Du haut de ses 400 ch et performances ébouriffantes, le nouveau TT RS est si performant qu’il en vient à bousculer la hiérarchie dans le monde des supercars. Preuve en est la R8 V10, qui peine à contenir les assauts de ce petit teigneux de TT. Voici une rencontre au sommet… fratricide !
En bref
Audi TT RS
Troisième génération de TT, et seconde version de RS
Moteur : 5 cylindres 2.5 TFSI de 400 ch
Performances : 0 à 100 km/h en 3,7 sec -280 km/h
Prix : à partir de 74 800 € (coupé)En bref
Audi R8 V10
Seconde génération de R8
Moteur : V10 5.2 FSI de 540 ch
Performances : 0 à 100 km/h en 3,6 sec – 318 km/h
Prix : à partir de 171 300 € (coupé)
C’est bien connu, les petits jeunes ne respectent rien, pas même leurs ainés. Il paraît que c’est l’époque qui veut ça, mais en automobile, cela n’a pas que des inconvénients. Ainsi, sur le vaste marché des berlines compactes et des petits coupés sportifs, il n’est plus rares de voir désormais certains modèles siglés GTI damer le pion à quelques montres sacrés des années 80-90. Prenez par exemple le TT, 3ème du nom, apparu en 2014. L’an passé, Audi a eu la bonne idée de le décliner en version « RS » et de reconduire le fameux 5 cylindres turbo, un bloc fabuleux intimement lié à l’histoire d’Audi qui vit certainement ses derniers jours, pour cause de normes antipollution. Profitez-en, car depuis la disparition des mythiques Groupe B, jamais ce 5 cylindres n’a été aussi explosif ! Et cette fois, il est en vente libre, et pas réservé à la compétition.
Le département « quattro GmbH », fraîchement rebaptisé « Audi sport », a eu la main lourde en le poussant de 340 ch à… 400 ch ! Par rapport à l’ancienne mouture, les ingénieurs ont tout revu et corrigé, au point d’être parvenus à alléger ce bloc alu de 26 kg, ce qui est tout bénéfice pour le train avant, et donc, pour le comportement. Et pour bien sentir « l’effet turbo » dans le creux des reins, de turbo, il y en a justement un gros, comme on aime, soufflant à 1,35 bar ! Un bonheur n’arrivant jamais seul, celui qui était jadis cantonné au rôle de joli coupé des beaux quartiers a fait une cure d’amaigrissement, en ayant largement recours à l’aluminium au niveau de la structure.
Bref, ce traitement de choc a transformé le TT en un véritable avion de chasse, capable désormais de survoler l’exercice du 0 à 100 km/h en 3,7 secondes et d’accrocher les 280 km/h ! Cela ne vous parle pas bien ? Pour comparer, c’est du niveau en accélération de l’ancienne Audi R8 V10, qui n’avait pourtant pas l’habitude de se traîner. D’où l’idée, un peu saugrenue, de confronter ce TT RS à la nouvelle R8 V10, toutes deux en spyder. Un vrai match au sommet !
Tradition ou avant-garde ?
Comme ses prédécesseurs, ce TT de troisième génération reçoit son moteur transversalement, sur le train avant. Une architecture très classique, sauf que le RS n’est pas une simple traction avant, mais une intégrale, dotée de série du quattro (système Haldex). La R8 est, sur ce point, au top de ce qui se fait en ce moment en proposant une architecture digne d’une authentique voiture de course, son V10 5.2 FSI étant placé longitudinalement, en position centrale arrière. Ceci permet d’équilibrer au mieux les masses, et comme le TT RS, la R8 reçoit d’office la transmission intégrale quattro, sauf qu’il s’agit dans le cas présent d’un système plus proche d’un Torsen. Et contrairement au TT, dont la structure offre un mixte entre de l’aluminium et de l’acier, la R8 s’en remet exclusivement à de l’aluminium, avec une structure ASF (Audi Space Frame), garante de légèreté et de rigidité. En clair, voilà une confrontation qui tourne entre la tradition et l’avant-garde !
En prenant place à bord, on trouve pourtant deux univers très proches, qui respirent à pleins poumons la sportivité avec de nombreuses pièces en aluminium ou en carbone. Il y a eu manifestement un échange de bons procédés, la R8 ayant hérité du cockpit virtuel inauguré par le dernier TT, et le TT RS ayant eu la bonne idée de s’inspirer de l’ergonomie de la R8, notamment en adoptant un volant à méplat doté du démarreur. Dans les deux cas, la position de conduite s’ajuste au millimètre, la dotation est complète et la finition est parfaite. Si les sièges en cuir du TT font plus « Grand Tourisme », en offrant un maintien latéral moindre que dans la R8, c’est match nul côté aspects pratiques. En revanche en version coupé, le TT se rattrape en étant plus facile à vivre au quotidien, en offrant 2 places d’appoint à l’arrière (pour cul-de-jatte !), et un coffre digne de ce nom accessible par un hayon. A bord de la R8, en coupé ou en spyder, même combat : il y a beaucoup d’espace pour 2 adultes de grande taille, mais il faudra apprendre à voyager léger, le coffre situé à l’avant ne pouvant engloutir qu’un grand sac. Pour les clubs de golf, il faudra penser à autre chose…
Balle au centre ?
En fait, sur la R8, du « coffre » il y en a surtout à l’arrière, le sublime V10 étant logé en position centrale. Mais pour l’admirer sous le capot moteur transparent, tel un joyau dans une vitrine, il faudra opter pour le coupé, le spyder ayant la mauvaise idée de le cacher. Dès la « mise à feu », il exprime clairement son envie d’en découdre, notamment à la vue de notre superbe circuit du Pays de Galle. Après une « mise en jambe », nécessaire pour faire chauffer la mécanique et reconnaître le tracé exigeant de ce circuit qui compte de nombreux virages « en aveugle », je peux enfin libérer les 540 équidés que compte l’écurie. Souple à bas-régime, ce V10 étonne par sa propension à « prendre les tours », à plus de 8000 tr/mn, l’aiguille digitale du compte-tours se jetant avec frénésie dans la boîte à gants.
Pour être honnête, il faut dire que ce fantastique V10 n’est pas à 100% Audi, mais qu’il est d’origine Lamborghini, puisqu’il est monté sur l’Huracàn. Audi sport s’est contenté de le rendre plus docile à l’usage, mais sans rien sacrifier à son caractère latin. D’ailleurs, question « moteur », le constructeur aux anneaux sait plus que se défendre, et il suffit de faire quelques tours à bord du TT RS pour s’en convaincre. Sur le papier, un 5 cylindres compte moitié moins qu’un 10 cylindres, mais dans le cas présent, il n’en est rien. Outre une sonorité incroyable, avec une explosion à chaque changement de rapport lorsque l’échappement actif est activé, ce TT RS pousse « velu ». Sur un départ-arrêté, grâce à la procédure de démarrage express « launch-control », ce TT énervé parvient à rester dans les échappements de notre R8 ! Vu l’écart de prix entre ces deux autos, qui varie presque du simple au double, voilà qui doit être plus que pénible à supporter moralement : ce TT est plus difficile encore à décrocher que le sparadrap du Capitaine Hadock !
La R8 a beau accélérer sauvagement à chaque sortie de virage, rien n’y fait : le TT reste ventousé à la piste et à son pare-choc arrière, telle une sangsue ! Seul un petit dixième sépare nos bolides sur l’exercice du 0 à 100 km/h, au profit de la R8 (l’honneur est sauf !), mais sur un tracé sinueux, cela reste trop peu pour les départager. Balle au centre et un partout ! Alors, vient à l’esprit cette question cruciale qui dérange : à quoi bon acheter une R8 V10 si le nouveau TT RS marche aussi fort ?
Si l’une et l’autre partagent ce goût immodéré pour les très hautes performances, elles ne partagent pas en revanche le même état d’esprit. Si sur route ouverte il sera difficile de faire la différence, sur circuit, la R8 remet les pendules à l’heure. Elle fait montre d’une véritable démonstration de force, en prouvant qu’elle est parfaitement dans son élément. La R8 vire presque à plat, et sait pivoter autour du point de corde en dérivant légèrement de l’arrière, bien aidée par un équilibre naturel que le TT RS n’a pas. Notre TT claque des chronos exceptionnels, mais pas avec le même brio. L’amortissement, plus souple en détente, génère davantage de roulis, y compris en mode « dynamic » et avec la suspension pilotée optionnelle. Les beaux sièges baquets maintiennent également moins bien, et quattro ou pas, dans les virages abordés « pleine balle », on retrouve toujours cette fâcheuse tendance à « tirer tout droit », ce qui pénalise l’agrément de conduite. Quant à la boîte S-tronic à 7 rapports, elle n’affiche pas non plus la même réactivité et tolérance que celle montée dans la R8. Un constat qui devient édifiant si l’on prend les commandes de l’élitiste variante « plus » de 610 ch, qui exacerbe les atouts de la « simple » R8 V10…
L’avis d’Avus
On a beau aimer, il faut savoir compter, et si votre usage se limite au grand tourisme sur route, le TT RS s’impose haut la main, en offrant un agrément et des performances dignes d’une R8 V10, pour deux fois moins cher. Cela étant posé, il faudra considérer les choses sous un angle diamétralement opposé si vous êtes un adepte des « track-days ». Car lors d’une cession « circuit », la talentueuse R8 surclasse littéralement le TT RS ce dernier, plus pataud, restant d’abord une GT très performante dédiée à la route, utilisable tous les jours. Enfin, question exclusivité, même si l’incroyable TT RS va rester rare dans l’absolu, il ne peut rivaliser en prestige face à la spectaculaire R8, plus proche sur la forme d’une supercar… forcément super chère !
Les alternatives
Porsche 718 Cayman S / Boxster
Depuis l’arrêt du regretté Cayman GTS doté du mythique Flat 6, le duo Porsche Caymon – Boxster a été rétrogradé d’un bon cran en se convertissant aux 4 cylindres « turbo ». Bien que brillant (350 ch), il ne peut suivre la cadence du TT RS, et sa sonorité manque d’émotion. En revanche, question équilibre, le Cayman – Boxster reste une référence ! A partir de 70 640 €.
McLaren 540C
La nouvelle « petite » McLaren, disponible seulement en coupé, a déjà tout d’une grande, avec une gueule d’enfer et un V8 3.8 biturbo qui développe également 540 ch. Si les performances sont du niveau de la R8, la McLaren fait en mieux en dynamisme et feeling de conduite, au point de se poser en référence. Le tout avec un blason plus prestigieux proposé à un tarif moindre (à partir de 164 500 €).