quattro opère, chaque auto semblant ignorer l’adhérence précaire de l’asphalte détrempé. Une constante sur chaque plateau, avec une mention pour certains pilotes de vieilles et agiles Audi 80 quattro B2, manifestement habitués des lieux, venus assurer un grand spectacle !
Après une montée en reconnaissance, on prend les mêmes et on recommence, en plaçant cette fois le curseur un peu plus haut côté performances pures. Il n’y a pourtant aucune notion de compétition, aucun chronomètre, rien à gagner. Chacun est là pour la beauté du geste, par amour des Audi et l’envie de partager sa passion. Après l’ouverture de la cession par une RS6 dernier modèle utilisée en safety car, chaque participant monte donc à son rythme. Norbert le fera à une allure plus que respectable, même si sa grosse auto, taillée pour les circuits larges et rapides, n’était pas vraiment dans son élément sur cette départementale étroite, sinueuse… et détrempée ! « Le gros problème, c’est la plage d’utilisation du turbo, assez réduite puisqu’elle débute à partir de 4000 tr/mn. Du coup, il faut essayer de rester dans les tours pour avoir de la puissance, chose un peu compliquée parce que ça tourne beaucoup, sans compter les épingles qui cassent la vitesse ».
Pour clôturer cette journée en beauté, avant de savourer une bonne bière entre passionnés, les participants ont eu le loisir de parader en fin d’après-midi dans le centre historique de St Gilden. Une parade là encore un peu particulière, puisque chaque voiture est lâchée toutes les 30 secondes, avec un départ sur les chapeaux de roues. Au démarrage des S1 quattro E2, le bitume semble plisser sous les roues, et en à peine 3 secondes ces fabuleux bolides flirtent déjà avec les 100 km/h dans les ruelles étroites. Complètement dingue ! Dingue est l’adjectif qui colle le mieux à ce quattro Légende, un événement vraiment unique en Europe, et probablement au monde, autour de l’univers des Audi. Nous sommes tous tombés sous le charme de cette manifestation à la fois haut de gamme, populaire et bon enfant, et nous n’osons imaginer quelle sera la qualité du plateau en 2020, pour célébrer les 40 ans du quattro. En ce qui nous concerne, une chose est sûre : nous irons vérifier sur place !
Mille mercis à Audi France pour son aide à la réalisation de ce reportage et à nos amis du Roc Racing Historic.