Avoir un grand coffre, pour embarquer armes et bagages, c’est bien, mais en voir aussi « sous le pied », c’est mieux ! Rares sont les autos à concilier ces 2 aspects, que tout oppose. Mais chez Audi, il existe pourtant 2 modèles répondant à ces critères : la très méchante RS6, qui trouve désormais sur sa route l’improbable SQ7. Une rencontre s’imposait…
En bref
Audi SQ7
Premier Q7 siglé « S »
Moteur : V8 biturbo 4.0 TDI de 435 ch
Vitesse maxi : 250 km/h (autolimitée)
Prix (à partir de) : 107 860 €
Marc est un homme heureux, qui a une vie sans histoire et une belle situation. Parce qu’il aime l’automobile, il s’est fait un « petit plaisir » en s’offrant, avec ses premiers salaires, un beau roadster sportif. Et puis, il a rencontré un jour Valérie, une jolie brune pétillante divorcée qui a déjà eu un enfant, d’une précédente union. Par amour, Marc s’est résigné à se séparer de sa belle auto pour la remplacer par un monospace, forcément plus pratique au quotidien. Mais Marc s’est promis de ne pas renoncer à sa passion et de lâcher, dès que possible, sa « bétaillère mazoutée ». Les années passent et un matin, Valérie met au jour des jumeaux. Cette fois, il faut investir dans une grande familiale, performante de préférence, afin de renouer avec un certain plaisir de conduite. Pour dénicher sa future voiture, Marc a été bien inspiré de pousser le porte d’une concession Audi.
Dans le vaste show-room inondé de lumière trône un sublime break à la musculature prononcée, mise en valeur par un bleu « électrique » qui attire l’œil. Marc apprend qu’il s’agit de la RS6, une auto dont la fiche technique donne matière à saliver : V8 4.0 biturbo à désactivation partielle des cylindres, 560 ch au bas mot (jusqu’à 605 ch en version « Performance »), 250 km/h en pointe et… 565 litres de capacité de charge sous le cache-bagages électrique ! Pour ne rien gâcher, Marc est instantanément séduit par l’ambiance à bord, avec ces sièges enveloppants en cuir et alcantara avec surpiqûres assorties à la teinte de la carrosserie, mais aussi par cette planche de bord sobre et fonctionnelle, habillée de placages en carbone. C’est à la fois chic, sobre et sportif, et la finition exemplaire achève de le convaincre. Mais au moment où Marc s’imagine déjà dévorer les kilomètres à son volant avec sa petite fratrie, voilà qu’une grosse masse blanche posée au fond du show-room attire irrémédiablement son regard. C’est un Q7, celui de seconde génération, proposé pour la première fois en variante « S ». Lorsque Marc apprend qu’il s’agit d’un vulgaire TDI, il tourne les talons et se pince le nez.
Mais le commercial a tôt fait d’éveiller sa curiosité et… de le rassurer ! Ce diesel dernier-cri est un noble V8 4.0 biturbo de 435 ch, autant dire ce qu’il se fait de mieux aujourd’hui en la matière. Mieux : une électrification partielle, assurée par un système embarqué délivrant 48V (alimenté par une batterie au lithium-ion), permet d’alimenter un compresseur électrique. De quoi obtenir, sans le moindre temps de réponse, quelques 900 Nm dès 1000 tr/mn ! Un couple de tanker semblable à un uppercut de Mike Tyson, reléguant presque la RS6 au rôle de « petit bras » (700 Nm à 1750 tr/mn). Et au rang de « petit break » également, la SQ7 revendiquant 803 litres d’emport… en configuration 5 places. Car contrairement à la RS6, ce grand SUV peut offrir jusqu’à 7 places. Pratique, au cas où Valérie voudrait remettre le couvert !
Combat de chefs
Evidemment, pour pouvoir embarquer tout cela, le SQ7 donne dans le format XXL en accusant 5m07 de longueur. Clairement, il s’adresse à ceux qui n’ont pas de problème de parking, ni d’argent d’ailleurs, son prix débutant à 107 860 € en 5 places, et sans compter le malus. C’est là que ce match inédit prend tout son sens, car ce prix déjà rondelet grimpe à 126 450 € sur la RS6, qui rend pourtant 9 cm en longueur (4m98). Qu’a-t-elle de plus ? Rien, et plutôt moins même, sa conception déjà ancienne lui interdisant l’accès au désormais fameux cockpit virtuel, cette dalle numérique de 12,3 pouces à affichage variable qui remplace très avantageusement les traditionnels compteurs. Sur le papier, cette RS6 qui arrive en fin de carrière ne peut objectivement pas lutter face à ce SQ7, plus moderne et rationnel. Heureusement pour elle, c’est une Audi « RS », autrement dit une vraie « voiture passion », et c’est donc la subjectivité qui doit s’exprimer.
Cela commence dès la mise à feu du moteur, ce gros V8 essence qui ronfle à bas-régime. Un bloc expressif et… explosif, qui vous prend aux tripes au fur et à mesure qu’il grimpe dans les tours. Un vrai Stradivarius ! Ici, c’est « gaz » à tous les étages, et même si les 560 ch sont délivrés dès 5700 tr/mn, l’aiguille du compte-tours ne rechigne pas à chatouiller les 7000 tr/mn avant que la boîte Tiptronic à 8 rapports n’engage la vitesse supérieure. Entre chaque changement de vitesse, ça pousse vraiment fort, avec ce côté bestial étonnant, en décalage complet avec l’aspect « sage et familial » de cette auto. Ce concert de soupapes est amplifié par la trompette des lignes d’échappement et les énormes silencieux en caisson de basse, le volume géant du coffre faisant le rôle d’amplificateur. Et non content d’avoir un moteur d’enfer, ce gros break quattro dispose d’une direction précise et informative, et d’une position de conduite basse, permettant de sentir au mieux la route et le placement de la voiture. Bref, on ne conduit pas une RS6, mais on est en communion avec elle !
Avec le SQ7, tout change, et ici, l’expression « monter en voiture » prend tout son sens. Le centre de gravité haut perché n’invite pas à s’encanailler, et ce d’autant plus qu’on perçoit immédiatement que l’on conduit un vrai mastodonte, à la largeur décourageante. Pourtant, le SQ7 s’arrache de sa place de parking avec un punch que l’on ne soupçonne pas (0 à 100 km/h en 4,8 sec). Sur les tous premiers mètres, il donne le change à la RS6 et se permet même de lui infliger une correction, son couple énorme déboulant tout de suite, sans prévenir, tel un tsunami, quitte à martyriser la transmission et à vriller les jantes ! Plus étonnant encore est l’agilité dont ce gros SUV fait preuve dans les virages. Son secret ? Des roues arrière directionnelles, qui permettent à l’engin de se jeter à la corde avec allégresse et de paraître plus petit qu’il ne l’est en réalité. Bien sûr, même s’il vire à plat dans les virages grâce à sa suspension pneumatique mariant confort et efficacité, il faut garder à l’esprit que les lois de la physique demeurent cruelles pour un engin haut perché, pesant 2270 kg au bas mot (en 5 places). Mais les freins optionnels en carbone-céramique veillent au grain, et donnent l’impression rassurante de jeter l’ancre sans faiblir à chaque gros freinage. Face à ce poids-lourd, incarnation même d’une « force tranquille » inépuisable, la RS6 fait presque figure de ballerine en restant sous les 2 tonnes. Mais avec tout de même 1950 kg à vide, il faudra là encore faire preuve de clairvoyance sur une petite route sinueuse et étroite.
L’avis d’Avus
Marc a bien fait de se tourner vers ces Audi d’exception pour transporter sa petite famille, mais il va falloir trancher. Si Marc est un cérébral au sang froid, sachant faire preuve de retenue et de circonspection, l’incroyable SQ7 a toutes les chances de l’emporter, et pas seulement parce qu’il est affiché presque 20 000 € moins cher. Certes, son design trop lourd taillé à la serpe ne plaide pas en sa faveur, et son gros V8 s’essouffle vers les 5000 tr/mn, là même où celui de la RS6 explose de joie ! Mais son intérieur tiré à 4 épingles est objectivement plus vaste et pratique, plus « techno » également, et l’agrément de conduite dispensé surclasse bon nombre de grandes GT, tout en soignant les consommations. On est loin du ridicule 7,2 l/100 km annoncé par Audi, mais « dans la vraie vie » il est tout à fait possible de flirter avec les 10 l/100 km sans être pour autant un ayatollah de la « conduite citoyenne », ce qui reste remarquable à ce niveau de performance. Un mode de conduite difficile à observer avec la volcanique RS6. Si on raisonne avec son cœur, on la trouvera bien plus belle, expressive… et dynamique, surtout s’il s’agit d’une exclusive variante « Performance ». La vraie sportive du lot, c’est elle, et si sur le papier la vieillissante (et gourmande !) RS6 demeure dans l’ombre du SQ7, elle a déjà sa place au Panthéon du Grand Tourisme ultra-sportif.
Les alternatives
Porsche Panamera Sport Turismo Turbo
Chez le cousin Porsche, la Panamera de seconde génération, bien plus belle que la première, gagne encore en attractivité en étant déclinée, depuis peu, en une inédite version break baptisée « Sport Turismo ». Malgré ses 5m04 de long ce break de classe n’est pas un déménageur, mais il dispense un agrément de conduite de premier ordre en version « Turbo ». Cette dernière hérite du V8 Audi, mais ne développe « que » 550 ch. A partir de 161 927 €.
Range Rover Supercharged
Plus qu’une simple voiture, le Range est une icône automobile. Cette 4ème génération porte haut les valeurs de cet authentique 4×4, autant à sa place devant les marches d’un château à Balmoral, que dans les pires bourbiers d’une chasse privée. S’il n’a pas l’agilité de ses rivaux, il compense par tout le reste, notamment avec son V8 Supercharged de 510 ch. A partir de 123 500 €…